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Voter pour Bayrou, s'est renverser la table

Publié le 17 décembre 2011 par Pguillery

Arnaud Dassier, l'ex-directeur de la campagne Web de Nicolas Sarkozy, explique sur son blog pourquoi Bayrou peut gagner (et apparemment pourquoi ça lui irait bien) :

Bayrou_DPDA

Depuis la déclaration de candidature de François Bayrou, quelque chose se passe. Un frisson dans l’air. Une rumeur se répand de conversation en conversation. Et si c’était l’heure de Bayrou ? Mais, oui, pourquoi pas ? On l’avait presque oublié ces dernières années, et subitement voilà qu’il apparait comme une solution possible, séduisante, évidente… Les étoiles semblent en effet vouloir s’aligner en sa faveur.

Une élection présidentielle est toujours l’aboutissement d’un parcours personnel et d’une proposition politique, portés par une bonne campagne électorale.

Le parcours personnel

Après avoir connu une longue traversée du désert, François Bayrou est désormais un homme seul ou presque. Une posture gaullienne, mais paradoxalement incarnée par un modéré. Les Français lui savent gré de cette force de caractère et de cette indépendance, vis-à-vis des clans et groupes d’intérêts qui semblent agiter l’UMP comme le PS. François Bayrou a souffert, les Français peuvent estimer qu’il « mérite » de devenir Président, que son tour est venu (comme Jacques Chirac en 1995).

Il n’est aujourd’hui qu’un challenger sérieux, mais là encore, cela joue plutôt en sa faveur à 6 mois de l’échéance, les Français ne rechignant pas à déjouer les pronostics du microcosme médiatique parisien.

François Bayrou apparait également crédible. Il a été Ministre de l’Education nationale (c’est d’ailleurs un des rares points de faiblesse de son profil, car il n’a pas laissé un grand souvenir…). Il a surtout été l’un des premiers, avec les libéraux comme Alain Madelin ou Alain Lambert, à alerter les Français sur la dangerosité de la dette.

Enfin, last but not least, François Bayrou, apparait comme un homme simple et sympathique, ancré dans la province et la ruralité. Les anglo-saxons ont coutume de dire que les gens préfèrent généralement voter pour celui avec lequel ils aimeraient partager un verre. Il incarne une France de valeurs avec lesquelles les Français nostalgiques aspirent à renouer.

Mais loin de la normalité proclamée par François Hollande, concept peu attrayant et valorisant pour les Français, François Bayrou est aussi homme de culture, d’histoire et de lettres. Il renoue ainsi le fil de la conception traditionnelle de la politique française, après la rupture urbaine et post-moderne du sarkozysme. Si l’on ajoute à cela sa solitude et son parcours initiatique intransigeant, il recrée un peu de distance et de hauteur, attributs essentiels de la Présidence.

Il semble concilier des qualités appréciées. Ferme dans les principes, mais modéré dans l’expression et l’action. A moins que ce soit l’inverse… Peu importe, le mélange fonctionne.

La proposition politique

Face à la crise, et après quelques années d’une vie politique clivée et agressive (droite décomplexée contre anti-sarkozysme déchainé), les Français peuvent aspirer à plus de modération, voire à une forme d’union nationale.

Pour l’électorat de droite, à côté d’un Nicolas Sarkozy affaibli qui semble en difficulté pour battre le candidat d’un électorat de gauche motivé et mobilisé (cf. les primaires), François Bayrou peut apparaitre comme un barrage efficace. Pour un électorat déçu et démobilisé après 10 ans d’exercice du pouvoir, François Bayrou représente une vraie possibilité de victoire contre la gauche. Les gens aiment être du côté du gagnant. Avec François Bayrou, l’électorat de droite peut à nouveau humer le doux parfum de la victoire.

François Bayrou a aussi le charme discret de la « révolution », ou tout du moins du changement, ce qui est paradoxal pour un centriste (mais l’est-il vraiment ? Tout le contredit dans son comportement tout sauf velléitaire). Voter pour cet homme seul, c’est renverser la table. C’est la possibilité de mettre un coup de balai et de donner de l’air à la démocratie, en ébranlant des réseaux de pouvoir usés, sclérosés, vieillissant (l’Assemblée nationale française est la plus âgée d’Europe avec 59 ans de moyenne) et parfois corrompus (cf. la multiplication des affaires).

Avec son slogan « Produire, Instruire », il met le doigt sur les deux préoccupations majeures des Français : le redressement économique, la restauration de l’autorité et de la transmission des valeurs. François Bayrou c’est l’homme de la galoche administrée au petit garnement de banlieue en 2007, mettant fin symboliquement à des décennies de laxisme et de pensée « bisounours ».

Son diagnostic, qui paraissait trop consensuel en 2007, excuse à l’impuissance à un moment ou les Français attendaient de l’action, sonne plus juste dans le contexte de 2012, après 5 années d’activisme dont beaucoup de Français se sont lassés et ne perçoivent pas suffisamment les résultats, et face à une crise qui peut justifier une forme d’union nationale (comme l’Allemagne a su le faire après la réunification).

L’effet de bascule décisif

L’intention de vote en faveur de Nicolas Sarkozy apparait fragile, son principal moteur étant la volonté de faire barrage à une gauche irresponsable et divisée, incapable de remettre en cause ses dogmes et ses clientèles politiques, essentiellement motivée par la perspective du pouvoir. Si François Bayrou atteint un score suffisant dans les sondages – aux alentours de 18 %, Nicolas Sarkozy se trouvant mécaniquement abaissé à 22 / 24 % – il apparaitra alors comme une solution crédible face à la gauche. Il est possible alors que se produise un effet de bascule en sa faveur, l’électorat de droite volant au secours d’une victoire mieux assurée face à la gauche.

Ce scénario est d’autant plus crédible que la candidature de Marine Le Pen est chaque jour renforcée par une actualité qui semble vouloir donner raison au FN sur l’Euro ou le danger islamiste (40 % des tunisiens installés en France ont voté pour les islamistes), au détriment de celle de Nicolas Sarkozy, qui serait alors pris en tenaille, et dont la chute s’en trouverait accélérée.

La campagne électorale

La réalisation de ces hypothèses dépendra évidemment de la campagne électorale, dont il ne faut pas négliger l’importance. Nicolas Sarkozy, orfèvre en la matière -sa dernière brillante émission de télévision l’a encore montré- peut réussir à convaincre les Français qu’il a changé et que son expérience et son caractère sont les meilleurs attributs en temps de crise grave, malgré un bilan en demi-teinte.

Pour arriver en tête au premier tour, François Bayrou doit donner des gages, envoyer des signes, à l’électorat de droite, sans pour autant perdre l’électorat du centre et du centre gauche. La faiblesse de la campagne de l’indécis François Hollande, et les divisions surréalistes d’un PS miné par les ambitions et la corruption de ses baronnies locales, peut l’y aider.

Mais le destin de François Bayrou repose avant tout dans ses mains et celle de son équipe. Seront-ils capable de mener une campagne efficace et de donner une image rassurante de professionnalisme ? L’organisation n’est pas la qualité première des centristes et des libéraux (qui soutiennent largement François Bayrou, ou sont fortement tentés de le faire). C’est en menant une campagne moderne que l’un d’entre eux, Valery Giscard d’Estaing, avait réussi à se hisser à la Présidence de la République en 1974. François Bayrou parviendra-t-il à rééditer l’exploit, mettant un terme à la toute puissance de l’UMP (qui ressemble d’ailleurs de plus en plus au RPR d’antan) ?

(c) Arnaud Dassier


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