Je sacrifierais volontiers toutes les épreuves du calendrier cycliste international pour sauver les courses du début de saison en Belgique.
N'en déplaise à ces messieurs d'ASO et de l'UCI qui se peignent avec toujours autant de classe autour de Paris-Nice et du Tour de France, c'est aux confins de la Wallonie et des Flandres que bat
le cœur du vélo. Pas ailleurs. La Grande Boucle est une légende, il faudrait être fou pour le contester. Mais on n'y "sent" plus l'odeur particulière à la petite reine, comme c'est encore le cas
sur les routes de la classique Het Volk, de Kuurne-Bruxelles-Kuurnes ou du Ronde van Vlaanderen.
On va voir passer le Tour de France, car c'est un formidable spectacle. En Belgique, on va vivre les classiques de printemps, car c'est inscrit
dans les gènes. C'est une évidence. Comme les alignements d'immeubles sans charme de la banlieue de Bruxelles. Comme les champs boueux et la belle terre grasse de la campagne
flamande. Comme ce salopard de petit vent venu du Nord et la pluie qui donne aux pavés des reflets vachards. Oui, en Belgique et dans le Nord de la France, "Ça sent le vélo" comme aime à
le répéter Marc Madiot, défenseur du cyclisme de tradition, cyclo-cross l'hiver et casse-pattes flahute au printemps.
Qu'un coureur de la Française des Jeux, belge de surcroît, triomphe dans ce décor, et le bonheur est total. En gagnant le
Het Volk ce week-end, Philippe Gilbert a réconcilié comme à chaque fois qu'il voient l'un des leurs bouffer de l'asphalte comme un démon, Flamands et Wallons. Le cyclisme, dernier ciment
de l'unité belge ? Pourquoi pas. Le popularité de Tom Boonen, Leif Hoste, Nick Nuyens ou Philippe Gilbert est la même vue de Gant, de Bruges, de Liège ou de Bruxelles. Une chose est sûre, lorsque
le printemps approche, les vrais amateurs de vélo ont, en regardant le Tour des Flandres, Liège-Bastogne-Liège ou Paris-Roubaix, les yeux qui brillent comme les enfants devant les emballages
colorés des œufs de Pâques. Ceux qui se croient détenteurs de l'histoire et de l'avenir du cyclisme peuvent bien continuer à s'étriper, sans égards pour le peloton et ceux qui l'encouragent. Il
est dans le Plat pays et chez nos "Ch'tis" des irréductibles, baptisés par les giboulées sur les fonts baptismaux du Mur de Huy, du Koppenberg, de la Citadelle de Namur ou de la Tranchée
d'Arenberg, à qui ces carabistouilles "en touchent une sans bouger l'autre"…