Sur la lancée de l’Université d’Eté de la Nouvelle Economie, cette rubrique de Libres, site de l’ALEPS, se propose de présenter les solutions alternatives au tout-Etat. Dans les précédentes Lettres, nous avons traité de l’enseignement, de l’Université, de la protection sociale (santé et retraites), du logement social et des « servies publics à la française ». Mais quid de la finance et de la monnaie ?
Comment pouvait-on faire fonctionner un système bancaire avant cette invention ? Les banques tirent leurs fonds d’une part de leurs actionnaires, constituant le capital social (fonds propres), d’autre part des dépôts laissés entre leurs mains par les épargnants. Ces dépôts sont une bonne chose (ils alimentent les banques et permettent des placements qui rémunèrent les épargnants) mais aussi une chose dangereuse (un retrait soudain des déposants crée une crise de liquidités). Leur gestion repose sur la confiance des épargnants, voilà pourquoi les banquiers font très attention à la nature et à la quantité des placements qu’ils vont faire. En cas de pénurie passagère de liquidités, une banque fait appel pour quelques heures aux liquidités excédentaires des autres banques : c’est le marché des liquidités, le prix est le « taux de l’argent au jour le jour ». Confiance, prudence et responsabilité caractérisent un tel système privé, sans banque centrale, et les faillites bancaires (banqueroutes) sont exceptionnelles entre le 17ème et le 19ème siècles.
Monnaie et crédit : les séparer ?
Les banques centrales n’apparaissent que deux siècles après le billet, quand elles se voient reconnaître le monopole des billets jusque là librement émis par toutes les banques. Les partisans du contrôle mettent en avant les abus. Quels abus ? En France, les banqueroutes ont été surtout liées à des crédits accordés à l’Etat. Le système de Law, les assignats : déjà la dette souveraine !
L’idée est cependant venue de couper les liens entre monnaie et crédits : la banque centrale gère la monnaie, les banques « de second rang » distribuent les crédits. Parallèlement la profession bancaire (surtout en France) se spécialise entre banques d’affaires, qui font des investissements longs (qui ont donc besoin de réserves et fonds durables), et banques de dépôts liquides et n’accordant que des crédits commerciaux très courts.
En fait, les choses se passeront autrement. Peu à peu la Banque Centrale acceptera de refinancer une partie des crédits que les banques de second rang ne parviennent plus à « nourrir » jusqu’à leur échéance, courte ou longue. Le marché des liquidités sera un « marché en Banque » (open market), un marché où l’on se procure de la monnaie émise par l’institut d’émission. La Banque Centrale sera devenue le « prêteur en dernier ressort ».
Pourquoi cette dérive ? Simplement parce que l’Etat y a vu l’occasion de faciliter le crédit bancaire en incitant les banques à prendre plus de risques, puisqu’elles bénéficient désormais d’un parachute. L’Etat pense en effet qu’il faut toujours plus de crédit – surtout qu’il devient lui-même un emprunteur de plus en plus gourmand.
La monnaie du futur : des monnaies privées et concurrentes
Pourquoi ne pas revenir au système de la banque libre ? Certaines banques centrales ne sont pas publiques, telle la Banque Nationale Suisse, société cotée en bourse. Mais il y a mieux : la monnaie électronique se développe sans cesse ; elle offre l’occasion de créer des communautés de paiement où circulent des monnaies encore rattachées à la « monnaie banque centrale », mais qui s’en affranchissent déjà dans plusieurs réseaux du commerce international par exemple. Demain la monnaie ne reposera plus sur la fiction d’un décret public (« fiat money » que ce soit de la monnaie, dit l’Etat) mais sur la réelle confiance que les utilisateurs mettront dans ceux qui émettent et gèrent l’instrument de leurs échanges, disciplinés par la concurrence qui existera entre eux, alors que le monopole des banques centrales n’a débouché que sur la facilité : l’inflation a été la plaie du 20ème siècle, et la crise actuelle est une autre preuve de l’irresponsabilité bancaire bénie par les banques centrales.
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