Dimanche matin, alors que je faisais un tour sur le marché, j’ai croisé la misère du monde avec cette femme d’origine roumaine, un foulard sur les cheveux, accroupie devant l’entrée et tendant la main à l’obole. Plus loin sous la halle, le Secours Catholique devant une table pliante et une pile de bougies colorées interpellaient le passant afin d’offrir des colis de Noël aux plus défavorisés. Bref, faire ses commissions aujourd’hui vous obligent à ravaler vos larmes et vider votre porte-monnaie plus vite qu’il ne se remplit.
Je n’étais pas au bout de mes malheurs puisque j’allais aussi devoir affronter la vision de tous ces cadavres qui nous attendaient chez les commerçants. Chapons dodus, oies grasses, alignés côte à côte sur ces étals devenus cimetières, plumées devenues à poil, les volailles mortes au champ d’honneur nous imposent le respect.
Par le miracle de la transsubstantiation, leurs corps seront notre corps à cet instant divin du réveillon. Vous n’êtes pas mortes pour rien mes belles, votre gras ne sera pas perdu, vos jus seront saucés, vos os seront sucés. Quand enfin repu, je m’accorderai une courte pause avant d’envisager le dessert, je ne manquerai pas d’avoir une pensée émue pour les victimes du carnage de Noël.