Le Congrès pourrait geler une partie des crédits alloués à Islamabad alors que l’armée pakistanaise menace d’abattre tout avion de l’Otan qui survolerait son territoire.
Emmanuel Derville. Publié dans 24 heures.
Le bras-de-fer continue. Alors que les relations entre Washington et Islamabad n’ont jamais été aussi mauvaises, le Congrès va examiner un projet de loi qui recommande le gel de 700 millions de dollars d’aide. Objectif : contraindre les autorités pakistanaises à lutter contre le trafic d’engrais vers l’Afghanistan. Les talibans afghans achètent au marché noir des engrais produits au Pakistan pour fabriquer des IED. Ces mines déclenchées à distance sont la première cause de mortalité chez les soldats de l’Otan.
Côté pakistanais, plus de deux semaines après la bavure de l’Otan qui a tué 24 soldats près de la frontière afghane, l’armée et le gouvernement ne décolèrent pas. Dimanche, le premier ministre a indiqué que le ravitaillement de la coalition qui transite au Pakistan resterait bloqué jusqu’à nouvel ordre. L’atmosphère vire à la guerre ouverte. Il y a quelques jours, le commandement de l’armée a déclaré avoir donné l’ordre à ses troupes de tirer sur tout avion ou soldat de l’Otan qui entrerait sur le territoire. Lundi, le site internet américain Long War Journal affirmait d’ailleurs que la CIA avait suspendu ses attaques de drones. Du jamais vu depuis le début des frappes en 2004. L’agence utilise ces avions pour bombarder des chefs talibans et des groupes terroristes dans les zones tribales, dans le Nord-Ouest du Pakistan. La CIA et l’ISI, l’agence de renseignement militaire, ne coopèrent plus dans la lutte anti-terroriste. « Nous avons suspendu notre collaboration avec les Américains, précise l’un de ses membres. Entre nous, il y a toujours eu des hauts et des bas, notamment après le raid contre Ben Laden. Mais cette fois, on a touché le fond. »
Les deux pays vont-ils rompre leurs relations ? « Je ne pense pas que l’armée pakistanaise souhaite en arriver là pour l’instant, juge Ayesha Siddiqa, chercheuse spécialiste des questions de Défense. Elle veut utiliser ses liens avec les Etats-Unis pour préserver l’influence du Pakistan en Afghanistan, un pays qu’elle considère comme vitale pour la sécurité nationale. » Reste à savoir jusqu’où ira la patience du Congrès américain. En 1990, il avait suspendu les ventes d’armes au Pakistan parce qu’il cherchait à se doter de l’arme nucléaire. L’URSS venait de retirer ses troupes d’Afghanistan après 8 ans d’occupation. Le Pakistan avait alors perdu son importance stratégique aux yeux de Washington. L’histoire se répètera t-elle après le départ de l’Otan d’Afghanistan en 2014 ?
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