Fiction n°203

Publié le 15 décembre 2011 par Acdehaenne

Fiction était une revue consacrée à ces « mauvais genres », et plus particulièrement à la science-fiction, l'insolite et le fantastique. Au sommaire de ce 203ème numéro de 1970 (pour 4 francs !), nous trouvons cinq nouvelles, dont une étant le deuxième volet d'un texte en trois parties (que j'omets volontairement) : une histoire de possession, une aventure africaine sur fond de psychotrope, un Space Opera anticipant Philip K Dick, et une macabre conversation téléphonique.

Théodore Sturgeon est l'auteur de L'hôte parfait. Il a la tache délicate d'ouvrir ce recueil. Disons assurément qu'il n'est pas maladroit. Alors qu'ils rendaient visite à, pour l'un sa femme et pour l'autre sa mère, les Daniels assistent au suicide d'une des patientes de l'hôpital. Cette femme, Mme Stoye, était à part. Mariée, et perçue comme folle par son mari, elle finie comme internée. Seulement, les fous, dans l'histoire, qui sont-ils ? Est-ce cette entité étrange autant qu'étrangère qui a pris la possession de Mme Stoye ou bien plutôt cet homme incapable d'accepter ce qu'il ne connait ou comprend pas ? Bref, le cœur de la nouvelle de Sturgeon est bien là, et renvoie explicitement aux questions de la xénophobie et des discriminations. Disons un mot, en passant, sur la structure de la nouvelle où chaque chapitre constitue un point de vue. Malheureusement, on aurait pu continuer longtemps comme ça sans que l'auteur ne mette un terme à l'histoire, en intervenant « personnellement ».

La deuxième nouvelle, Lnaga, est de Vladimir Colin. Deux anciens camarades, ou connaissances d'enfance, explorent ce qui semble être une jungle. On se rend compte relativement rapidement qu'il s'agit de l'Afrique. Ils y recherchent Ngala. Ce dernier doit leur ouvrir la voie vers une ancienne citée, remplie d'histoire et d'intrigues. Pour s'orienter dans le noir, les compères consomment le Lnaga, sorte de champignons hallucinogènes qui confèrent en même temps des pouvoirs de nyctalopes. Ils trouvent ainsi Ngala, et seront confrontés à un passé sanglant et lointain. Jusqu'où peut-on fouiller le passé ? Et le faut-il ? En quoi reconnaître ses fautes, ou ceux de ses ancêtres, conditionne le propre regard qu'on porte sur le présent ?

La troisième nouvelle présentée ici est l'œuvre de Philippe Curvale. Il s'agit du deuxième volet de Les sables de Falun. N'ayant pas lu le premier, ni ne disposant du troisième, j'ai fait l'impasse (provisoirement j'espère). En revanche, la quatrième est une chouette histoire de Space Opera dans la lignée – ou plutôt en précurseur si ma chronologie est bonne – du roman de Philip K Dick A rebrousse temps. Dans cette nouvelle, l’univers est représenté comme un sablier ou comme un huit couché (le symbole de l’infini) : dans la première boucle – « la vie réelle » – les individus ne deviennent pas plus vieux à mesure qu’ils vieillissent mais plus jeunes, du moins, en apparence. La beauté du procédé est qu’ils meurent en bonne santé. Lorsqu’ils sortent de l’attraction terrestre, le voyageur pénètre dans l’autre partie, celle que nous connaissons. Pour fuir un des prétendants de sa femme, Brock entreprend un voyage vers cette autre boucle. Ayant laissé sa femme là bas le temps d’aller récupérer le chien resté sur la Terre « normale », il n’a pas d’autre choix que d’embarquer le soupirant avec lui. Par chance, ce dernier est plus vieux que Brock. Aussi, il n’en aura pas pour très longtemps sur cette seconde Terre. Qu’à cela ne tienne, Gipsy n’a d’yeux que pour lui, au grand dam de Brock.

Enfin, Il était une voix dans ma vie de Bernardo Zapponi conclue en quelques pages le volume. Le narrateur retrouve un vieux morceau de combiné, inutilisable a priori. Seulement, une voix se manifeste. Celle-ci connait le narrateur. Mais le narrateur ne parvient pas à resituer l’interlocuteur. Alors, il fait ses recherches. Il se trouve que ce type de téléphone ne se trouve que dans un quartier bien précis de la ville… Il finira bien par retrouver la maison dont l’appel est passé (par qui, nous ne le savons pas). La découverte sera macabre autant qu’inattendue.

Il était une voix dans ma vie est une belle conclusion à une découverte littéraire qui l’est autant. Cinq nouvelles, plus ou moins longues, qui balaient les différents [mauvais] genres. Et qui le font bien. Une petite recherche supplémentaire m’apprend que Fiction date d’octobre 53 pour s’achever, 412 numéros plus tard, en février 1990.

Note : 

   

Les Murmures.