La crise des subprimes pourrait avoir une conséquence inattendue, puisque la Co-Operative Bank est entrée en négociation exclusive avec la Lloyds Bank au Royaume Uni pour lui racheter des actifs. En l’occurrence la reprise de 630 agences.
Ce délestage, qui représente 22% du réseau du vendeur, est exigé par l’Union européenne, à la suite de l’aide de l’Etat versée à la Lloyds Bank en 2008. Co-Op pourrait ainsi tripler de taille et atteindre 900 points de vente, une force de frappe pour ce champion de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Malgré l'absence d'actionnaire, cette banque de détail disposait fin 2010 de 4,8 milliards de livres de fonds propres consolidés.
Peter Marks, Chief Executive du Co-operative Group, a visiblement enclenché la marche avant :
“We have a clear strategy for driving The Co-operative Group forwards. As part of that we have been working to build upon our strong foundations in banking to ensure customers have a real alternative on the high street. We are a people’s bank – mutually owned, with profits shared between members and also used to invest for the long-term. Our interest in the Lloyds Banking Group’s branch assets needs to be seen in this context. We think a combination of these branches and our own would significantly strengthen our position as a real challenger in relationship banking in the UK.”Partenaire historique des communautés, le groupe Co-Op ait figure d’OVNI par rapport à la City, où le génie des Harry Potter de la finance a accouché d'une crise financière inédite. L’aveuglement d’un sir Fred Goodwin, patron de RBS, en fut le symbole, ses conditions financières de départ et le montant de sa retraite chapeau en ayant fait un moment l’ennemi public N°1 dans son pays.
Pour James Cashmore, Senior Consultant chez Goodbrand, la coopérative dispose de l’opportunité de convertir certains clients aisés de la Llyods à une nouvelle approche de l’épargne et de participer au développement économique et social du pays. Le groupe mutualiste devra les convaincre que leur argent est logé au meilleur endroit. Comme Triodos, qui a su apporter des solutions concrètes à ses clients
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Sa chance, c’est que pour James Cashmore les consommateurs veulent des établissements financiers exemplaires. Ils sont prêts à voter avec leurs pieds. A ce titre, la Co-Operative Bank a bénéficié en 2010 d’une hausse de 79% de ses entrées en relation. La marque éthique compte par ailleurs 21.845 amis sur Facebook et 7.000 followers sur Twitter, ce qui est loin d’être négligeable.
Mais, James Cashmore exprime certaines craintes. Il se demande si le changement d’échelle ne va pas entraîner une dilution des valeurs de Co-Op, un brouillage de son image et un comportement plus conformiste...
Surtout, le succès de l’opération repose selon lui dans sa capacité à convaincre les anciens salariés de la Lloyds Bank, notamment la force de vente, qu’ils ne sont pas seulement des « travailleurs», mais également des « citoyens ».
Pour y parvenir, le Co-Operative Group compte sur l’excellence de sa gouvernance et la valeur mobilisatrice acquise de sa marque.
Outre le devoir de sincérité, l’adoption précoce d’une stratégie éthique doit être gérée dans le temps. A ce titre, le buzz ne garantit pas le succès. La dernière campagne marketing de Benetton, après des années de silence, a été diversement appréciée.
En Allemagne, le fabriquant de limonades Bionade en fournit un cas d’école. Il était parvenu à conférer à sa marque une dimension unique, emblématique d’un dosage réussi entre activités lucratives et activisme.
Cette boisson fermentée, produite à Ostheim depuis 1995 dans une réserve naturelle, véhiculait des valeurs positives et un sentiment de bien être. Son slogan était ambitieux « The Official Drink of a better world » ou encore dans sa langue d’origine «Trinken für eine bessere Welt ». Elle avait même monté un site dédié pour pousser les citoyens à l’action : « stille-taten.de ».
Le breuvage avait été adopté par les manifestants altermondialistes lors du 33ème sommet du G8 en juin 2007 sur la mer Baltique. Pour preuve de son originalité, la saga de Bionade a aussi donné lieu en 2009 à un livre de Bettina Weiguny, « Bionade. Eine Limo verändert die Welt”. Une limonade transforme le monde...En un mot, Bionade avait acquis le statut envié de marque Kult.
Las, son rachat par un groupe diversifié, Dr August KG, lui a aliéné ses adeptes. Les fans auraient été déboussolés par une hausse de plus de 30% du prix de vente, rendu nécessaire pour rembourser des crédits bancaires. Et, le matraquage commercial et publicitaire n’a pas non plus été goûté. Sans compter de l’eau dans le gaz avec les fondateurs, qui avaient cédé la majorité du capital. Une fois l’authenticité disparue, le joujou s’est cassé.
La marque était il est vrai perdue dans un portefeuille diversifié, composé entre autres des pizzas surgelées du Dr. Oetker et de la bière Radeberger. Un journaliste parle même à propos de Bionade de «Flüssige Tiefkühlpizza», c'est-à-dire de pizza surgelée liquide.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le nombre de bouteilles sorties de la fabrique écologique a chuté de 60% de 2007 à 2010.
Interrogé par Bettina Weiguny pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung, le 21 novembre dernier, l’expert en boisson, Günter Birnbaum du Gesellschaft für Konsumforschung (GfK), "La marque pourrait disparaître dans l'insignifiance. L’histoire ne sonne plus vraie». Pour l’heure, Bionade dispose de 16.148 fans sur Facebook et 1.793 abonnés sur Twitter.
Le constat s’impose : les « marques militantes » ne doivent jamais oublier de se renouveler pour coller aux attentes de la société civile, voire les devancer et les canaliser.
De plus, ces marques amies n’ont plus le monopole du cœur et se font parfois rattraper par la patrouille. De nombreuses multinationales lancent des initiatives sociétales audacieuses, souvent proches de leur cœur de métier. Certaines d’entre elles jouent à leur tour les poissons pilotes, comme celles qui testent de nouveaux modèles comme à la base de la pyramide.
Co-Op montre depuis sa création une aptitude à s’adapter, grandir et gagner en influence. En France, le Groupe SOS s’inscrit dans la même veine, avec une croissance structurée, qui passe aussi par des regroupements et le partage de savoir-faire.
A l’opposé, les propriétaires de Bionade vont devoir déployer des efforts considérables pour reconstruire des liens, revenir aux sources et proposer des solutions à ses fans dans un contexte de crise financière internationale.
A certains égards, les velléités de croissance de certaines marques militantes rappellent la situation des ONG. La professionnalisation des associations peut l’air de rien laisser au bord de la route les bénévoles/militants de la première heure. De même, les associations qui décident de faire appel au financement du secteur privé doivent veiller à ne pas perdre ni leur fil conducteur ni leur indépendance.
Pour aller plus loin :
Will the Lloyds Bank branch acquisition dilute Co-operative Bank’s brand values? Par James Cashmore, Senior Consultant. Goodbrand. Dec 16, 2011
http://www.goodbrand.com/index.php?mact=News,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=31&cntnt01origid=15&cntnt01returnid=79
Alarm im Bionade-Land. FAZ. 20.11.2011
http://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/trends-alarm-im-bionade-land-11533973.html
100 millions de fans plébiscitent 150 marques pionnières sur Facebook 05/12/2011
http://ong-entreprise.blogspot.com/2011/12/100-millions-de-fans-plebiscitent-150_05.html
Psychologie de la marque culte - présentation étudiants du CELSA
http://www.slideshare.net/deborahmarino/marque-culte
LU, une marque culte