Comment faire face à l’endettement?

Publié le 19 décembre 2011 par Copeau @Contrepoints

La zone euro n’est pas directement menacée d’éclatement. Son éclatement serait la conséquence et non pas la cause d’une faillite des pays qui la composent.

Par Marc Crapez

Certains ont une idée fixe. Comment sauver la zone euro ? Par la mutualisation de la dette. Comment crédibiliser cette mutualisation ? À moyen terme, par une convergence budgétaire et fiscale. À court terme, par un engagement illimité de la Banque centrale européenne.

En réalité, la zone euro n’est pas menacée d’éclatement. Elle est menacée de faillite. Le danger est de faire sauter la banque. Le problème n’est pas l’euro. Il est certes boiteux. Et n’a pas tenu ses promesses. Mais les États ont plutôt intérêt à le conserver. Le tandem Merkel-Sarkozy fait preuve de pragmatisme. Il n’y a donc pas de raison d’assister à la fin de l’euro.

L’éclatement de la zone euro serait la conséquence et non pas la cause d’une faillite des pays qui la composent. Il faut donc protéger les œufs qui sont dans le panier de la devise et non pas se focaliser sur le panier lui-même. L’économie européenne ne vacille pas économiquement mais financièrement. Ce n’est pas une question de motivation mais de viabilité. Il y a doute sur la capacité des bons élèves à soutenir les mauvais, c’est-à-dire sur l’existence d’une taille critique du premier groupe par rapport au second et, plus spécifiquement, sur le fait que la France puisse en faire partie. C’est pourquoi la perte de son triple A serait néfaste.

Des droits monétaires sans obligations

Le défaut rédhibitoire de l’euro est son dogme fondateur selon lequel personne ne peut en sortir. Ce dogme contre-nature a aiguisé des logiques de passagers clandestins affranchis de l’aléa moral. Ce dogme déroge aux règles de l’économie de marché en refusant d’assumer les contreparties du risque. En principe, celui-ci doit créer une obligation pour celui qui le prend. La décision d’une décote de 50% sur la dette grecque, sans permettre l’activation de ses CDS, conçus comme des assurances en cas de défaut, est une anomalie de plus, qui aura des effets pervers.

70 milliards furent prêtés à l’Irlande en novembre 2010, puis au Portugal en mai 2011, sans parler de la Grèce… Une partie de ces sommes ne sera pas remboursée. Les banques restent surexposées aux dettes souveraines et aux CDS souverains. Depuis le sommet du 21 juillet, où la France s’est engagée sur la dette grecque, nos indicateurs passent au rouge. Depuis l’accord européen du 27 octobre, l’Allemagne apparaît fragilisée. Elle connaît une dégradation du prix de son CDS : le coût de l’assurance des Bunds à dix ans a décuplé depuis le début de la crise de l’euro. Moody’s a abaissé la note des banques régionales allemandes. Standard & Poor’s menace de dégrader la note allemande, ainsi que le triple A du Fonds de stabilité. Ce FESF ne fonctionne pas comme une valeur refuge. Son écart de taux avec l’obligation allemande se creuse car personne n’en veut. L’idée de créer des véhicules spéciaux pour accueillir des investisseurs privés ou chinois a fait long feu.

Il faut faire ce qu’il y a à faire : mettre la France et l’Italie à la diète et sortir la Grèce de la zone euro. L’Italie est sur la bonne voie. Mario Monti a suspendu sa propre rémunération de président du Conseil afin de donner l’exemple. En France, c’est plus compliqué. Le 23 novembre, le Sénat a voté une diminution de 3% de son budget. Mais à l’Assemblée nationale, la gauche s’est abstenue, refusant de voter en faveur d’une diminution similaire de 3% proposée par la droite. De toute façon, 3% ce n’est pas assez. Reste à supprimer les 86 sièges supplémentaires de députés créés par François Mitterrand en 1986. Rappelons l’apostrophe historique de Jean-Pierre Chevènement à François Mitterrand : « Tu sais vaincre, Hannibal, mais qu’as-tu fait de ta victoire ? ». Comme le mitterrandisme, le chiraquisme a enfoncé la France dans la démagogie, en n’innovant quand dans le clientélisme et le cynisme.

Début décembre, la mise en ligne de données administratives sur data.gouv.fr permet à tout un chacun de se rendre compte des hallucinantes subventions dont bénéficient certaines associations. Tony Blair et Gerhart Schröder ont fait une partie de la besogne, en tenant tête aux syndicats de fonctionnaires et aux lobbys associatifs. La droite doit « faire le boulot », en assumant les éternelles accusations de « coupes budgétaires ». On ne peut indéfiniment retarder les échéances. Ce n’est pas possible de continuer ainsi. Il ne s’agit pas de se désendetter massivement. À l’impossible, nul n’est tenu. Les marchés sont patients et conciliants. Ils demandent uniquement un changement de mentalité.