Il y a quelques temps, le Canard Enchainé se moquait du « Figaro », raillant le manque d’imagination de ce dernier pour son utilisation répétitive des mêmes titres négatifs pour parler des Socialistes. Il ne s’agissait, en fait, que de l’autre côté du miroir, l’objectif de ce journal étant de vanter sans vergogne les victoires supposées du Président Sarkozy. Et parmi les slogans que la presse de droite répète à l’envi, l’un d’entre eux serait le dévouement du chef de l’Etat qui se serait donné comme tâche de « sauver l’euro ».
Et en effet, depuis plus d’un an – et surtout après sa «fantastique » prestation à Deauville en Novembre 2011 – le Président de la République Française est toujours là, à côté ou plus souvent derrière Mme Merkel à « sauver l’Euro ».
La déclaration de Deauville restera certainement pour l’histoire comme la plus désastreuse déclaration de politique monétaire de l’histoire contemporaine. Les deux dirigeants de la droite européenne ont proclamé le besoin de faire de la faillite des Etats une punition majeure prévue par les traités européens. C’est ainsi qu’ ils ont assuré l’enchainement de débâcles de banques et d’États qui s’est déroulé depuis cette date et qu’ils ont mis en doute la possibilité de la survivance de l’Euro même.
Il est vrai que la crise de l’Euro était inscrite elle-même dans les conditions défaillantes qu’ont présidé à son architecture. Pourtant, il faut le rappeler, la crise du dollar étant elle aussi inscrite aux conditions auxquelles le système monétaire était lancé en 1944 (lire Keynes à ce propos), il continue à jouer presque pleinement son rôle à nos jours, même s’il a bien abandonné sa convertibilité en or déjà depuis plus de quarante ans.
Si personne n’est capable d’assurer la survivance de l’euro en 2012, il faut bien dire que la gloire n’en revient pas à Le Pen mais c’est à ce duo formé à Deauville qu’on doit cette sombre perspective. Il faut d’ailleurs plutôt les considérer comme les fossoyeurs de l’euro que les sauveurs de notre monnaie.
Et citant le titre du Canard enchaîné « les serial sauveurs de l’euro », on comprend les difficultés que rencontre la machine de propagande de la droite à innover quand la mise en scène du duo n’est pas trop imaginative non plus, tournant toujours autour de quelques improvisations sur des nouveaux fonds, des nouveaux montants, des nouveaux traités européens plein de mécanismes, de châtiment pour tous ceux censés être indisciplinés.
On accuse toujours la tyrannie des marchés pour nos mésaventures présentes, mais il ne faut rien comprendre au fonctionnement des marchés financiers européens pour s’imaginer que la faillite des États souverains de la zone euro pourrait se faire sans mettre en danger toute la zone euro.
Plutôt que la tyrannie des marchés, nous sommes aujourd’hui soumis à la tyrannie de l’incompétence, du délire, de la présomption, de l’égotisme et de la sauvagerie.
Ce qui vient de se passer en ce début du mois de décembre avec les dernières propositions du duo n’est rien d’autre qu’un ultime bricolage, mais ne saurait représenter une réponse sérieuse à la crise.
En effet, ce n’est pas en sanctuarisant au travers d’une modification des traités la sanction aux états en difficulté que l’on sortira l’Europe de l’ornière.
Ce schéma, à coup de plans de rigueur distribués aux mauvais élèves a pourtant bien fait la démonstration de son échec, mais l’aveuglement reste le principe de ceux qui n’ont malheureusement aucune vision pour l’Europe.
Et pourtant, il faut sauver l’Euro, parce que sauver l’Euro, c’est sauver l’Europe, c’est permettre de construire un futur plus lumineux, plus heureux, plus harmonieux, plus libre et plus prospère pour nos tous.
Dans l’immédiat, comme tout le monde l’a compris en Europe et en dehors de l’Europe, sauf bien sûr le duo, il n’y a rien d’autre à faire que mettre la Banque Centrale Européenne en marche pour faire ce que font les banques centrales partout.
Deuxièmement il faut constater que le principe sur lequel le Traité de Maastricht a érigé l’Euro, à savoir : « il faut seulement contrôler les comptes publics, pas les comptes extérieurs », a fait la preuve de son échec, issue d’une idéologie de banquiers, pas de la réalité économique.
Donc, certes, il faut revoir les erreurs commises à Maastricht et approfondies à Lisbonne, mais la révision des traités ne peut pas se faire comme le veut le duo.
Il faut qu’on prenne conscience qu’il y a des conditions de gouvernance économique nécessaires pour qu’un espace économique aussi complexe que l’européen fonctionne avec une monnaie unique, et donc il faudra débattre des moyens et des mécanismes.
En attendant ce sursaut nécessaire, on ne peut constater qu’une chose, à chaque fois que Sarkozy sauve l’euro, la chute de la monnaie est immédiate…
Anne Ferreira
Vice-présidente du Conseil Régional de Picardie