Nous sommes en 39. Hannah Behar, neuf ans, vit à Paris, dans un quartier populaire au sein d’une importante communauté judéo-espagnole. Lorsqu’elle fait la connaissance de Suzanne Dupuis alias « Suzon » (dix ans), une amitié très forte naît d’emblée. Ensuite viendront tour à tour les longues absences d’Hannah partie se réfugier très loin pour se protéger de la déportation. Ce n’est qu’en mai 1968 qu’Hannah devenue journaliste retrouvera sa meilleure amie et apprendra des vérités cachées, l’enfer, l’horreur…
Une jolie fable de l’amitié que rien ne peut ternir, même les longs silences, l’éloignement, même l’hérésie des adultes sous le joug de déportation.
On se laisse porter d’un bout à l’autre du récit, sans le lâcher des yeux, scotché par le destin de ces femmes émouvantes aux antipodes l’une de l’autre socialement, puisque l’une est juive, pauvre, au physique difficile tandis que l’autre est jolie, issue d’un milieu aisé qui, plus tard, aura une brillante carrière de journaliste.
Le style est dépouillé, sans fard, mais percutant jusqu’à vous bouleverser dans les tréfonds de l’âme. L’auteur nous livre avec beaucoup de finesse l’histoire de deux cœurs meurtris par le passé, que l’amitié sauve et resserre jusqu’à devenir le ciment essentiel pour se reconstruire.
Dès les premières lignes, le décor est planté … Nous voici plongés dans l’univers chaotique des juifs turcs sous l’Occupation. Sur les visages de ces gens de peu qui n’aspirent qu’à trouver un fragment d’espoir dans l’avenir, on lit les traces d’humiliations, de peurs, de fuites. La mort est aussi au rendez-vous, celle des êtres aimés partis trop tôt, dans la douleur et la meurtrissure.
Le Monde d’Hannah est un livre fort qui nous transporte, nous brise le cœur. De chaque paragraphe émane vérité et fougue. Les endroits traversés sont magnifiquement bien décrits. Tout est vivant, ressenti, humé car même les odeurs, l’humidité, les bruissements, les craquements, les pas sur le pavé sont perceptibles…
Bouleversant, intense, à lire absolument.
Le monde d’Hannah d’Ariane Bois, Éditions Robert Laffont
Date de parution : 06/10/2011