Dans sa courte préface (opportunément intitulée : Scato, porno et autres monstres), François Cavanna, l’un des survivants historiques de la joyeuse équipe du professeur Choron, n’oublie pas d’avertir le lecteur : « Ce qui t’attend de l’autre côté de cette page, c’est du bête, du méchant, parfois même carrément con. » Suit un beau florilège de montages photographiques, de parodies publicitaires et de couvertures qui firent la (mauvaise) réputation du célèbre mensuel hautement corrosif, où l’on reconnaitra notamment, parmi les figurants, Coluche, Serge Gainsbourg et Bernadette Lafont. Mais attention ! Ames bien-pensantes, esprits délicats et tartuffes de profession s’abstenir, car ces pages revendiquent haut et fort un droit au mauvais goût qui témoigne surtout d’une liberté de ton aujourd’hui disparue.
Un monde, en effet, sépare l’humour au vitriol de Hara Kiri de celui du journal qui, peu ou prou, s’inscrit dans sa lignée, Charlie Hebdo. Là où la provocation était jadis élevée au rang d’art, tant elle s’exprimait dans une outrance joyeuse et une irrévérence grinçante, ne subsiste plus guère de nos jours qu’un humour consensuel et finalement assez sage. Le fait que, pour son numéro spécial plutôt potache baptisé Charia Hebdo, le journal ait été victime d’un attentat en dit long sur la manière dont la liberté d’expression est reçue dans ce premier quart de XXIe siècle.
Jusqu’à l’os ! se présente donc comme un document historique, presque archéologique, à savourer pleinement. Pour ce quatrième opus, l’éditeur a opéré un classement thématique. Les rubriques se nomment ainsi : « Vie pratique », « Les Malheureux », « Les Valeurs », « Les Salopes », « L’Amour », « Les Bas morceaux », etc. On y raille au second, voire au troisième degré, la société de consommation, la politique, les handicapés, la famille, la religion, l’enfant-roi, les femmes, la pédophilie, en d’autres termes tout ce dont il n’est plus guère recommandé de se moquer par les (tristes) temps qui courent. « Du chaud, du cru, du dru, du fauve, de la merde ! », comme disaient dans leur Journal Edmond et Jules de Goncourt à propos d’un texte érotico-scatologique de Théophile Gautier. Avec, à chaque page, de grands éclats de rire.
Illustrations : issues de l'album Jusqu'à l'os!.