[Feuilleton] Mont Ruflet d'Ivar Ch'Vavar - 9/41

Par Florence Trocmé

Mont-Ruflet 
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar 
9e épisode 
Résumé de l’épisode précédent : La jeune Alix franchit la lisière de la forêt en endossant un havresac qui est le monde. Profitant d’un arrêt sur image sur sa cuisse (elle est en short), deux ou trois lecteurs indélicats la regardent d’un peu trop près... 
 
Re. Je suis sur le cul,  là, les doigts tout raides de fa 
Tigue, mes yeux brûlés par la luminosité excessive 
De l’écran, la nuque et les reins tordus, et il faut en 
Core que je supporte ces maniaques qui mettent le   (420) 
Nez partout ? Moi, je donne juste une belle image: 
Du gris-beige sur du doré,  que sépare un fin liséré 
D’ombre,  et je trouve ces obsédés occupés à flairer 
La suée d’Alix, à sonder les pores de sa peau ?  Oh, 
Je ne peux pas ! Si je laisse faire,  ils finiront par lui    
Baisser son short et la culotte aussi, pour contenter 
Leur sale curiosité,  voir si c’est fille ou bien garçon 
(C’est vrai que l’Alix est un peu androgyne, sexuel 
Lement ambiguë, mais tout de même)...Ils ont réu 
Ssi à me mettre en colère! et maintenant il faut que      (430) 
Je me calme, et que je reprenne le récit. (Mais, c’est 
Alix elle-même, qui avait la main,  et je la lui rends, 
Je la lui tends, la main des contes,  la main fripée et 
Desséchée des grands-mères.  Qu’elle ne la brandis 
Se pas orgueilleusement,  mais contre sa cuisse, oui 
Qu’humblement elle la tienne, comme un talisman 
Ou bien un vieux gant.) —Passée l’orée, et une fois 
Sous le couvert des hêtres,  l’environnement sonore 
A changé du tout au tout. S’il y a encore des bruits, 
Ils ont pris quelque chose au silence là,  oui comme      (440)  
Si l’ancienneté du lieu,  si l’ensorcelante caducité d’ 
Arbres quelquefois  nus de toute feuille,  et dressés, 
Fiers, farouches ; si l’ensommeillement mystérieux 
Qui nous gagne,non sans un fond de tension, d’an 
Goisse... Comme si l’ensemble de ce qu’on voit, de 
Ce qu’on ressent, la spongi.osité du sol, la douce â 
Creté des odeurs, les mouvements qu’on surprend 
Du coin de l’œil dans les branches,  la présence, de 
Venue énigmatique, du ciel dans les trouées... bref, 
La réalité sonore du bois reste comme... suspendue,      (450) 
Est-ce le bon mot ? Oui, je crois, oui. Ça se tient en 
L’air... et...on dirait que ça attend.  On entend: que  
Ça attend ! On n’entend que ça, en fait. Et les sons 
Sont empaquetés d’une sorte de ouate grège,  mêm 
E les plus pointus, les plus aigres.   Pourquoi est-ce 
Que j’ai dit (se dit l’Alix) grège ?  Grège c’est beige 
Gris, c’est la couleur de mon short,  mais je ne vois 
Pas le rapport ? (Et le cuivre de ma cuisse, il a pris 
Ici comme un reflet vert (toujours ces « comme » à 
La gomme, mais comment faire sans? et comment      (460) 
Sortir sans encombres de cette triple parenthèse ?). 
L’écho est un cas particulier... On pourrait dire qu’ 
Il est l’équivalent sonore du reflet, mais...  jamais il 
Ne se pose ou ne se plaque...  Il ne vient pas ici, lui, 
Il reste toujours là-bas (même si ça n’est pas au mê 
Me endroit). Il ne vole pas, non, il roule...  On ne le 
Voit pas : alors qu’on entend le reflet (des fois), il y 
A un cri du reflet, un sifflement, une huée,  je dirai,

prochain épisode lundi 19 décembre 2011