Les secrets de la réussite allemande

A ce jour, toutes notes des Etats européens semblent sur le point d’être rabaissées par les agences de notation. Toutes ? Non, un titre obligataire résiste encore et toujours au vent de panique qui agite les marchés financiers : la rémunération des obligations d’Etat allemandes avoisine les 2%. Un exploit quand on sait que les dernières OAT (Obligations assimilables du trésor) françaises ont été émises moyennant une rémunération annuelle de 3,75% fin octobre.

« Tout à coup, l’Europe se met à parler allemand » 

Mais cela n’est en fait nullement surprenant pour qui connait les secrets de la réussite allemande. Si, selon la désormais célèbre formule du leader des députés chrétiens-démocrates, Volker Kauder, « Tout à coup, l’Europe se met à parler allemand » cela ne relève pas du hasard et encore moins de l’irrationalité des marchés financiers. L’Allemagne semble indéniablement mieux armée que ses voisins pour résister à la crise et mettre en œuvre une politique d’avenir qui préparera la croissance de demain.

Ce secret est politique et institutionnel avant tout. Force est de constater que l’origine des turbulences que rencontrent les Etats européens actuellement ne sont que les conséquences des politiques irréfléchies, inadaptées et clientélistes menées depuis plus de trente ans. La classe politique française c’est en effet focalisée sur le court terme durant des années relativement fastes, délaissant la poursuite d’objectifs dépassant l’horizon des prochaines élections… Au contraire, les partis politiques allemands ont eu à cœur de développer une stratégie commune, avec des sensibilités certes différentes, mais une vision et un objectif commun.

 L’ENA, l’origine de tous les maux?

Faudrait-il donc blâmer l’ENA de n’avoir formé que des individus opportunistes et assoiffés de pouvoir personnel ? Je ne le crois pas. Le consensualisme des politiques allemands s’expliquent avant tout par le système politique d’outre-Rhin. Alors qu’en France la constitution de la V^ème République a été conçue pour qu’un unique parti soit au pouvoir, le mode de gouvernance allemand suppose des alliances entre les différents partis politiques. Aussi même les partis minoritaires peuvent-ils être amenés à participer à l’exercice du pouvoir. La principale conséquence de cette cohabitation quasi permanente, est la nécessité pour chaque parti d’élaborer en concertation avec ses partenaires une ligne politique commune à long terme. Elle implique également que l’opposition officielle ne peut pas se permettre de remettre en cause l’intégralité des mesures prises par le gouvernement, sous peine de se retrouver isolée à l’issu des futures élections.

A l’heure où le mot « convergence » -entendez par là « transposition des pratiques allemandes au système français »- est sur les lèvres de tous les hommes politiques français, il semble donc qu’avant de chercher à vouloir germaniser les produits et les savoirs faires français, il serait bien plus pertinent de songer à réformer au préalable le système politique français, qui laisse trop peu de place à la poursuite d’objectifs de long terme.

Jean-Baptiste Duret