La BCE vire au hedge fund et autres histoires économiques de la semaine

Publié le 16 décembre 2011 par Copeau @Contrepoints

La synthèse des actualités économiques de ces derniers jours.

Un article de Dominique Trenet, publié en collaboration avec l’Institut Turgot.

L’accord européen constitue une avancée , mais il est difficile d’envisager les conséquences des décisions annoncées tant elles sont complexes. « Ce qui n’est pas dans l’accord est plus important que ce qui s’y trouve », a expliqué Xavier Timbau, directeur du département analyse et prévision OFCE dans le cadre de l’émission L’économie en question sur France Culture.

A titre d’exemple, Nicolas Sarkozy a accepté de façon explicite le principe de sanctions quasi automatiques dans le cadre de tout déficit. En contrepartie, Angela Merkel n’a accepté que de façon implicite un peu plus de flexibilité dans les interventions de la BCE.

Il y aura un peu plus d’intégration fiscale mais les gouvernements nationaux garderont la main sur leurs budgets nationaux. Pour Chris Wood , le stratégiste de CLSA à Hong Kong, l’Europe a besoin d’une autorité financière ressemblant au Trésor américain, ayant la possibilité de lever l’impôt à l’intérieur de la communauté. Tant que cela ne sera pas fait, les marchés demeureront sceptiques sur la pérennité de la zone euro qui restera une union monétaire sans union fiscale.

Il fallait sauver la face de la BCE , en lui permettant d’acheter de la dette souveraine, pour pouvoir jouer un rôle de prêteur en dernier ressort. Comme la BCE ne peut pas faire de prêts en raison de ses statuts, les banques centrales européennes vont prêter 200 milliards d’euros au FMI pour que l’institution puisse accorder les lignes de crédit aux états européens en ayant besoin. « L’hypocrisie était nécessaire, c’est un jeu dangereux, considère Pierre Olivier Gourinchas , professeur à l’université de Berkeley, car il n’y a aucun consensus sur ce sujet au sein de la BCE. »

Le FMI ne devrait pas intervenir en Europe explique Mario Blejer, ancien ministre des Finances de l’Argentine. L’institution présidée par Christine Lagarde n’a aucune raison de se substituer à la BCE d’autant plus que 80% de son bilan est déjà engagé sur l’Europe. Le consensus ne semble pas exister non plus au sein du FMI…

Le problème des CDS est au cœur du risque systémique

Les Credit Default Swap (CDS) sont l’équivalent d’une assurance achetée par un porteur d’obligations souveraines pour se protéger contre le risque de défaut de son débiteur. Les banques européennes en ont émis, selon les autorités bancaires européennes, pour 178 milliards d’euros qui constituent un engagement qui risque d’être activé dans le cadre d’un scénario catastrophe baptisé « Armageddon ».

Le problème est que ces mêmes banques se sont couvertes à hauteur de 169 milliards d’euros. En solde net le montant apparait faible, mais il peut emporter tout le système bancaire, si un établissement important fait faillite. C’est ce qui s’est passé avec AIG en 2009, la compagnie d’assurances américaine était le premier émetteur de CDS. Le Trésor américain avait du apporter près de 185 milliards de dollars pour lui permettre d’honorer ses engagements, notamment auprès de la Société Générale…

« Il faut arrêter d’être dépressif », nous dit enfin Olivier Pastré, professeur d’économie à Paris VIII. Tout va bien, Angela Merkel a fait des concessions, Nicolas Sarkozy a accepté de ne plus parler tout le temps, les Anglais sont pratiquement sortis de l’Europe et la BCE est devenue un énorme hedge fund… A suivre.

La croissance est la grande oubliée du dernier sommet

Les mesures concernant la croissance sont totalement absentes du dernier sommet écrit Lary Hatheway d’UBS,dans sa dernière note de stratégie à ses clients institutionnels. On a dépensé beaucoup d’énergie pour contourner le problème du changement de traité en utilisant à la place des accords intergouvernementaux. Dans un monde globalisé, aucune mesure n’a été envisagée pour redonner de la compétitivité aux pays qui l’ont perdu.

L’esprit start up est au cœur de la compétitivité

La création de « start-up » est l’obsession de Peter Thiel pour créer de la croissance. Il sait de quoi il parle car il est américain, et a déjà fait trois fois fortune à 44 ans. Il a fondé en 1988 la compagnie PayPal qu’il a revendu en 2002 à Ebay. Il a été en 2004 le premier investisseur financier de Facebook puis il a créé le hedge fund Clarium.

Pur produit de l’Université de Stanford, il fustige la « bulle universitaire américaine » et propose un pont d’or aux étudiants de moins de vingt ans qui abandonnent leurs études pour créer une start-up. Ayant étudié la philosophie à Stanford, c’est un grand admirateur de René Girard le penseur français du désir et de la violence. Il voudrait faire la synthèse du girardisme et du libéralisme.

On peut lire l’interview passionnante de Peter Thiel dans le dernier numéro Hors Série de Philosophie Magazine. Sur le thème des « start-up », il faut également absolument lire « Start Up Nation. The story of Israël economic miracle » de Dan Senor et Saul Singer. Ils montrent comment ce petit pays sans aucune ressource naturelle est devenu le laboratoire de recherche le plus en pointe de Google, Cisco, Microsoft et Intel. Le venture capital qui finance en priorité des sociétés technologiques est par habitant 2 fois et demi plus élevé qu’aux Etats-Unis, 30 fois plus qu’en Europe, 80 fois plus qu’en Chine et 350 fois plus qu’en Inde….

« La question du coût du travail n’est d’ailleurs plus au cœur de notre problème de compétitivité » dit Alain Madelin dans un article publié sur le site de l’Institut Turgot intitulé « Le programme de l’UMP : des propositions indigentes et affligeantes« . C’est par la qualité, la créativité, la qualification, l’innovation et l’investissement que l’on dope la compétitivité. La nouvelle croissance dans la société mondiale du savoir est aujourd’hui tirée par la combinaison intelligente du capital humain créatif et du capital financier mobilisé dans l’investissement et l’innovation. Or en France, notre capital humain créatif est frappé d’une imposition marginale totale par des impôts et des cotisations déplafonnées qui frôlent le record du monde…

La Grande Bretagne n’est pas arrivée à recréer l’ « India Office »

La marginalisation de la Grande-Bretagne par rapport à l’Europe est l’événement géopolitique de la semaine. Le rêve anglais qui constituait à être présent dans toutes les décisions sans que cela concerne les britanniques a vécu. Pour Jean Louis Bourlanges professeur à Sciences Po, ils auraient voulu perpétuer l’India Office qui leur permettait de contrôler l’ensemble du continent indien avec 2000 fonctionnaires….

Le régime chinois est au bord de la ruine. Pratiquement toutes les semaines on a le droit à des commentaires très négatifs sur l’économie chinoise. Cette semaine c’est au tour de Larry Lang, professeur à la chaire de Finance à l’Université de Hong Kong. Il avance quatre raisons dans une interview à Epoch Times:

La dette totale de la Chine comprenant celle des gouvernements locaux et des entreprises publiques atteint désormais selon lui 4000 milliards d’euros. Le taux d’inflation officiel de 4% est faux. Il serait en réalité de 16%. La consommation intérieure (30% du PIB) est encore très loin de pouvoir relayer les exportations. La croissance du PIB ne serait pas en hausse de 9% mais en baisse de 10%. Au total plusieurs économistes de Hong Kong considèrent que chaque province en Chine serait dans le même état que la Grèce !

(*) Dominique Trenet est stratégiste dans une société de gestion indépendante.