Il est de ces livres dont on a un mal fou à parler – et je dis toujours que c’est mauvais signe. Les pages se suivent, régulières, ordonnées, les mots s’enfilent, les chapitres, et l’étincelle tarde à venir, quelle qu’elle soit, émotion, vibration, ou simple curiosité qui pousse – parfois seule – à tourner les pages.
Alors, me voilà encore bien embarrassé… J’aime faire un résumé ou un constat d’un roman, j’aime parler de son contenu.. Et là, rien. Que fais-je ? Je fais la pute et vais consulter d’autres sites, ou je passe sous silence ? Je passe sous silence. À mon âge, faire le trottoir ne rapporte plus…
Mais quelques mots quand même sur ce court roman. Page 13 apparait la lettre « L ». Il m’a fallu un temps pour comprendre que c’était le nom du personnage central. « L ». Je ne sais quelle idée à voulu poursuivre l’auteur en limitant ce nom à une initiale. Je cherche vaguement quel procédé d’écriture a été utilisé et quel est le but de ce raccourci nominal… Ma foi, si un lecteur peut m’éclairer, je serais ravi d’apprendre. D’autres protagonistes sont par contre nommés : Bérangère, Béatrice. Et là, je dois dire, et dois-je en éprouver de la honte – que j’ai oublié le détail des relations entre certaines personnes. Il m’a fallu deux semaines pour venir à bout de ce… livre, on oublie vite. Allez, je file voir quand même sur d’autres sites, qui n’a jamais joué aux catins dans sa vie ? Ah oui, j’avais oublié Emmanuelle, qui a été la meilleure amie d’enfance de « L ». Mais pourquoi étais-je donc obnubilé par d’autres personnes ? C’est sans doute que ce court roman saute du coq à l’âne en passant par le lecteur-dindon. On se retrouve par miracle sur l’île de Crozon, la presqu’île plutôt, pour repasser en Italie deux pages plus loin. Quel dommage que ces lieux envoûtants soient si peu décrits. N’importe quel écrivaillon ferait des pages merveilleuses sur cette toile de fond. Mais ici, trois mots sans saveur qui dépeignent mal ces endroits pourtant magiques.
Alors, nous voilà trimbalés entre temps et espaces, des reflux de la mémoire de L et de son amie, et de ses parents et arrières-grand-tantes, des voyages de paragraphe en paragraphe à sauter d’un lieu à l’autre et d’une époque à sa voisine. Techniques d’écriture savamment maitrisées, les mots sont comptés, analysés, comptabilisés. On dirait que tout fut fait, et avec quel brio, pour faire entrer plusieurs mondes voisins dans 130 pages minuscules. C’est du maitrisé de chez maitrisé, de la littérature calculée, fagotée, alambiquée.
Or tout le monde n’a pas le talent de Gaudé, et de une, tout le monde ne sait pas communiquer un émoi en trois mots, et de deux, et puis cette technologie d’écriture est éculée (je relis ce mot – peur d’une lettre en trop), cette façon de composer une histoire par bribes et changements incessants de temps-espace. C’est du déjà vu mille fois…
Quant au style, il n’a rien de bien particulier, des phrases assez sobres, imbrications de propositions qui se renvoient, encore du calcul. Décidément, rien ne semble laissé au hasard dans ce roman, qui fleure trop la naphtaline et la composition. Le tout dégage un relent de nostalgie quand même assez communicative, et donne presque envie de pleurer… sur le sort de notre pauvre littérature française…
Je copie-colle un extrait. Je suis une catin mais je garde ma liberté de penser et d’écrire, ouf, le moral est sauf ! Juste une surprise, la couverture est grise et mon image d’emprunt semble rose…!
« Qui a goûté au poison ambigu et douceâtre de la nostalgie sait qu’elle ne nous lâche pas, déplaçant seulement le vague malaise, la jubilation secrète qui l’accompagnent, vers un autre objet, une autre vie, une autre ville… »
« Ainsi marchons-nous en exil, sur des trottoirs qui ne nous appartiennent pas, accompagnés par une foule indifférente et anonyme, regrettant le lieu où nous ne sommes pas, magnifiant les époques défuntes, à l’affût d’une étincelle de nostalgie qui, en auréolant les promesses non tenues du passé d’une lumière illusoire, plonge le présent qui n’existe déjà plus dans l’ombre. »
Inverno d’ Hélène Frappat. Éditions Actes sud
Date de parution : 20/08/2011