Une certaine idée du jeu vidéo
Qu’est-ce donc que Radiant Silvergun doivent se demander les plus jeunes. Réponse, le symbole même du shoot’em up en scrolling vertical à l’ancienne, du jeu d’arcade où figurer au sommet du classement des points est une fierté indescriptible pour celui qui aura passé des heures à se battre avec la machine. Un style définitivement passé au second plan aujourd’hui, peut-être tout simplement parce que Treasure, avec ce Radiant Silvergun et plus tard Ikaruga, avait plus ou moins tué le genre en le poussant dans ses derniers retranchements. Mais pour ceux étant habitués à l’accessibilité immédiate des productions actuelles, la première rencontre avec Radiant Silvergun parait si austère qu’il se pourrait bien qu’elle soit la dernière.
Fouler une dernière fois la terre
Le principe est simple en apparence : un vaisseau d’une forme étrange que vous pilotez, 7 tirs différents à votre disposition, un scrolling vertical dont la mouvance reste constante du début à la fin du jeu (pour peu qu’on y arrive) et une petite poignée de vies à consommer avec modération. Entre vous et l’objectif visé, tout ce qui bouge, clignote ou explose vous veut du mal, veut votre peau coute que coute. Il va donc falloir se rendre à bon port en faisant avec, le choix n’est pas le vôtre. On apprécie au passage que cette version se soit enrichi d’une histoire un tout petit peu plus conséquente, avec notamment un superbe animé à la suite de l’écran titre pour poser le décors et nous narrer le pourquoi du comment. Une pierre mystérieuse a visiblement exterminé toute l’humanité alors que vous étiez pénard dans votre vaisseau spatial. Donc voilà, après une année d’errements, les vivres se font rares et il va donc falloir rentrer sur terre sous peine de souffrir de malnutrition chronique. Mais certains, on l’imagine bien, ne l’entendent pas de cette oreille.
L’intelligence dans cette histoire, qui ne reste quand même qu’une simple mais sympathique motivation à aller jusqu’au bout pour le joueur, c’est la narration elle-même qui effectue des sautes temporelles plutôt intéressantes. Flashbacks et retour au présent sont donc légion. Mais il est clair que l’histoire n’est de loin pas le point fort du titre. Son point fort, c’est naturellement son gameplay qui n’a pas pris une ride, et qui n’en prendra vraisemblablement d’ailleurs jamais, ne serait-ce qu’une petite.
La précision au scalpel
Les armes et leur utilisation sont également l’un des autres piliers du jeu. Au nombre de 7, celles-ci ont toutes leurs caractéristiques particulières (tir chargé, tir arrière, tirs à tête chercheuse, tirs en diagonale, etc.). Elles sont réparties en 3 catégories, et plus on utilise d’armes d’une catégorie, plus on les fait monter en expérience, un peu comme dans un RPG, et ainsi plus leurs pouvoir de destruction s’en retrouve boosté. Certains projectiles ennemis peuvent également être stoppés par votre « Radiant Sword » qui, lors d’une pression du bouton gâchette droit, va effectuer un cercle autour du vaisseau et absorber les tirs, remplissant ainsi une barre d’énergie. Une fois remplie, celle-ci vous permet d’activer le « Radiant Silvergun » qui élimine à peu près tout ce qui se trouve à l’écran et qui n’est pas vous. Un système de jeu qui est à la fois simple comme bonjour, et terriblement efficace car votre scoring est ainsi plus ou moins perfectible à l’infini, et la précision des commandes permet au jeu de recevoir le label « Si tu meurs, c’est de ta faute… ».
La façon dont les niveaux sont construits autour des capacités du vaisseau et de ce que l’on peut en tirer, c’est là que Treasure a vraiment sorti le grand jeu. Impossible de traverser le jeu en n’utilisant qu’un seul tir, ils seront tous mis à contribution à un moment ou à un autre. La disposition des ennemis tout comme les couloirs par lesquels il vous faudra naviguer sont calibrés au millimètre près sur les capacités de votre vaisseau, rendant chaque situation particulière. Une véritable leçon de level design, même 13 ans plus tard. Impressionnant.
L’élitisme comme vertu
Pourtant, c’est une espèce de relation amour-haine que l’on peut développer à l’égard de Radiant Silvergun. Amour car un gameplay et un level design d’une telle précision, témoins d’une telle maitrise de la part des développeurs, peuvent facilement forcer le respect de l’amateur de jeux vidéo « à l’ancienne ». Haine car sa propension à l’élitisme et à la progression par le labeur peut aller jusqu’à l’écœurement, le genre de haine que l’on évacue sur le controller en espérant qu’il n’y ait personne en dessous de sa fenêtre lorsque celui-ci ira y faire un tour.
Un mot encore sur l’aspect audiovisuel qui, lui aussi, a bien résisté à l’épreuve du temps. Un léger lifting graphique a cependant été effectué, mais dans son cœur, Radiant Silvergun reste identique à la version Sega Saturn. Les musiques quant à elles, malgré leur côté répétitif, mettent bien en valeur cette tension permanente qui ne se relâche jamais lors des quelques minutes que l’on passe à se faire botter les fesses. Les voix japonaises sont les bienvenues et donnent un cachet exotique à l’ensemble qui fait plaisir à entendre. Bref, au niveau audiovisuel, c’est excellent. A noter qu’un mode deux joueurs en simultané est disponible, mais radiant Silvergun est le genre de défi que l’on préfère tellement relever seul, afin de se mesurer une dernière fois en tête à tête à sa grandeur éternelle.
En résumé :
13 ans après, on reste bouche bée devant la façon dont Treasure maitrise son sujet à la perfection. Totalement décomplexé, Radiant Silvergun reste un shoot’em up austère et élitiste. Mais il semble tellement bien l’assumer qu’il est forcément difficile de résister à son appel, pour peu que l’on ait une certaine affection pour ce qu’il représente. Etalant littéralement au visage du joueur son challenge scandaleusement relevé et sa difficulté à la limite du supportable, mais doté d’une telle précision, d’un tel sens de la récompense pour celui assez fou pour se plonger dans ses entrailles et en ressortir forcément épuisé et frustré, mais ravi, vaut bien ses 1200 points Microsoft. Autant certains y joueront 5 minutes seulement avant d’en être dégoutté, autant d’autres y joueront toute une vie en y retournant à chaque fois des étoiles plein les yeux. Radiant Silvergun est un exemple de ce que les jeux vidéo ne sont plus, ou ont cessé d’être, pour se tourner vers une approche plus ouverte et grand public. En quatre mots comme en mille : anachronique, déconcertant, élitiste et fascinant.
Mathieu Lanz
+ Le gameplay, la précision au millimètre, le lifting graphique, enfin disponible en Europe!, le système de scoring, la difficulté gratifiante…
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…ou déconcertante, terriblement élitiste, austère au premier abord, le système de vie du mode histoire
Type: Shoot’em up
Graphismes:★★★★½ Bande Son:★★★★☆ Jouabilité:★★★★★ Multi:★★★★☆ Durée de vie/difficulté:★★★★★ |