... "Je m'appelle Ghita, j'ai 25 ans et je suis de nationalité marocaine. J'ai effectué toute ma scolarité dans le système scolaire français au Maroc, de la crèche à la terminale. L'école française à l'étranger est loin d'être gratuite : mes parents se sont « sacrifiés ».
Ils voulaient nous apporter avec mes frères une éducation française « modèle » et nous faciliter l'accès aux études en France après le bac. Aujourd'hui, je connais mieux l'histoire de la France que celle de mon propre pays, le Maroc.
J'ai obtenu mon bac scientifique en 2004. Depuis bientôt huit ans, je vis en France. Mes amis sont Français, mon petit ami aussi, ma façon de penser est française. Je suis très attachée à la France et à ses valeurs.
Mon histoire fait suite à la circulaire du 31 mai du ministère de l'Intérieur.
Après un Master 2 pro à Paris-I Panthéon-Sorbonne en cinéma, télévision et nouveaux médias (obtenu avec mention), j'ai trouvé un
emploi au sein de Réservoir-Prod, en tant que journaliste enquêtrice et réalisatrice. Un métier que j'adore.
Pour m'embaucher, Réservoir-Prod a dû :
- constituer un très gros dossier ;
- accepter de payer une taxe ;
- écrire une lettre motivant mon recrutement ;
- justifier de ses recherches pour trouver des candidats français avant tout (envoi de CV, etc.).
Les conditions relatives à mon embauche étaient pleinement remplies.
J'ai déposé ma demande de changement de statut d'étudiant à salarié en septembre 2011. Et j'ai commencé à travailler au sein de Réservoir-Prod avec mon titre de séjour étudiant.
Mais ce dernier est arrivé à expiration le 12 octobre. On m'a alors remis un titre de séjour « n'autorisant pas son titulaire à travailler ». J'ai dû rompre mon contrat avec mon entreprise. Depuis, je ne fais rien alors que j'avais un travail.
Jeudi 17 novembre, je reçois un courrier de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (la Direccte). Objet : refus de ma demande d'autorisation de travail.
Car ma profession ne fait pas partie des métiers dits « en tension », au nombre de quatorze. Je ne suis plus étudiante et je n'ai pas le droit de travailler. Je me retrouve donc dans une situation précaire alors qu'il y a quelques mois, tout allait très bien.
La France je l'aime, elle fait partie de moi. Je la parle et l'écris comme une langue maternelle. Mais je suis obligée de la quitter, de quitter ma vie ici, mes amis, mon appartement...
Le gouvernement parle de développement solidaire mais qu'est ce qu'un diplôme sans expérience professionnelle ? N'est-ce-pas sur le terrain, au sein d'une entreprise qu'on peut se forger, évoluer et apprendre ?
Le gouvernement parle de crise et de chômage. Expulser de 6000 à 8000 diplômés étrangers ne règlera pas la question des 4 millions de chômeurs. Je ne suis pas un problème pour la France. Je consomme, je paye mes taxes et impôts, je parle français et je suis complètement intégrée. Mais on ne veut plus de moi."
L'original de cet article est à lire sur Rue 89 : link. Merci Nono pour ce bel exemple édifiant, une fois de plus, de l'ineptie de notre politique d'immigration axée sur le chiffre et le seul chiffre.