Quand la volupté vous croise

Publié le 18 décembre 2011 par Gentlemanw

Elle était rentrée dans cette galerie commerciale, après avoir buté sur les places manquantes sur ce parking géant. Un jeu sans fin de chariots pleins, de gens pressés, de mâles surexcités pour prendre la place, de goujats sans nom.

Elle marchait maintenant dans ce lieu sur-éclairé avec des publicités partout, des vitrines et encore des publicités sur des écrans, des lumières de Noël. Une foule immense, des hommes, des femmes et des enfants parfois hystériques de voir sans pouvoir avoir, la tentation d'un jeu, d'un jouet, d'une envie pour être comme les autres copains. 


Elle fendait la foule, pour aller vers son magasin de chaussures préféré, avec une vendeuse devenue amie et complice, en quête d'une nouvelle paire de bottes, une simple envie qui traînait depuis quelques semaines, sans trouver le bon modèle. Elle regardait, elle entrait, elle sortait, elle se faufilait dans cette cohue interminable comme deux flux d'eau qui coulerait dans l'allée principale. Ici pas de code de la route, juste celui des frustrations, des pas calmes ou pressés, celui des envies, la masse enveloppaient tout l'espace. Les tourbillons, les rochers composés d'une famille, ou de deux familles qui se rencontrent, des soudaines inerties, des contournements et des croisements de chariots, quelques insultes et ronchonnements, puis tout cela reprenait son cours. Elle sourit, juste en face, de l'autre côté de la rivière de personnes, une nouvelle boutique de lingerie. 

Toute blanche, avec de grands lustres avec pampilles et pendeloques, en plastique transparent, des publicité en 2 par 3 sur les murs, et des étagères rouges, blanches, un esprit pop enfin ! Elle pensa à son voyage à Londres, un détour chez Agent Provocateur, cette marque qui dynamise la lingerie, qui pétille sur vos hanches. Ici du bonheur clincquant ! De la lingerie pour tous les jours, mais aussi, fêtes obligent (non elles n'obligent à rien) des corsets et de très nombreuses guêpières. Des couleurs, du rouge, serait-ce le modèle de la mère Noël ? Du violet, du blanc, un peu de dentelle, beaucoup de froufrous, du bonheur, un peu de rêve !

Etrangement elle avait oublié le bruit, les musiques avec crooners et neige dans les oreilles, elle était dans ce lieu, un coin de paradis sur terre. Si certaines se délassent avec du sport, d'autres avec du bricolage ou du jardinage, certaines ont la passion du shopping. C'était son cas, pas dans un niveau d'addiction totale, mais juste ce plaisir de voir, de découvrir, parfois avant les autres, les amies et collègues, les tendances à venir. Elle humait le lieu, ressentait non pas le neuf, cette odeur si particulière qui était ici un son, un calme relatif d'une nouvelle boutique. Renforcé par le blanc des murs, elle dégustait les nouveautés, imaginait sa passion avec le mauve à dentelle enveloppante sur son bonnet arrondi. Elle testait dans son imaginaire le balconnet à côté, trop juste par toute sa volupté, souriait intérieurement, probablement aussi aux autres. Elle regardait autour d'elle, tendait une main vers un modèle, appréciait la douceur d'un tissu, celui-ci, celui-là.

Que du bonheur ! Son plaisir de shopping et non d'achat, de découverte et non d'impatience, prenait forme, elle respirait, elle s'aimait un peu plus car son image, celle qu'elle avait d'elle, celle qu'elle voulait faire partager, cette image s'enveloppait de satin orange, de bas à lacets rouges, d'une sensualité nouvelle. Imaginer, essayer, voir, savourer les matières, ressentir sa poitrine dans une nouvelle tenue, imaginer encore.

Car depuis peu, depuis plusieurs mois, elle avait croisé un miroir, un homme avec deux yeux de chat, doux et soyeux, qui reflétait son imagination, par un regard, par un sourire, par quelques bises.

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Photographe : kristelraesaar.com

NYLONEMENT