Oeuvre de Barceló
- Jayne Mansfield 1967 de Simon Liberati: l’impitoyable biographie de celle qui fut longtemps considérée comme une Marylin discount. De son amour pour ses chiens aux épisodes sordides de son existence mouvementée, Simon Liberati retrace un portrait corrosif de la playmate devenue actrice. Simon Liberati A remporté le prix Femina pour son roman Jayne Mansfield 1967 (Grasset)
- Ce qu’aimer veut dire de Mathieu Lindon: malgré un titre un peu Marc-Levytique, ce livre n’est pas une histoire à l’eau de rose mais un hommage sous forme romanesque au philosophe Michel Foucault, ainsi qu’une réflexion sur les différentes formes d’attachement. Ce qu’aimer veut dire a reçu le prix Médicis (ça cause).
Critique littéraire à Libération depuis 1984, il est auteur notamment de Prince et Léonardours (1987), narrant les viols subis par deux adolescents amoureux, menacé d'interdiction par le ministère de l'intérieur lors de sa sortie, "Champion du monde" (1994), "Le Procès de Jean-Marie Le Pen" (1998). Son premier livre, "Nos plaisirs" est publié aux Editions de Minuit en 1983 sous le pseudonyme Pierre-Sébastien Heudaux.
- L’été tous les chats s’ennuient de Philippe Georget: prix SNCF du Polar Français, ce premier roman décrit les circonvolutions de psychopathes jouant avec la police, dans le Roussillon (ceci expliquant sûrement cela). Une bonne occasion de redécouvrir le « roman de gare » sous un jour plus reluisant.
C’est l’été, il fait chaud, les touristes sont arrivés et au commissariat de Perpignan, Sebag et Molina, flics désabusés rongés par la routine, gèrent les affaires courantes sans grand enthousiasme. Mais bientôt une jeune Hollandaise est sauvagement assassinée sur une plage d’Argelès et une autre disparaît sans laisser de traces dans les ruelles de la ville. Serial killer ou pas, la presse se déchaîne aussitôt !
Placé bien malgré lui au centre d’un jeu diabolique, Sebag, à la merci d’un psychopathe, va mettre de côté soucis, problèmes de cœur et questions existentielles, pour sauver ce qui peut l’être encore !
« Elle attend sans joie, patiente et succombe. La maison de pierre deviendra sa tombe. Qui fait quoi, qui attrape qui ? Qui est le chat, qui est la souris ? »
- Bande-son de Bertrand de La Peine: Sven est « Cet artiste danois[qui] s’était peu à peu imposé dans le monde de l’art contemporain en créant des installations composées de microsons inaudibles pour une oreille normalement constituée », comme par exemple l’escargot mangeant sa salade, amplifié 300 fois. Le roman nous narre ses tribulations à la recherche de pierres chantantes dans la lande irlandaise. Et oui, Sven a visiblement un très bon dealer.
Bande-son. Le titre du second roman de Bertrand de la Peine est à demi trompeur car c'est moins l'étude des sons qui captive l'auteur remarqué des Hémisphères de Magdebourg (Ed. de Minuit, 2009), que la thématique sensorielle induite par ceux-ci. Certes, Sven Langhens, le personnage principal, est un artiste danois qui s'est « imposé dans le monde de l'art contemporain » en créant des installations acoustiques, mais la véritable héroïne du roman, c'est la perception. « J'ai essayé de me tenir au plus près de l'ouïe, du toucher. J'ai tenté de donner un grain, une texture à une trame », confie Bertrand de la Peine. Et c'est précisément cette texture qui donne son prix à la trame.
- L’Œuvre des mers d’Eugène Nicole: le dernier roman d’une vaste fresque autobiographique d’un natif de Saint-Pierre-et-Miquelon (dont on se souvient uniquement pendant l’élection de Miss France, soyons honnêtes).
A Saint-Malo, lors du festival Etonnants voyageurs, Eugène Nicole a été récompensé du prix Joseph Kessel pour " L'oeuvre des mers ". A 69 ans, c'est son premier prix
- Dino Egger d’Eric Chevillard : ce roman complexe est fondé sur l’hypothétique existence d’un génie dont on ne connaît que le nom. Il serait potentiellement l’inventeur du « le funiculaire stellaire », le théoricien de « la faculté du chat d’être pour soi-même brosse et coussin ».
Eric Chevillard a êté distingué par le prix VIRILO, contrepoint du Prix Femina. M. Chevillard continue son chemin dans des exercices de style bien farfelus. Aussi, dans ce dernier opus, il s'agit de raconter l'existence qu'aurait pu avoir Dino Egger…ce dernier n'étant cependant pas né !
- La Lettre de Buenos Aires d’Hubert Mingarelli: ce recueil de nouvelles mélancolique met en scène des anti-héros aux prises avec le temps qui passe et les malheurs ordinaires. Bon ok, comme ça, on se dit « oui mais pourquoi je devrais m’infliger ça ? ». C’est pas faux. Mais avec ce genre de raisonnement, on ne regarde que « Plus belle la vie ».
Neuf histoires d'hommes solitaires, perclus de silence : ce sont autant d'errances dans des zones portuaires, pour oublier une peur, une douleur, une faute. Un vieux bourlingueur meurt, sans avoir jamais envoyé une lettre, écrite à Buenos Aires à un fils qu'il n'a jamais vu. Deux soldats en déroute se demandent : "Qui se souviendra de nous ?" Mais il y a aussi, parfois, le partage furtif de "la beauté des choses", le son d'une guitare, le courant d'une rivière. Ou, splendide, dans "Pas d'hommes, pas d'ours", la vie sauvage d'un marin en fuite, au coeur de la forêt. Prix Médicis pour Quatre soldats (Seuil 2003), Hubert Mingarelli vient d'être distingué par le Prix SGDL de la nouvelle.
- Corps mêlés de Marvin Victor: à travers l’histoire d’une Haïtienne de 45 ans, l’auteur décrit le séisme qui a frappé Haïti en 2010. Un sujet léger, donc, qui sert de toile de fond à une peinture sociale d’un pays qui a dû attendre un tremblement de terre pour que le reste du monde se soucie de son sort.
S’inspirant des événements tragiques d’Haïti d’il y a un an, Marvin Victor signe le premier roman du séisme. Une narration serrée et ample sous la plume de ce jeune auteur haïtien promis à un bel avenir.
« Par une nuit de décembre, un vendredi, comme d’autres entrent au Séjour des morts, me raconta un jour ma marraine, ma tante, elle, la sage-femme par excellence, je sortis des entrailles peureuses et gluantes de ma mère que les gens du pays de Baie-de-Henne donnaient pour une mule – cette bête hybride, issue de l’accouplement d’une jument et d’un âne et qui, selon eux, met bas soit des mouches, soit des abeilles – considérant qu’au bout des nombreuses liaisons qu’ils lui prêtaient, elle ne parvenait pas à tomber enceinte. »
Ainsi débute le roman de l’Haïtien Marvin Victor. Corps mêlés* est son premier roman. Il est à l’image de cette longue phrase inaugurale, à couper le souffle. On sort groggy de la lecture de ses 250 pages, denses, oniriques et empreintes de la beauté tragique d’un monde en déréliction.
- Des femmes disparaissent de Christian Garcin: Zhu Wenguang est un détective chinois dont la mission est la « récupération » de jeunes femmes vendues à des maris violents. Pour ce faire, il est accompagné d’une médium et d’un chien, qui serait potentiellement la réincarnation de quelqu’un qu’il a connu autrefois. Si avec ça vous n’avez pas envie de suivre les aventures de ce héros surnommé « Zuo-lo » (Zorro) sur fond de littérature chinoise et de contes traditionnels, depuis la Chine du Sud jusqu’à China town à New York en passant par le Japon…
En bouleversant nos habitudes de lecture, le romancier réussit à tout faire gober avec jubilation : la bière locale servie par une Russe dans un bar de Guangzhou, les Japonais qui s'expriment en chinois, les chiens qui parlent aux chamans et les privés grassouillets séduisants. La narration bousculée devient un plaisir ludique, les bagarres de coin de rue sont des morceaux de bravoure et lorsque Zuo Luo et la petite Yoko se plantent devant un lac, main dans la main, face à un crapaud qui s'essuie la bouche de sa patte avant gauche en roulant des yeux, on applaudit en réclamant la suite des aventures de Zorro et de son copain Bec de Canard.
- Tuer le père d’Amélie Nothomb: l’auteure de Stupeurs et Tremblements s’astreint au rythme d’un livre par an. Le cru 2011 parle du « bluff parfait », de magie et de trahison. Et comme le dit la quatrième de couverture, « allez savoir ce qu’il se passe dans la tête d’un joueur »…
Comme le beaujolais nouveau refait son apparition à la mi-novembre, il n'est pas de rentrée littéraire qui se fasse sans l'Amélie Nothomb de la fin août. Depuis vingt ans, désormais, elle est la première à commencer la course des sorties de livres, inaugurant ainsi la Rentrée Littéraire automnale. On a tout dit, tout écrit sur Nothomb : ses défauts, ses qualités. Mais qu'en est-il de son nouveau cru, "Tuer le père" ?On remarque depuis quelques années (depuis "Journal d'hirondelle", exactement), un tournant crucial dans l'oeuvre nothombienne : les titres sont plus simples, loins des alambiqués "Cosmétiques de l'ennemi" ou "Métaphysique des tubes". Le texte en lui même est aussi différent : plus moderne sans doute, plus proches de l'auteur aussi, même lorsqu'il s'agit de fiction pure. Car, comme chacun le sait, la production nothombienne se scinde en deux volets : ses romans (et donc, de la fiction) et ses récits autobiographiques ("Stupeur et tremblement", "Ni d'Eve ni d'Adam", etc). Cette année, c'est vers la fiction que l'auteur aux grands chapeaux s'est tournée.
Source: TOPITO, sur les classements critiques de l’Express et Télérama et de quelques blogs littéraires
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