Le dernier frère est un livre douloureux – d’une beauté déchirante, exigeant, presque physique, il irradie de souffrance. Et de bonheur, aussi. « Exactement », Nathacha Appanah cherche, délie, ses mots. Ses phrases sont longues, elle tourne, elle encercle, fouille pour ne s’arrêter jamais, elle renouvelle l’effort, de peur de se perdre, de ne pas saisir la vérité des sentiments, des êtres et de la Nature. Elle nous donne à entendre une voix profondément humaine, une voix de fin de vie, sans fard, sans affect, sans pathos. Un homme se raconte – il raconte, les secrets de son enfance, la perte, la violence de la nature, de son père - et tout s’unit, tout simplement, dans des mouvements successifs, alternés, paix et guerre, dans une construction complète, et humaine.
Mais c’est un livre difficile, que nous pouvons refuser de peur de souffrir. Ses mots sont si tangibles, si sensibles, si denses, que nous pouvons les repousser d’une main, d’un mouvement de recul, d’un soupir. Et pourtant, l’amour d’une mère chasse tout, elle guérit le malheur. Apaise, il permet de vivre, de survivre, d’exister et de poursuivre.Le dernier frère de Nathacha Appanah marque, là, au cœur. Peut-être trop pour que les larmes coulent, se délivent sur notre joue, elles se refoulent par pudeur, n’osent s’exposer, elles restent ancrées, au bord de nous-mêmes. Maintenant, ces mots, cette voix, font partis de notre vie.