Magazine Côté Femmes

L'affaire du "sweat enchaîné".

Publié le 15 décembre 2011 par Stev

C'est comme dans "Faites entrer l'accusé", il y a un élément du dossier qui va définitivement faire basculer l'affaire. Au début, on est sceptique face à Monsieur Bul : c'est un peu trop ludique, coloré, limite exagéré, comme si les filles de Mad Men étaient apparues avant l'heure avec un peu trop de simagrées. C'est rétro mais trop rétro, trop de nœuds et de connotations dramatisées. Cette démesure renvoie à une paire d'initiées presque ferventes du costume d'époque… Des filles qui voudraient jouer la pin-up d'un autre temps.Le problème, c'est que nous, on ne veut pas jouer, on ne veut pas appartenir à un mouvement singulier. Puis arrive l'affaire du fameux "sweat enchaîné"… On se dit : "Hum… mal jugés, les messieurs qui font des bulles ?". On le revoit (le sweat), il passe et repasse sur Facebook, on l'aime, on le veut. Il y a un truc, on a loupé quelque chose ? On enquête (sans Dominique Rizet), non, on ne s'est pas trompé, il y a une niche qui a été créée pour ces femmes aux courbes incendiaires qui déplorent le temps passé et qui s'approprient une époque d'après-guerre modernisée. Mais alors, pourquoi être en rut expressément face à ce sweat ?

C'est pendant notre instruction que l'on comprendra que les coupables sont arrivés à maturité avec leur collection automne-hiver 2012. La donne a changé, la femme désespérée des années 50 se rêvant en starlette s'est transformée en héroïne hitchcockienne. Sa douceur colorée Chamallow s'est muée en une noirceur chic qui lui va comme un gant… On a compris ce qui était gênant : ce positivisme assumé ne va pas à la griffe de Julien Brennecke et Sébastien Denies. Il excelle davantage dans l'image d'une femme veuve noire de l'élégance où la nouvelle raideur de certaine coupe accentue le potentiel de charme.
Il crée alors l'envie des pastels qu'ils affectionnent, mêlant l'ambiguïté de l'innocence au sadomasochisme d'un noir presque ultime. On a l'impression qu'on leur a rabâché trop de fois qu'ils étaient des "Bisounours". Les deux acolytes se seraient alors énervés, basculant dans une dimension beaucoup plus dark qui ne fera que s'accoupler avec brio avec leurs racines d'hommes voulant sublimer de belles poupées.
L'ampleur dramatique est accentuée de mille degrés mais de façon moins "chichiteuse" venant ajouter une touche sexy qui balaye définitivement cet aspect un peu trop bonbon auquel on avait été habitué auparavant. Aujourd'hui, on n'a plus envie de croquer la femme Monsieur Bul, on a envie de la séduire. Elle intrigue, elle fait peur par sa profondeur sensuelle qui attire. C'est comme si l'enfant sage et innocent qui suçait des sucettes continuait toujours à sucer, mais pas que des sucettes…
Ce diable qui l'a alors pris au corps est marqué par les tailles ajustées, quelques transparences bien placées ou des imprimés lugubrement chics qui ne peuvent être qu'un clin d'œil au maître du cinéma qui a inventé la femme érotico-sombre. Confrontée à des flous dans les tops, des fuchsias dans les couleurs ou des matières douces et satinées, l'entrechoc fait son travail et permet donc à la jeune griffe belge de ne pas perdre son ADN mais bien de le faire évoluer en quelque chose d'ultra désirable, quasi intouchable. Comme si sa cliente avait décidé de faire sa crise de petite fille pour devenir femme et… quelle femme ! 
On aime ce revirement de situation incongru, ça sent l'envie de rester dans sa créativité tout en proposant quelque chose de moins connoté. Si l'univers de Monsieur Bul n'est plus à défendre, il était néanmoins nécessaire de passer un cap pour que s'y identifie une génération plus élargie et surtout moderne. 
Avec un virage pris à 180 degrés et en continuant dans cette lignée, Monsieur Bul prouve encore une fois que les Belges sont des étoiles montantes du nouveau luxe. À la fois extrêmement française, "un brin "gucc(h)ienne" mais aussi énigmatique et noire de séduction, Bul a tout compris aux envies des femmes et aux désirs des hommes d'aujourd'hui… Belgique, tu nous manques. 

Bien à vous.


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