Et j'ai profité de ma visite de l'exposition Munch pour ensuite errer le nez au vent, l'oeil aux aguets dans les salles du Musée des Beaux-arts de Caen, comme j'aime bien le faire. Voici donc trois trouvailles insolites. La première, je l'avais déjà vue, je ne savais plus où, mais ce blog est aussi, pour moi, un agenda, un répertoire. Donc c'était dans l'exposition sur les vanités à la fondation YSL il y a un an et demi; j'ai de nouveau été séduit par cette femme nonchalante et rêveuse, étendue sur le ventre, le regard fuyant vers sa gauche, dont tout laisserait à penser que, sensuelle, le sein presque découvert, elle attend son amant avec un soupçon d'inquiétude et de gravité au fond de ses yeux, jusqu'à ce qu'on discerne le crâne reposoir, jusqu'à ce qu'on lise le cartel (Johannes Moreelse, 1603-1634, Marie-Madeleine pénitente), jusqu'à ce qu'on comprenne que ce ne sont point des poèmes érotiques auxquels le crâne sert de lutrin, mais le livre saint ou de pieux cantiques. L'audace et l'ambiguïté de ce tableau me ravissent.
Il y a ici deux grands
Véronèse,
Judith et Holopherne, et la
Tentation de Saint-Antoine. Peut-être est-ce parce qu'il y a peu j'étais dans le réfectoire de l'Abbaye de San Giorgio Maggiore, là où trônait le tableau des
Noces de Cana avant que Bonaparte ne se l'approprie et que le Louvre ne le garde 'habilement', mais je suis dans une phase très véronésienne actuellement. Alors je regarde longuement ce saint Antoine renversé, terrassé par un homme au corps noueux brandissant un sabot (d'âne ?), le diable bien sûr, et étouffé par cette jeune femme séductrice diabolique au sein
découvert dont les ongles griffus pénètrent dans la chair de la paume du saint. Véronèse a 23 ans quand il peint ce tableau (autre saisie napoléonienne) d'un maniérisme exacerbé où la profondeur semble abolie, où le raccourci exacerbe la violence. Entre le saint et le sein, ces deux mains, ces ongles sont fascinants (l'image à droite a été tournée de 90°).
Enfin, dans ce tableau (encore une saisie napoléonienne) très architecturé du
Pérugin,
Le mariage de la Vierge, très similaire à celui de Raphaël, mais plus linéaire, plus figé, un détail frappe : Joseph est choisi comme époux car, de tous les prétendants à la main de Marie, il est le seul dont le bâton ait fleuri, curieux symbole de fertilité miraculeuse du bois mort pour choisir ainsi son chaste mari.
Non pas au premier plan comme chez Raphaël, mais à l'arrière-plan à gauche, on voit un prétendant dépité brisant de rage son bâton stérile sur son genou.
Enfin le Musée présentait
quelques oeuvres contemporaines autour du thème du décadrage du corps en mouvement et j'y ai aimé l'obsession de la jeune vidéaste
Lola Leneveu pour les mains, les bouches, les
Orifices.
Photo 1 de l'auteur.