Ca aurait pu être nous...

Publié le 14 décembre 2011 par Valwen

Miauw les gens. Même si le coeur n'y est pas. Pas de coucou, de vague salut, un miauw c'est encore trop difficile à écrire. Et ce n'est qu'un mot.

Hier, à Liège, aux environs de 12h30, un homme dénommé Nordinne Amrani a lancé des grenades et tiré a vue sur la Place Saint Lambert, le coeur de la Cité Ardente, pour une raison encore inconnue. Il s'est ensuite suicidé. Un vent de panique s'est engouffré dans les rues de la ville. Des rumeurs circulant sur d'autres tireurs ont terrorisé les passants alors qu'il n'en était rien. Voila les faits. Voila le résumé d'une journée d'horreur, d'atrocités, d'un carnage incompréhensible. Un bilan : 4 morts (provisoirement) et plus de 120 blessés. 

Mais les faits ne suffisent pas à expliquer l'angoisse, ils ne décrivent rien. Il y a une différence entre regarder le JT et apprendre qu'un homme à décider de commettre un crime irréparable et être là, quelques dizaines de mètres plus loin, à ne rien comprendre. J'étais là. J'ai entendu. J'ai vu. Mais je ne comprends toujours pas.

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D'abord... Une explosion assourdissante. Un regard en arrière, des pigeons qui s'envolent... Un rapide coup d'oeil à mon amie en me disant... c'est une des structures métalliques qui a du tomber, c'est un pétard... C'est pas un coup de feu, quelle arme peut faire dans de bruit... On continue en se disant que ce n'est rien... Mais ça recommence... Un bruit glaçant votre sang... Mais pas moyen de l'identifier. J'ai grandi dans un village où on extrait de la pierre, les explosions ça ne me fait pas peur. Je ne bouge pas. Je ne comprends pas. Mon amie s'inquiète. Je ne réagis pas. J'attends. On tire peut-être les pigeons, il y en a tellement. Oh... peut être encore un évadé du palais de justice. Mais non... Ca ne peut être un coup de pistolet, c'est bien trop bruyant. "Mais non, c'est rien."    

Et puis une troisième déflagration. Un truc se passe. Il faut partir. "On va retourner à l'Unif". Des bruits de tirs cette fois... plus lointain, moins forts... J'en étais sûre. Des gens couraient, pleuraient, criaient. Il faut partir. Que se passe-t-il ? Qui, quoi, pourquoi ? Aucune de ces questions ne me traversent l'esprit. Il fallait partir, courir, fuir cette chose dont on ne savait rien, dont on imaginait pas l'ampleur. 

Courir, où... L'Université... Retourner à l'Unif... Il n'y avait plus que ça, ça et les regards sur les coté pour voir que mon amie était là. Courir loin, devant des gens qui n'en savaient pas plus, qui attendaient, pétrifiés, qu'on explique, comprendre ce bruit, ces gens qui fuyaient. Courir... Passer le pont, passer la Meuse, prendre un bus... Non... par-ici, on va longer la Meuse... par-ici... courir... à contre-sens des gens qui fuyaient eux aussi, les larmes aux yeux, sans comprendre. "Il ne faut pas aller par là" nous a-t-on dit. "Et l'unif, et l'université ?"... "Non, ca va, quelqu'un tire... L'université ça va"... Un vague merci jeté alors qu'on reprenait notre course vers le bâtiment rassurant à quelques centaines de mètres de nous. Les ambulances arrivaient... en nombre... trop de sirènes... trop de bruits. J'ai eu peur. Je ne sais pas quand j'ai réalisé... Je ne sais pas... L'université... Une fois dans le hall... s'asseoir sur un escalier. Reprendre son souffle dans cet endroit familier, rassurant, chaud. Une fille pleurait en bas des marches. "Il y a des gens qui sont tombés devant moi". Fusillade... 

Il était 12h45 environ sans doute... peut-être moins... Maman... Maman... elle va regarder le JT à 13h... L'appeler... Lui dire que je vais bien. Et elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas... Et il fallait répéter... Fusillade, j'y étais... Fusillade... je vais bien... Tout va bien... La gorge nouée je lui ai répété que j'allais bien mais j'avais cette envie de pleurer, coincée au fond de ma gorge, je tremblais. J'avais peur. Je tremblais comme jamais auparavant. Je n'allais pas bien. 

S'asseoir à la cafet... 46 000 personnes pour 20 chaises... merci l'unif. Et c'est là, alors que je pensais que tout était fini. Qu'on était tranquille que j'ai compris que tout ne faisait que commencer. Les gens passaient... murmurant, téléphonant, riant... Les bruits de couloirs commençaient... Ils sont plusieurs... Que se passe-t-il ? Quoi ? Deux morts ? Je sors mon pc portable... RTL INFO... Déclic... Ce n'était pas des coups de feu... des grenades ayant fait deux morts et au moins 20 victimes... Grenades... Bruit... Un repris de justice... comme c'est étonnant... vive la justice belge... L'estomac serré j'avais du mal à avaler quoi que ce soit. Toujours ces bruits de ces gens... certains qui plaisantaient "UN AVION S'EST ECRASE"... Pauvre petite conne !

13h17... un sms de ma soeur "Ne sort pas de l'école il y a à une chasse à l'homme rue saint paul"... Attraper nos affaires... je ne sais comment... je ne sais pourquoi... Panique... juste à coté de l'univ'... quitter la cafet... trop de monde... Éviter que les gens sortent... aller se planquer dans une bibliothèque, à l'étage, en philo... quelque part où il n'y aura personne. Plus tard j'ai appris que les bibliothèques avaient eu l'ordre de garder les étudiants à l'intérieur, fermée à clé et qu'il y avait eu des crises de larmes. Foutre le camp loin du hall de peur qu'on fasse tout exploser... Un fou furieux à la Columbine... On sait jamais... Prévenir les gens de pas sortir... Éviter que les gens sortent... Monter au 4e... couloir des philo, aller jusqu'au département Histoire ou à Gothot... Loin des gens... Loin du hall... Loin des trucs accessibles. Je deviens parano. 

Et là, un copain qui attend une amie qui bosse à la biblio. Il nous apprend qu'il n'a pas pu sortir de l'université, que la police empêche de sortir, de rentrer peut-être, le périmètre semble boucler et trois hélicos survolent le quartier. On parle de tireurs en fuite... Peut-être ont-ils été arrêtés... RTL INFO est mort ! Obligé de regarder sur d'autres sites... même français... Pourquoi la presse française sait-elle plus de chose que les Liégeois ? Facebook... je n'ai pas encore pensé à Facebook. Pas grand chose... D'autres rumeurs... Aller en cours dans 20 min ou pas ? Oui... Non... On tremble... On a la tête ailleurs... Plus de bus... Plus de bus... Comment rentrer... Mon père... Il y a grève des trains ! Il a sa voiture du coup. L'appeler... Il donne cours... Ca ne va pas. Un sms... Il nous ramènera. Faudra marcher jusque là mais il nous ramenera. On va aller une heure en cours. A la pause de 15h on partira vers le Laveu. 3km... mais ca monte... Peut-on sortir à nouveau ? Encore un coup d'oeil sur Internet... Deux tireurs en fuite, les magasins doivent fermés, 60 blessés... toujours deux morts... peut-être plus...

En cours... des notes lacunaires... des regards angoissés à chaque passage d'une ambulance dans la rue, l'attente interminable de la pause d'un prof qui faisait des vaines tentatives d'humour. Et puis sortir... quitter le lieu rassurant pour la rue... La rue où tout explose, rue rempli de visage qu'on ne connaît pas, cachant des monstres. Quarante minutes plus tard on quittait Liège avec un certain soulagement. A la radio... pas deux ni trois tireurs... un seul, Nordinne Amrani... Condamné déja pour 2500 plans de cannabis, condamné pour détentions d'armes, condamné pour viols,... QUE FAIT CET HOMME EN LIBERTE ? Et rentrant à la maison... plus qu'une envie... prendre une douche et pleurer... qu'on ne me voit pas pleurer. J'ai eu tellement de chance... Je ne peux pas pleurer... J'en ai juste pas le droit... Je n'ai eu que peur... Je n'ai pas compris... j'ai juste eu peur... Je n'ai pas été blessée. Nuit blanche... Le bruit des ambulances me terrifie... Le silence ne fait qu'amplifier le bruit des grenades qui résonnent dan ma tête.

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Pourquoi ? Comment peut-on en arriver là ? Que peut-il passer à travers la tête d'un homme pour en arriver là ? Tuer pour tuer... sachant qu'il y a des enfants... des innocents... sachant qu'on va mettre fin à ses jours... non... je ne tolère pas. Je ne comprends pas. La place Saint Lambert... j'y passe si souvent... Je passe à 50m de là chaque matin, chaque soir. Comment pouvoir tuer de sang froid des gens qui n'ont fait qu'être là au mauvais moment ? Des gens qui ne lui ont rien fait, qu'il n'a même pas eu le courage de regarder en face ? Liège c'est si familier, si inattendu... Liège... Ce n'est pas logique... ce n'est pas tolérable. Mais on ne peut rien faire... Même pas punir. Trop lâche pour affronter les conséquences. La peur peut-être... Mais la peur reste imprimée dans ma peau, dans celle de tant d'autres qui se trouvaient là, blessés ou non. 

OU EST LA JUSTICE ? Je ne suis pas raciste, pas du tout... Mais c'est un étranger, un arabe... qui plus est une personne qui devrait se trouver en prison... Alors que les gens crient au racisme... je ne peux leur en vouloir... C'est triste mais c'est ainsi. A partir du moment où tu te fais traiter de "sale Belge" alors que t'es dans ton pays le pays où son né tes parents, tes grands-parents, tes arrière-grands-parents... Comment le prendre ? Comment leur en vouloir alors qu'on nous bassine avec le pour et le contre port du voile alors qu'on est tout de même dans un pays de tradition catholique. Comment leur en vouloir alors qu'on voit fleurir que des snack halal à tous les coins de rues ? Qu'est-ce qu'on s'en fiche... nous on mange du porc ! Je ne compte pas le nombre de fois où un arabe m'a déja insulté pour des raisons inconnues. Je ne compte plus les petites racailles se croyant tout permis. Et les vols... Et les agressions... Alors bien sur... Une minorité fout le bordel... Les autres ne doivent pas payer. Mais on ne vit plus en Belgique... C'est devenu une terre d'accueil où bientôt on comptera plus d'étranger que de Belges d'origine. Normal ? Dans l'air du temps... je l'accorde. Oh oui... arghhhh cette fille est raciste... Bah tant pis, si c'est ce qu'on pense, j'en ai rien à foutre. J'ai des amis arabes qui sont bien d'accord avec mes idées... 

Au fond, ca ne me dérange qu'à moitié. Tant qu'on m'emmerde pas, tant qu'on emmerde pas les autres, tant qu'il y a du respect. Mais le respect manque de plus en plus souvent. Je ne me rappelle pas m'être pris la tête avec un asiatique par exemple... toujours les Arabes... c'est con... surtout pour eux. Alors avant de crier haut et fort qu'il y a un problème dans la justice... il y en a un aussi dans l'immigration... Mais on ne fera rien ni pour ce problème, ni pour l'autre.

La dite justice... comme partout... elle est bancale. Faut-il revenir à la peine de mort ? Faut-il renvoyer chaque détenu dans son pays d'origine ? Faut-il... Faut-il... Je ne sais pas... C'est juste intolérable... Comment un mec pareil se baladait dans les rues. Parvenait encore à devoir se présenter pour fait de moeurs... Je ne sais pas. Comment peut-on envisager de relâcher Michèle Martin ? La justice belge... est un foutoir à l'image du pays. Mais ca n'est pas mieux en France. A quand des mesures pour protéger la population qui elle ne commet pas de crime ? Quand protégera-t-on la majorité qui jamais ne pointera un flingue vers quelqu'un ? La réponse est JAMAIS. Parce qu'un tel état est inenvisageable, utopique. Crions... Indignons-nous mais RIEN n'y fera !

Il faut juste avancer... accepter... Mais accepter quoi ? Qu'une mère qui allait prendre un bus ait vu son bébé se prendre une balle en pleine tête au nom de... au nom de quoi  ? Non... il n'y a pas de mot... Pas de chose à dire... Je suis en vie. Je n'ai rien à dire. Juste une chose... Une minute avant... Je passais par là... S'il avait agi une minute avant... j'étais là. Ca fait mal au coeur... Pas de se dire qu'on a échapper au pire... Mais se dire qu'ils auraient pu être nous. Que si sur sa route il n'y avait pas eu un feu rouge, ça n'aurait pas été eux. C'est tellement injuste, tellement horrible...  

Je sais que peu de monde lira ceci... Mais ceux que j'admire sont les forces de l'ordre qui ont été tellement rapides, tellement efficaces qu'on sait que dans tout ce chaos, dans ce pays qui tombe en ruine, il y a au moins une chose qui mérite le respect et des remerciements. 

Je pense que c'est tout... peut-être pas... je ne sais pas... C'est long assez mais il y a tant à dire. Non... une chose encore. Ca n'apportera rien aux familles, aux amis, aux proches, aux connaissances, aux blessés, non ça ne leur apportera rien... Mais je leur présente mes condoléances. Courage à vous. Je pense que Liège, la Belgique et tant d'autres pensent à vous.