Ces femmes ont raconté comment elles se sont, volontairement ou non, libérées de la dimension identitaire "femme de", comment elles ont recomposé, plus ou moins aisément, leur identité. Ce qui distingue le plus nettement les récits les uns des autres n'est pas la différence entre "femme mariée" et "femmes concubine", mais le style de vie conjugale précédant la séparation.
Même lorsqu'on est comme moi une grande romantique qui croit à l'amour qui dure toujours, force est de constater que dans la vie réelle, qui n'est donc pas un conte de fées, l'amour parfois s'arrêtent, et qu'après le happy end "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants", parfois vient le "ils divorcèrent". La question de la rupture amoureuse mérite donc d'être posée et approfondie, et c'est justement le propos de cet ouvrage du sociologue François de Singly.
En effet, alors que les individus semblent chercher la sécurité et la stabilité dans tous les domaines de leur vie et notamment dans leur vie professionnelle, le fait est que ce souci semble de moins en moins évident dans la vie sentimentale, tant les divorces et les séparations sont nombreux. Cet ouvrage, dans une démarche "réflexive et compréhensive", pose donc la question de la "déconjugalisation", en s'appuyant uniquement sur des expériences de femmes, puisque ce sont elles qui sont à l'origine de 75% des séparations (j'ai d'ailleurs été très étonnée par ce chiffre) : comment recomposer son identité personnelle et retrouver le fil de soi ? Comment accoucher de soi, même dans la douleur ? Ce sont quelques unes des questions auxquelles cet ouvrage se propose de répondre.
Je n'ai pas tellement l'habitude de lire des essais sociologiques, mais je suis bien contente d'innover un peu avec ce livre qui m'a vraiment beaucoup intéressée et grâce auquel j'ai appris beaucoup de choses sur cette expérience de moins en moins traumatique finalement qu'est la séparation amoureuse. De manière très claire, l'auteur nous explique qu'aujourd'hui, la possibilité d'une séparation est inscrite dès le commencement d'une histoire (ce qui me désole d'ailleurs, mais bref) et que cela va de pair avec les exigences accrues des individus par rapport au couple : le refus d'être insatisfait et le désir de reconnaissance et de communication, qui met l'amour sous conditions (exigences tout à fait normales, il n'y a là aucune critique). Partant alors d'une typologie des manières d'envisager le couple, on aboutit à une typologie des séparations, aux différentes manière de vivre la séparation et à la notion floue "d'ex". Le tout grâce à de nombreux récits de femmes ayant accepté de répondre à l'enquête, mais aussi des films et des romans. Le fil rouge, c'est que, finalement, par la séparation, les femmes s'émancipent et conquièrent leur liberté !
Très riche et clair, cet essai m'a donc passionnée... mais aussi un peu désenchantée (mais certains diront que ce n'est peut-être pas plus mal, une petite piqûre de réalisme !), car j'ai eu l'impression qu'il dressait un tableau finalement assez noir du couple pour la femme, et que les femmes qui témoignaient étaient bien plus heureuses ensuite : le couple est toujours plus ou moins perçu comme une prison, qui lui ferait perdre finalement toute identité personnelle, et c'est l'individualisme, le refus de se laisser aliéner, la volonté de s'épanouir en tant que soi qui tuerait ce couple et l'amour. On n'aurait alors plus qu'une alternative : le célibat ou l'aliénation. En tout cas, c'est ce qui surgit à la lecture de ces histoires d'amour ayant échoué, ce qui n'est finalement qu'une partie des histoires d'amour, donc gardons espoir (d'autant que je pense que c'est une réaction vraiment très personnelle : l'ouvrage est plutôt lui optimiste, car ces femmes parviennent à se reconstruire une jolie vie sur les débris de leur couple) ! En tout cas, je conseille vraiment cet essai à tout le monde : célibataires, heureuses en couple, malheureuses en couple ou séparées, tout le monde y trouvera matière à réflexions !
Merci aux éditions Armand Colin pour cette lecture enrichissante !
Séparée
François DE SINGLY
Armand Colin, 2011