L’officialisation de sa candidature, sans être une franche surprise, s’est
bien déroulée. Le cadre et le ton étaient solennels sans en faire de trop, le
discours était bon avec la mise en avant de quelques thèmes qui vont marquer sa
personnalité de candidat : « un pacte national pour produire en
France », « produire n'existe pas sans instruire », la «
nécessité » de « la remise sur pied des finances
publiques de notre pays » ou encore que l'idée qu'une
« Europe qui se dirige exclusivement à deux » «n'est pas
durable ni bonne dans son principe » et en conséquence qu’il est
nécessaire de faire évoluer les institutions européennes pour aller vers
« une vraie Commission européenne », et, à terme, vers
« un président de l'Union élu par le peuple ».
Il semble d’ailleurs que cette intervention et celles qui ont suivies ont eu
un effet clairement
positif sur sa cote de popularité (64%) et sur les intentions de vote à son
égard (11 - 13%), et je m’en réjouis.
Pour autant, il faut maintenant transformer l’essai et faire en sorte que
cette belle dynamique se prolonge et idéalement s’amplifie.
François Bayrou a de réels atouts dans sa manche parmi lesquels on peut
citer en vrac le fait qu’il était, en 2007, précurseur sur les dangers de la
dette, le fait que contrairement à certains, il n’a jamais promis monts et
merveille et toujours annoncé la nécessité de l’effort, les erreurs et le
comportement de Sarkozy qui l’ont discrédité aux yeux de beaucoup, les doutes
sur la personnalité, les partenaires politiques, le projet en bref sur la
crédibilité de François Hollande, le fait qu’il n’a jamais fait allégeance à un
camp ou à un autre ce qui donne tout son sens à sa candidature (ce n’est pas le
cas de tout le monde), la demande de consensus
politique de la part des électeurs etc etc
Malgré tout, on est pas sur un 100 mètres mais plutôt sur du demi fond, le
plus difficile reste à faire, tenir la distance et convaincre tous les déçus de
la Gauche et de la Droite,…ça fait du monde.
A cette fin, et sans avoir la prétention de lui donner des conseils, je me
permettrais de faire quelques petites préconisations.
Il ne doit pas rester l’homme d’un slogan.
Tout en restant fidèle à ses fondamentaux, il ne doit pas rester l’homme d’un
slogan.
Je pense évidemment à « achetez français ». Il ne faut pas que
« achetez français » devienne le « mangez des pommes » de
Chirac. D’autant plus que d’autres ont repris ce slogan à leur compte ce qui va
le banaliser.
Le risque à répéter une formule simple de ce type, même enrobée d’un
discours explicatif, c’est de prêter rapidement le flanc aux accusation de
simplisme. On connait le mode de fonctionnement des medias, il ne reprennent
d’un discours que les formules. Or, isolée, « achetez français » ne
relève que du vœux pieux. Pour pouvoir, éventuellement acheter français il faut
évidemment, en préalable « produire français » et encore ça ne
suffira pas nécessairement. Et pour produire français alors que la production
industrielle française décroit d’année en année, il faut qu’un grand nombre de
conditions soient remplies, beaucoup plus facile à dire qu’à faire.
Je ne doute pas un seul instant que François Bayrou ait conscience de la
complexité du sujet mais raison de plus pour bien le montrer et pour montrer
qu’au-delà de la formule, et contrairement à d’autres, il y a des idées
originales pour réindustrialiser la France.
Il doit faire gaffe à tout
Dans la même lignée, attention à ne pas paraitre dans son comportement en
incohérence par rapport à son discours. Je pense évidemment à l’épisode du
« Petit Journal » au cours duquel
Yan Barthes a raillé Bayrou pour être monté dans une Audi à l’issue d’un
meeting au cours duquel il avait appelé avec fougue à acheter
français.
Evidemment, cette voiture n’était pas la sienne, puisque, comme le rappelle
L’Hérétique, François Bayrou possède une Peugeot 3008 et une
Clio.
Le commentaire de Barthes était, comme souvent, tout à fait spécieux, mais
il n’en reste pas moins que cet épisode d’apparente incohérence restera dans
les esprits, ce qui n’est jamais bon pour la crédibilité d’un homme politique.
En campagne, il faut faire attention à tout, tout est passé à la moulinette,
tout est épié, pas le droit à l'erreur dans notre société ou la transparence
frise l’indécence.
Attention à bien doser ses intervention
Il est parti à fond, on le voit dans tous les journaux, c’est ce qu’il faut
pour lancer sa campagne.
Ensuite, attention, il reste 4 mois avant l’échéance et 4 mois c’est long. Il
doit prendre du recul, un peu, mais pas trop. Il ne doit pas faire l’erreur de
Hollande qui, dans l’enthousiasme de la primaire, c’est mis à critiquer tout et
n’importe quoi à partir du moment ou Sarko était en cause. C’est une attitude
d’opposant et non pas de successeur. Comprenant son erreur, il a ensuite pris
du recul mais à tel point qu’il a complètement disparu de l’actualité, ce qui
n’est pas terrible non plus.
L’erreur à ne pas faire c’est de tout commenter à chaud , il ne faut pas
sauter sur tout ce qui bouge, c’est le meilleur moyen pour disperser les
messages et surtout pour révéler des contradictions.
François Bayrou a besoin de gagner en crédibilité, de marquer son territoire
qui n’est ni celui du PS , ni celui de l’UMP, ce n’est pas facile à un moment
ou les discours tendent de plus en plus à se rejoindre. Présenter un message
original suppose de s’appliquer et de ne pas essayer de donner son avis sur
tout. La difficulté évidemment c’est de pouvoir se tenir prêt à répondre a
toutes les questions, même les plus cons.
Il doit réaffirmer clairement ses convictions
européennes
L’Europe, tout le monde en parle mais pas nécessairement en bien. François
Bayrou doit non seulement réaffirmer clairement ses convictions européennes
mais surtout les préciser. Les autres candidats, soit se contentent de belles
envolées lyriques, soit l’accusent de tous les maux, soit, se contentent de
rester dans un prudent flou artistique. Sa vision de l’Europe doit faire partie
des éléments différenciant par rapport à ses concurrents. C’est sur ce type de
sujet que François Bayrou pourra se poser en visionnaire (il doit notamment se
positionner par rapport à une Europe fédérale, et s’il en est partisan, quel
type fédéralisme il souhaite).
Il doit proposer des perspectives à long terme
L'heure n'est plus aux bricolage et autres rafistolages. Il doit avoir le
courage de proposer un projet sur la durée, sur une durée qui pourra dépasser
le quinquennat. Sa vision de l’Europe, fait partie de cette perspective mais ça
ne suffit pas.
Il ne faut pas répéter l’erreur de Sarkozy qui a fait croire qu’en 3 coups de
cuillère à pot il pourrait faire repartir la croissance et augmenter le pouvoir
d’achat. Il faut donc, évidemment, ne pas faire de promesses inconsidérées,
tenir le langage de vérité qu’il a annoncé dans son discours de candidature,
mais en contrepartie fixer des objectifs à moyen et long terme avec des étapes
intermédiaires de réajustement.
François Bayrou doit se poser en guide de la nation et non pas seulement en
gestionnaire.
Il ne doit pas s'isoler
Enfin, dernier point tiré de l’expérience des élections européennes, il doit
savoir utiliser au mieux les ressources trop rares mais de qualité dont il
dispose. Je sais que pour un homme, convaincu que son destin est d’être élu
président de la République Française et qui ne jure que par l’élection
présidentielle, rencontre d’un homme avec la nation, c’est difficile, mais il
n’y arrivera pas tout seul.
Bon, si avec tout ça le bonhomme ne fait pas un bon 45% au premier tours, et
72 au second, c'est à ne plus rien y comprendre à la politique !