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Audrey Bonnemaizon – Mise en œuvre de l’orientation-marché : le cas d’EDF

Publié le 18 février 2008 par Christophe Benavent


La thèse d’Audrey Bonnemaizon vise à étudier sur la base d’une étude de cas approfondie, celui d’EDF, l’orientation-marché émerge dans l’entreprise à mesure de la dérégulation du marché, la fonction commercial évoluant d’une logique d’usager vers une logique de client.
Un modèle dominant de la gestion de la relation client est aujourd’hui le modèle technologique, où la relation est médiatisée par les technologies de l’information. Cependant l’intelligence marketing sur laquelle s’appuie le développement de la relation client s’inscrit dans le sillon tracé par unconcept classique, celui de l’orientation marché, dont de nombreux chercheurs ont montré qu’elle conduisait à de meilleures performances organisationnelles.
Dès 1930, Converse met en exergue l’idée que le vendeur doit partir des désirs du consommateur pour déterminer les caractéristiques et on se souviendra de Levitt (1960) qui relève la « myopie » des dirigeants et souligne ainsi que seuls les besoins des consommateurs et non les produits imaginés et conçus par les marketers pour les clients sont le point de départ de l’élaboration d’une proposition de valeur. Mais il faudra attendre le début des années 90 pour que les chercheurs s’interrogent sur sa mise en œuvre et son déploiement effectif. Ils mettent en avant la nécessité de diffuser au sein de l’entreprise une philosophie où la satisfaction du consommateur est centrale, le marketing est une fonction transverse à toutes les fonction de l’entreprise et l’objectif premier est l’établissement de relations à long terme avec les partenaires commerciaux et les clients, exigeant une évolution de la culture d’entreprise en faveur de plus d’attention portée au client ainsi que de nouveaux comportements organisationnels de gestion de l’information. Kohli et Jaworski (1990) notent quinze ans après le peu d’efforts théoriques et empiriques réalisés pour en comprendre le déploiement au sein des organisations modernes. Avec Narver et Slater (1990), ils réactivent ces réflexions en initiant un véritable courant de recherche, l’orientation marché, qui reste une source fertile de questionnements comme en témoignent des publications récentes (eg. Kirca et alii., 2005; Ellis, 2006 ; Gotteland et alii. 2007).
Si la littérature marketing souligne largement le lien entre l’orientation marché et la performance organisationnelle, elle est cependant relativement silencieuse sur les mécanismes qui gouvernent une telle orientation. Plus précisément, ces travaux n’abordent pas la manière spécifique dont les acteurs, qui l’organise et la mettent en œuvre, actualisent l’orientation marché selon leur contexte commercial. La thématique de sa mise en œuvre, qui constitue notre objet de recherche, soulève ainsi trois questions de recherche : quelles formes, quels modes d’orientation marché conduisent à la performance ? A quels objectifs marketing répondent-ils ? Comment les acteurs s’en emparent et sur la base de quelles ressources ?
La dimension culturelle de l’orientation-marché ne se lit pas uniquement dans les conduites, les comportements organisationnels. Une définition forte de la culture, suggère qu’elle est associée à un certain nombre normes positives ou négatives, à des représentations prescriptives du client qui structurent le regard des acteurs. Cette conception dynamique de la culture, comme ensemble de représentations prescriptives attachées à des manières de voir, de penser et d’agir, se rapproche de la modélisation constructiviste de l’apprentissage chez Weick. Nous proposons un prolongement de l’approche culturelle de l’orientation marché : elle est un processus d’enactement s’appuyant sur des représentations projetées sur le client. Les acteurs s’attachent moins à la découvertes de vérités immanentes, qu’à l’attribution de sens aux informations recueillies et à l’atteinte d’une cohérence interne de production d’un sens commun donné au marché. Comment ces représentations se structurent-elles ?
Dans la mesure où au sein des firmes le rapport de l’entreprise à son marché est conçu comme une relation sociale, la manière dont les évènements sont représentés, se traduit et s’organise comme un rapport de rôles. Quel dispositif permet d’en rendre compte ? En considérant la relation client, au cœur de l’intelligence marketing, comme un rapport de rôles, ces représentations sont avant tout un système de droits, de devoirs, voire d’interdits attribués au client qui définissent en miroir les normes positives ou négatives attachées à l’action que se donne la firme.
En dissociant l’information de la connaissance, il est possible d’envisager aussi le déploiement de l’orientation marché comme un processus d’apprentissage organisationnel. En effet, contrairement à ce que laisse sous-entendre la littérature sur l’orientation marché, information de marché et connaissance de marché ne sont pas substituables. L’analyse du déploiement de l’orientation marché et de sa dynamique souffre du manque de reconnaissance du rôle des représentations des acteurs qui les conduisent à filtrer, hiérarchiser, l’information de marché et à reconsidérer les vecteurs de leurs actions. Dans cette logique, l’orientation marché se conçoit aussi comme un ajustement au marché s’appuyant sur des technologies d’apprentissage. Ces dernières forment des réseaux d’instruments, d’outils, d’objets, de méthodes, de techniques, que les acteurs s’approprient : la lecture qu’ils en font induit la façon d’apprécier le client et de s’y adapter.
Ainsi la thèse qui est défendue est que la réussite de la mise en œuvre de l’orientation marché résulte de l’adéquation entre une culture client considérée comme système interprétatif et la pertinences des techniques destinées à renforcer cette capacité de lecture du marché.
Le déploiement d’une recherche exclusivement qualitative se justifie dans le cadre de l’analyse d’un processus phénomène dynamique qu’est la mise en œuvre de l’orientation marché. C’est pourquoi, en immersion dans l’entreprise eDF, au sein du département ICAME division Recherche et Développement pendant 3 ans, nous avons opté pour une étude de cas unique et longitudinale (Yin, 2003): EDF nous est apparue comme une entreprise particulièrement intéressante tant dans sa nature que dans le caractère « extrême » d’adaptation au marché et de ce fait comme un laboratoire pertinent d’analyse de l’introduction et des modalités d’orientation marché. Entretiens dialogiques avec acteurs de niveaux hiérarchiques contrastés, de métiers et de fonctions diverses, documents internes, données collectées en tant que « participant-observateur », « observateur- participant » ou « passif », données collectées au cours de discussions informelles recensées dans un journal de bord ont été analysées confrontées pour tenter d’appréhender les caractéristiques d’une orientation marché en construction.
Audrey Bonnemaizon est Doctorante à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, sous la direction de Christophe Benavent Professeur à Paris X –CEROS. Elle est actuellement ATER IUT de Saint-Denis –Université Paris 13. Elle est l’auteur de plusieurs communications et publications.
  • A.Bonnemaizon (2005),La compréhensionde l’organisation orientée client : une approche par les représentations sociales, 2ème tutorat collectif en Marketing du réseau ALM, Toulouse, 22 juin.
  • A.Bonnemaizon (2006),La construction du client, une analyse en termes de rôles, 15 ème Colloque International de la Revue « POLITIQUES ET MANAGEMENT PUBLIC », L’action publique au risque du client ? « Client-centrisme » et citoyenneté, Lille, 16 et 17 mars.
  • A.Bonnemaizon, B. Cova, M.-C. Louyot (2006), Représentations européennes du marketing relationnel à l’horizon 2015 : Une analyse Delphi, 5th International Congress on Marketing Trends, Venice, 20 and 21 January.
  • A.Bonnemaizon, B. Cova, M.-C. Louyot (2006), Relationship Marketing in 2015: a Delphi approach, 35th EMAC Conference, Athens, 22-26 May.
  • O.Curbatov, P. Pavlidis, A. Bonnemaizon (2006), Innover avec le Knowledge Marketing : 10ème tendance conceptuelle en mouvement, 11ème Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne, 9-10 novembre, Dijon.
  • A.Bonnemaizon, B. Cova, M.-C. Louyot (2007), Relationship Marketing in 2015: a Delphi approach, European Management Journal, vol. 25, n°1, February.
  • A.Bonnemaizon, O.Curbatov, M.-C. Louyot (2007), Knowledge Marketing: a new trend in a flexible world, 36th EMAC Conference, Reykjavik, 22-26 May.
  • B. Cova et M.C-Louyot –Gallicher (2006), Innover en marketing : 15 tendances en mouvement,Lavoisier, Paris.Contribution à l’ouvrage (chapitre 1):

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