D’Emmanuel Carrere.
Emmanuel Carrère s’est penché avec cet ouvrage sur une sorte de biographie romancée d’un certain Edouard Savenko, plus connu sous le pseudonyme d’Edouard Limonov, poète looser mais à l’indéniable talent, mercenaire, voyageur de l’extrême ou nationaliste intransigeant (c’est au choix) à la vie aussi romanesque que sulfureuse. Sans être réellement capable de l’expliquer clairement, cette lecture, qui m’a semblée plutôt étrange et fade dans un premier temps, aura très rapidement su me happer et m’obliger à tourner les pages avec une frénésie non feinte, un peu comme une sorte de marathon vers un dénouement catastrophe qu’on subodore et qui prend irrémédiablement forme au fil du temps.
Il est difficile voire impossible de décrire en quelques lignes la vie de Limonov. Ecrivain génial et productif à souhait, amoureux des femmes, indécrottable voyageur, étrange orateur au charisme bien ancré, il aura traversé et retraversé le monde au hasard de rencontres improbables et d’aventures aussi inattendues que rocambolesques, mais toujours avec cette volonté, cette force qui le pousse à avancer vers cet idéal que lui seul semble maîtriser. Quoi qu’on en pense, il ne laisse jamais indifférent, tantôt fascinant, tantôt effrayant, il est de ces personnages qui un jour suscitent l’admiration (je repense à ses séjours dans les tristes prisons russes) et le lendemain le dégoût (à l’image de sa participation aux exactions commises par les nationalistes Serbes dans les Balkans).
Limonov aura été pour moi un très bon moment de lecture, qui a su me plonger dans une ambiance, un univers si particulier, indéfinissable, étalé sur plus d’un demi-siècle et proposant d’innombrables rencontres : entre apparatchiks et dissidents soviétiques qui se taillent la part du gras, poètes géniaux et autres artistes maudits, despérados paumés des campagnes russes en recherche d’un guide visionnaire ou encore (personnage central à mes yeux) ce vieux sage qui apprendra à Limonov les vertus de la méditation… Pour conclure, je dirai qu’Emmanuel Carrère a su proposer un roman vraiment bien construit en évitant les pièges que ce type de récit lui tendaient (tomber dans une sorte de pathos soporifique et désuet), au contraire, il nous propose un texte léger, agréable à lire qui transportera le lecteur loin, très loin dans un monde que même John Ritchie (Sid Vicious pour les incultes) n’aurait pas osé imaginer.
Pour compléter, trouvez ci-dessous une petite vidéo qui traite de l’ouvrage : 1 minute pour convaincre (proposé par l’express).