A propos d’Entre chien et loup de Jeon Soo-Il 3.5 out of 5 stars
A Busan, en Corée du Sud, Kim, un cinéaste qui peine à trouver un financement pour son nouveau film, doit partir subitement à Sokcho, à la frontière avec la Corée du Nord. Il-Kyu, son cousin, l’a appelé d’urgence pour qu’il accompagne sa mère en Chine où les parents de Il-Kyu, séparés pendant la guerre entre les deux Corées (1950-1953), doivent se retrouver. Mais arrivé à Sokcho, rien ne se passe comme prévu. Les autorités chinoises refusent que le père de Il-Kyu passe en Chine et Kim rencontre Young-Hwa, une belle et jeune femme qui semble un peu perdue mais qu’il se met à suivre jusque dans les montagnes…
Pour l’anecdote, le « temps entre chien et loup » (titre original du film) n’est pas forcément, comme l’on pense, une métaphore des deux Corées. C’est aussi la période du jour qui correspond à la tombée de la nuit.
Si l’histoire s’articule autour de la rencontre entre un réalisateur et une jeune femme qui le fascine, le crépuscule est ce moment de la journée qui a scellé le destin tragique de Young-Hwa. C’est en fin de journée, à ce moment précis où les montagnes deviennent sombres, où le paysage s’entoure d’un silence « étrange et effrayant » que sa sœur a disparu.
Depuis ce jour, elle la cherche désespérément, de ville en ville, de montagne en montagne. Au-delà de sa beauté physique, c’est sans doute la mélancolie et ce regard perdu, tragique, qui ont attiré Kim, qui la suit comme un petit chien, prêt à l’emmener où elle veut, lui qui n’a plus rien à faire de toute façon à Sokcho depuis que le voyage en Chine est annulé.
Entre chien et loup est à plusieurs titres passionnants. D’abord, parce que c’est rare dans le cinéma sud-coréen de voir un réalisateur qui s’attaque avec autant de frontalité au drame des familles séparées par la guerre entre les deux Corées et qui entretiennent l’espoir de pouvoir un jour se retrouver.
Il y a ainsi un côté documentaire indéniable dans Entre chien et loup, mais pas seulement. Car on sent bien la part des souvenirs et de l’autobiographie dans ce film qui date de 2006 (Jeon Soo-Il a depuis réalisé trois longs métrages).
Au début du film, Kim monte des images en noir et blanc qui semblent être celles de familles séparées. Etranges et perturbants sont les cauchemars de Young-Hwa comme ces images récurrentes de souliers abandonnés sur la plage ou sur un chemin boueux. Jeon Soo-Il a confié lui-même qu’en 2005, il était « dans la quête de ses racines, sa maison d’enfance et d’autres lieux voués à la disparition. »
Le personnage de Kim n’est-il pas lui-même une sorte de double de Soo-Il, figure d’un cinéaste indépendant en quête perpétuelle d’argent pour financer ses films ?
Entre chien et loup prend à peu les contours d’une enquête minutieuse mais qui s’avère de plus en plus vaine. C’est le mélange des genres qui est plaisant dans Entre chien et loup, film caractérisé par sa lenteur, la nonchalance voire la langueur de son personnage central, Young-Hwa, « ivre de douleur ».
Les souvenirs de Soo-Il et toute cette part intimiste d’Entre chien et loup s’amalgament idéalement avec ses autres formes documentaires, sentimentale et d’enquête « policière ». Cette histoire d’amour impossible aurait gagné à être plus âpre encore. Mais dans sa pudeur, la sobriété de moyens avec laquelle elle est racontée, elle rejoint la manière sensible et émouvante avec laquelle Soo-Il convoque la mémoire des Coréens. Sans qu’il n’oublie de rappeler que la tragédie des familles séparées entre les deux Corées est d’une actualité encore brulante…
www.youtube.com/watch?v=09rQQ4qXUA4
Film coréen de Jeon Soo-il avec Ahn Kil-Kang, Kum Sun-Jai (01 h 50).
Scénario : 3.5 out of 5 stars
Mise en scène : 3 out of 5 stars
Acteurs : 3.5 out of 5 stars
Dialogues : 3.5 out of 5 stars
Compositions 3 out of 5 stars