Une vieille formulation chrétienne pour qualifier le dernier jour d’un monde trop vieux… mais le chrétien est un optimiste et donc, ce dernier jour marque aussi l’ avènement d’un monde nouveau. Pour nos clients et amis anglophones, on dit « the day of reckoning ». Les comptes sont présentés, réglés avec plus ou moins de douleur; et on repart sur des bases assainies.
Ce jour est-il proche ? Va-t-on pouvoir repartir sur des bases assainies ?
En 2011, les Etats européens semblent avoir pris conscience des limites de leurs « Trésors ». C’est positif: constatation par les pouvoirs publics de la dépression; reconnaissance à peu près générale de la folie des déficits massifs pour une politique de « relance » parfaitement inefficace. Grève des prêteurs pour augmenter les emprunts, et même leur renouvellement se fait à des taux insupportables. Les PIIGS ont donc accepté de remettre de l’ équilibre dans leurs comptes. Sauf accident politique, France et Allemagne en font autant. Mad. Merkel a réussi à empêcher que la BCE ne fasse des eurobonds pour retarder les vrais efforts. La règle d’or est en place, condition pour que l’ Allemagne reste en zône euro.
Un monde nouveau après 10 années de folies et de « creative accounting » à la Madoff ? Oui, mais seulement en Europe, et avec un risque politique en France, qui pèse déjà sur le rating de nos grandes entreprises.
1 : Car il y a les USA. Sans direction politique. La vie publique se fait sous le patronage de Wall Street dont les « contributions électorales » battent tous les records depuis que G.W. Bush en a supprimé les plafonds. Les lobbyes bloquent la baisse des déficits publics. Bien sur, Wall Street ne peut avoir qu’une vision politique à très court terme, au plus les bonus de fin de trimestre… Ce n’ est pas de la stratégie. Le milieu politique n’ a pas pris conscience du nouveau rapport de forces dans le monde. On y croit encore que les USA sont tout puissants, comme en 1990. Et qu’ils peuvent inonder la planète de $ désirés partout « as good as gold ». Erreur: la Chine commence à se fâcher et impose des taxes à l’ importation de grosses voitures, signal très clair. Et l’ Europe est un concurrent d’ égal niveau technologique. Il va falloir attendre la prochaine élection pour que, peut-être, des mesures puritaines comme le disaient les pères fondateurs, soient prises.
2 : La récession mondiale se poursuit, avec son cortège de contradictions.
Le $ doit dévaluer par rapport au Yuan et surtout à l’ €, le vrai concurrent. Mais la propagande de Wall Street présente l’ € comme dangereux et près de disparaître. Donc les salles de marché vendent l’ € qui baisse/au $, ce qui devrait réjouir EADS et pas Boeing ! L’analyse technique est unanime: la parité va casser les 1,25$/1€ . Tout le contraire d’une dévaluation.
La reprise « Keynésienne » par la consommation ne marche pas mieux aux USA qu’en Europe. Les consommateurs sont angoissés par le chômage et le risque d’être expulsés de leur logement s’ils n’en payent pas le loyer ou les traites. Aucune reprise en vue avant qu’ils n’ aient diminué leur endettement pour revenir aux normes habituelles. Il y faut encore du temps. Les bénéfices des sociétés ont augmenté en 2010/6 premiers mois de 2011 par l’ amélioration « schumpeterienne » de leur productivité plus que par la hausse de leurs ventes. Mais il y a des limites aux licenciements , et le chômage lui-même diminue la consommation…
L’Etat fédéral croule sous les dettes, avouées ou cachées ( les engagements sociaux). Le bilan de la Fed est gonflé au maximum ce qui montre que les prêteurs étrangers se font rares; le gonfler davantage va faire peur aux créanciers. Sauf si ceux-ci ont encore plus peur pour leur existence même, et reviennent placer leurs excédents (pétroliers surtout) en Amérique. Leur faire peur par une nouvelle guerre en serait un bon moyen. Comme avec les 3 guerres d’Irak. Mais cela serait dangereux pour les marchés d’actions: New York avait baissé fortement pendant les 3 premières années de la 2nde guerre mondiale. Seul le complexe militaro-industriel peut y trouver avantage. Est-il assez puissant pour l’ imposer ? Et après ?
La dépression séculaire en cours n’ a pas atteint son terme. Celui que prévoit la science économique : sa durée devrait être le tiers de celle de la croissance précédente. Soit une fin vers 2016. L’ analyse technique confirme: aucune reprise en vue sur les marchés actions. La bande d’évolution en place en 2011 court le (grand) risque d’être cassée à la baisse. Pour revoir les creux de Lehman en 2009.
Conséquence : Les risques de toute nature sont trop grands.
Il est impossible de prévoir comment seront résolues ces contradictions. La nature y parviendra, mais il vaut mieux attendre et voir venir.
Pour nos placements: s’abstenir. Le début du nouvel exercice risque d’être chaotique. Dès que les volumes seront revenus, il n’ est pas certain que le trading automatique des gros bras de Wall Street soit beaucoup plus opérant que les interventions des Mellon ou Rockefeller de 1932. On ne peut pas truquer indéfiniment un marché.
Plus que jamais, il faudra privilégier la sécurité du rendement et de la présence en Asie.