Le romancier Olivier Adam est devenu un fournisseur régulier de scripts pour le grand écran. Après, entre autres, un Je vais bien ne t’en fais pas, construit lui aussi autour du thème de l’absence, c’est au tour de ses Vents Contraires d’intéresser un cinéaste. Une mère qui disparaît (Audrey Tautou), un père à la dérive (Benoît Magimel), des gamins déboussolés, une vie à rebâtir, les paysages côtiers et mélancoliques de Saint-Malo : tout le matériau cinématographique était là. Jalil Lespert, pour son second long-métrage après 24 mesures, livre ainsi un beau portrait d’homme. Dirigeant ses acteurs d’une main de maître, sa caméra saisit tout du jeu complexe d’un Magimel, que l’on n’avait pas vu aussi bon depuis des lustres (chez Haneke précisément). Chaque séquence rend justice à sa composition nuancée. C’est simple : lorsque l’on sort de la salle, on se dit que personne d’autre que lui, avec son physique tout aussi séduisant que lourd, massif, n’aurait aussi bien su saisir tous les détails du personnage.
Ce n’est pas le seul, d’ailleurs, à impressionner dans Des Vents contraires : Isabelle Carré est immensément touchante dans le rôle de la flic sensible, Ramzy Bédia impressionne en père paumé, bien loin de ses rôles comiques, et Antoine Duléry trouve le ton juste, entre humour et pudeur. C’est cette galerie de personnages, bien croqués, bien dessinés, filmés à la bonne distance qui rend le film de Lespert attachant, intéressant, fort par instants. Le reste du temps, on patauge un peu : la mise en scène n’est pas suffisamment personnelle, inventive, pour sublimer les silences, ou même, tout simplement, se démarquer ; et, la tentation du pathos n’est jamais loin, menaçant tout du long le récit de sombrer dans la facilité. Lespert finit par s’y vautrer dans un final, trop étiré, trop larmoyant, trop explicatif, là où l’on aurait aimé rester dans le flou, tant l’essentiel nous paraissait résider dans la (r)évolution intérieure et progressive des protagonistes. En clôturant absolument tous les enjeux dramatiques du récit (principaux et collatéraux), il muselle les émotions. Dommage.