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Les fléaux de la Birmanie

Publié le 03 décembre 2011 par Cmasson

En 1994, Action contre la faim lançait ses premiers programmes en Birmanie. Difficile pari pour une ONG que d’intervenir dans un pays très fermé aux organisations internationales, en dépit de son extrême pauvreté : la Birmanie se classait en 2010 132e sur 169 pour l’indice de développement humain. Aujourd’hui, ACF traite entre 20 000 et 30 000 enfants malnutris par an dans ce pays souffrant d’une insécurité alimentaire persistante, de taux de malnutrition dramatiques dans plusieurs régions et frappé par des catastrophes naturelles à répétition.

19,5% : c’est le taux de malnutrition aigue révélé par la dernière enquête nutritionnelle effectuée en 2010 dans le Nord de l’Etat de l’Arakan. Un taux alarmant, qui dépasse le seuil d’urgence de 15% retenu par l’OMS. Ici, plusieurs facteurs se combinent pour générer des problèmes aigus de malnutrition : des ressources alimentaires insuffisantes, un accès limité aux structures de santé ainsi que des habitudes ou connaissances inappropriées en termes de pratiques alimentaires. Les rendements limités de la production agricole s’expliquent par des facteurs naturels (précipitations irrégulières) et le coût élevé des intrants agricoles. En outre, l’accès à la terre est limité (30% des ménages pouvant cultive le riz en saison des pluies) rendant la majorité des foyers dépendant des achats sur le marché. Un autre facteur discriminant, contribuant à cette situation, est la non-reconnaissance de la citoyenneté de la minorité ethnique Rohingya, majoritaire au NRS.

L’Etat de l’Arakan, à l’Ouest du pays, n’est pas la seule zone affectée par l’insécurité alimentaire. Dans l’Etat du Kayah (Est du pays) par exemple, 85% des ménages font face à des pénuries alimentaires répétées. Après avoir débuté ses interventions dans l’Arakan, ACF a donc étendu ses activités au Kayah. Dans ces régions, ACF mène déjà des programmes de sécurité alimentaire : jardins potagers, formation, distribution de bétail, création de banques villageoises de céréales pour faciliter l’accès au riz pendant la période de soudure. ACF prévoit à présent d’ouvrir des programmes dans l’Etat de Chin (nord-ouest).

Faire chuter la mortalité

Parallèlement aux mesures préventives, pour faire reculer la mortalité liée à la malnutrition, ACF a mis en place un programme de traitement comprenant des dispositifs adaptés aux divers degrés de la maladie. Dans les cas les plus graves, les enfants atteints de malnutrition aigüe sévère avec complication sont hospitalisés. Là, ils reçoivent un traitement d’urgence, à base de pâtes nutritives notamment, qui permet de les soigner avec un taux de réussite élevé : seulement 0,3% de décès entre janvier et août 2011 et plus de 83% de guérison! Les enfants malnutris modérés, eux, sont traités dans le cadre du « programme nutritionnel supplémentaire.» Pourquoi « supplémentaire » ? - Parce qu’il consiste à apporter aux enfants des rations de nutriments en plus de leur alimentation habituelle. Un traitement qui, outre son efficacité (plus de 95% de guérison de janvier à aout), offre un avantage considérable : il peut être suivi à domicile, ce qui permet d’éviter le déracinement d’enfants déjà affaiblis.

Parallèlement, ACF intervient en prévention en sensibilisant les mères à l’allaitement et aux besoins nutritionnels de l’enfant. C’est le cas de Myaing, dont la petite fille Thiri a été admise en urgence au centre : elle pesait à peine 3 kilos … un tiers de moins que le poids normal pour sa taille ! « Mon bébé ne voulait plus prendre le sein, explique Myaing. Elle a perdu du poids de jour en jour, jusqu’à perdre toutes ses capacités motrices : elle ne pouvait même plus tenir sa tête ! Mon mari et moi étions sûrs qu’elle allait mourir. Une voisine m’a suggéré de venir au centre d’ACF. A mon arrivée, on m’a aidée à reprendre l’allaitement. L’état de Thiri s’est amélioré de jour en jour. Deux semaines plus tard, elle faisait 3,8 kilos : 85% du poids normal ! Et puis les équipes ACF prennent non seulement soin de mon bébé, mais de moi également ! »

Nutrition, éducation

Dans un contexte où le niveau d’éducation des femmes est peu élevé, la lutte contre la malnutrition passe aussi par l’accès des femmes au savoir – notamment en ce qui concerne l’alimentation. « Si nous ne parvenons pas à éduquer davantage les femmes, nous n’attendrons pas notre but, explique Hafizul, employé d’ACF. Ce sont elles qui tiennent l’avenir dans leurs mains. C’est pour cela que notre organisation travaille avec les jeunes filles mais aussi les sages-femmes traditionnelles, entre autres, pour accroitre les connaissances en termes d’allaitement, de nutrition, d’hygiène.»

Dans un pays où les services publics et infrastructures sont très inégalement développés, l’accès à l’eau est également problématique. Une étude menée en 2007 par ACF dans l’Etat de Kayah a ainsi montré que plus de la moitié de la population prélève l’eau qu’elle consomme de sources non protégées – d’où un risque important de contagion. Pour cette raison, ACF réalise ou réhabilite environ 50 points d’eau par an, qui bénéficient chacun à plus de 200 personnes.

Outre les programmes de longue durée, il y a l’urgence. ACF est intervenue en 2010 suite au passage du cyclone Giri qui a fait 100 000 sans-abri. Une catastrophe naturelle parmi celles qui frappent régulièrement le pays- et aggravent la fragilité alimentaire des populations.

« Mon rêve de jeune homme serait de voir les enfants de cette région délivrés de la malnutrition, car ce fléau entrave leur avenir, soupire Hafizul. Or aujourd’hui nous pourrions difficilement, seuls, nous sortir de cette situation.»

Christinna Lionnet

ECHO soutient les programmes de nutrition d'Action contre la Faim en Birmanie.


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