Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Vous le savez, dans dix jours, c’est Noël : je n’arrive pas à réaliser qu’on y est déjà ! quand je pense que quand on est bambin, on souffre de l’attente… Enfin, quoi qu’il en soit, c’est le moment où jamais pour développer une idée qui m’est chère mais qui est si peu politiquement correcte que je ne pouvais en parler que sur un webzine non-formaté comme notre cher Graoully : je suis en effet convaincu (et ça n’engage que moi) qu’il n’est pas forcément judicieux de faire croire un enfant au père Noël.
Cette idée s’est imposée à moi quand j’ai eu avant du tollé qu’avait provoqué, il n’y a pas si longtemps encore, une institutrice en déclarant aux enfants de sa classe que le père Noël n’existait pas : ça m’a fait réfléchir et j’en suis venu à questionner, en m’appuyant sur l’expérience de l’enfant que j’ai été, l’intérêt réel de cette croyance pour nos bambins. C’est ainsi que j’en suis arrivé à dégager dix bonnes raisons pour ne pas faire croire un enfant au père Noël ; je vous les donne, mais bon, vous faites comme vous voulez…
1. Faire croire un enfant au père Noël, ce n’est pas obligatoire.
De même qu’on ne nait pas épicier, on ne nait pas en croyant au père Noël : ce sont les parents qui entretiennent cette croyance chez l’enfant. Beaucoup de devoirs incombent aux parents à l’égard de leur enfant, mais ceux-ci n’incluent pas la nécessité de faire croire un enfant au père Noël : personne ne va mettre en prison des parents dont le rejeton ne croit pas au père Noël, que je sache ? Pourquoi un enfant qui n’a jamais cru au père Noël serait-il moins heureux que les autres ? Une fois ceci acquis, vous aurez moins de scrupules à vous ranger aux raisons suivantes…
2. De surcroît, c’est inutile.
Vous me direz « Ah oui, mais le père Noël peut servir comme outil de pression sur les enfants ! » En leur disant, par exemple « si tu n’es pas sage, le père Noël ne va pas venir ! », c’est ça ? Je doute de l’efficacité de cet outil : déjà, j’ai pointé au début de cet article, à titre d’allusion, la grande différence d’échelle temporelle entre les enfants et les adultes ; le temps parait beaucoup plus long à un enfant qu’à un adulte ! Donc, si vous dites ça à votre enfant dans l’espoir qu’il soit sage en plein mois d’août, il est n’est pas certain qu’il vous prendra au sérieux : à ce moment-là, Noël, pour lui, c’est loin ! Vous aurez beau lui dire que le père Noël ne donne de cadeaux qu’aux enfants qui ont été sages toute l’année, il est bien certain que c’est en période de fêtes que cet outil de pression peut avoir une efficacité, quand le bambin est déjà dans l’ambiance. Mais même dans ce cas-là, pourquoi recourir au père Noël ? Dire simplement « si tu n’es pas sage, tu n’auras pas de cadeaux », ça n’enlève ni n’ajoute rien à la menace, non ? Je n’hésiterais donc pas à dire que la croyance au père Noël est sans utilité dans le cadre de l’éducation de l’enfant : pourquoi s’en encombrer ?
3. Ne mettez pas le père Noël entre vous en l’enfant.
Le cadeau que vous faites à votre enfant, pour Noël, est une marque de l’amour que vous lui portez ; pourquoi lui cacher cet amour en lui faisant croire que c’est un autre qui le lui a offert ? N’est-il pas meilleur pour les relations que vous entretenez avec lui qu’il sache que c’est à vous qu’il doit ces beaux cadeaux ? Il vous en sera reconnaissant en vous aimera donc d’autant plus ! Je suis sûr qu’il existe des enfants qui aiment plus le père Noël que leurs parents : si j’étais papa, ça ne me plairait qu’à moitié !
4. Faites comprendre à votre enfant qu’il ne peut pas avoir tous les jouets de la terre.
Pour un enfant qui croit au père Noël, les cadeaux sont gratuits : c’est l’illustre Santa Claus qui les lui apporte dans sa grande générosité. Partant de ce principe, l’enfant ne manquera pas de faire des lettres au père Noël demandant des cadeaux dont l’achat outrepasserait votre pouvoir d’achat. Aussi, en lui faisant comprendre que c’est vous, avec vos sous, qui lui achetez ces présents, et si, en plus, vous lui faites comprendre la valeur de l’argent, vous réduirez les risques de voir votre enfant pigner, en déballant ses cadeaux, sur l’air de « j’avais aussi commandé ceci ou ça » !
5. Assurez-vous un réveillon de Noël agréable.
Le soir du réveillon venu, la perspective de découvrir les cadeaux au pied du sapin le lendemain matin rend l’enfant impatient, donc très nerveux – un enfant, ça n’aime pas attendre ! Je me souviens avoir été, quand j’étais enfant, si excité que j’en avais été malade et dans l’impossibilité d’apprécier le repas ! Un peu glauque comme ambiance… Et encore, moi, je n’étais pas un enfant pénible pour mes parents : je plains ceux qui ont un bambin qui trépigne d’impatience pendant tout le réveillon ! Sans parler de ceux qui refusent d’aller se coucher pour pouvoir voir le père Noël… Croyez-moi : on apprécie beaucoup mieux le réveillon quand on offre les cadeaux le soir même au lieu d’attendre que les enfants soient endormis. Mais pour ça, il ne faut pas leur faire croire que les cadeaux ne viennent que grâce à un bonhomme qui vient livrer les cadeaux à la faveur de la nuit… Vous me suivez ?
6. Certains enfants ont peur du père Noël.
Ben oui, et ça n’en fait pas des enfants bizarres ou monstrueux ! J’ai bien dit qu’ils avaient peur du père Noël, pas qu’ils n’aimaient pas les cadeaux qu’ils recevaient : si ça pouvait se faire sans qu’un bonhomme qu’ils ne connaissent même pas et qu’ils ne peuvent même pas voir en chair et en os entre par effraction dans la maison, ce serait aussi bien, quoi !
7. Épargnez-vous des tonnes de questions embarrassantes.
Une très belle chanson d’Henri Girou, « Dis-moi papa », parle de toutes les questions que se posent les enfants qui croient au père Noël, du type « Par où il va passer, puisqu’on n’a pas de cheminée ? » (Ben oui, il n’y a plus que les riches qui ont une cheminée chez eux, aujourd’hui !), « Pourquoi il est au supermarché ? », « Comment il fait pour voyager dans le monde entier en une nuit ? », et caetera. Et oui, un enfant, ça pose des questions ! Inutile de lui donner des raisons pour en poser d’autres qui viennent s’ajouter à celles qu’il vous pose toute l’année ! Reconnaissez qu’un bonhomme qui visite toutes les maisons du monde en une nuit à bord d’un traineau à rennes volant, qui porte assez de cadeaux pour tous les enfants du monde dans sa petite hotte et qui passe par la cheminée avec son gros ventre, on a vu plus cohérent : votre enfant ne manquera pas de vouloir y voir plus clair ! Si vous ne voulez pas être assailli de questions, vous aurez plus vite de lui dire la vérité !
8. Évitez de semer le trouble dans l’esprit de votre enfant.
Si vous tenez à justifier la fiction du père Noël malgré toutes les incohérences qu’elle comporte, il vous faudra forger une multitude d’autres fictions, et vous n’êtes pas forcément le conteur du millénaire ; mais le plus grave est que le besoin d’explications de votre enfant ne sera peut-être pas étanché par cette myriade de fictions plus ou moins cohérentes entre elles… À cela s’ajoute l’aspect commercial qu’a revêtu la fête : comment voulez-vous que l’enfant comprenne que des cadeaux qui lui seront gracieusement offerts par le père Noël qui les tire de leur réserve sont en vente dans les magasins à des tarifs prohibitifs qui les rendent inaccessibles pour les enfants pauvres ? Parce qu’en plus, il ne manquera pas d’entendre parler des enfants pauvres qui ne reçoivent rien à Noël : allez-vous lui dire que le père Noël ne donne qu’aux enfants riches ? Ce n’est pas parce que Maëster en a fait une belle couverture de L’écho des savanes qu’il faut donner à votre enfant cette explication qui rendra l’injustice sociale légitime à ses petits yeux… Non, là encore, vous aurez plus vite fait de lui dire que le père Noël n’existe pas !
9. Ne vous exposez pas à la nécessité d’une révélation douloureuse.
Si votre enfant est du genre naïf, non seulement il vous croira quand vous lui direz que le père Noël existe mais, en plus, il ne cessera pas d’y croire par lui-même et un jour viendra, fatalement, où vous devrez lui dire la vérité et alors, au mieux il sera malheureux pendant pas mal de temps, au pire il vous en voudra de lui avoir menti. Bien entendu, ça ne durera qu’un temps, mais si on peut éviter ça, c’est aussi bien. Dans tous les cas, si votre enfant est crédule, ce sera donc à vous de lui dire la vérité sur le père Noël et vous serez d’accord avec moi qu’élever un enfant représente déjà assez de travail au quotidien pour que vous y ajoutiez, d’une part, la nécessité de déployer des trésors de diplomatie afin que cette révélation se fasse dans les conditions les moins désagréables possibles et, d’autre part, une période durant laquelle votre enfant sera très désagréable.
10. Ne prenez pas votre enfant pour un idiot.
À l’inverse, si votre enfant est du genre lucide (et il y en plus qu’on ne croit dans ce cas-là !), il ne manquera pas de découvrir par lui-même la vérité ; ça ne le rendra peut-être pas malheureux mais à ce moment-là, au mieux il vous en voudra de lui avoir menti, au pire il ne voudra plus vous prendre au sérieux : il vous soupçonnera de croire vous-mêmes à toutes ces conneries et vous trouvera ridicule. Votre autorité risque d’en prendre un coup ! Quel que soit le cas de figure, ne sous-estimez pas la capacité de votre enfant à comprendre les choses, ne le prenez pas pour une sorte de doux rêveur prêt à gober n’importe quelle fiction un tant soi peu douce à écouter ; ce n’est pas forcément favoriser son éveil et son épanouissement que de le bercer de croyances de ce type. Aidez-le à aimer le monde tel qu’il est et non tel qu’on peut le rêver, il en est capable.
Voilà, je vous ai donné mes raisons ; personnellement, je n’ai pas eu le loisir d’en tester la validité, je n’ai pas d’enfants. Donc, maintenant, faites ce que vous voulez, mais ne venez pas nous dire que personne ne vous a jamais dit ça… Allez, kenavo et Nedeleg Laouen !
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