Berlusconi risque également de faire de l’ombre à Allegri. On ne saura jamais quel est le rôle exact d’un entraineur à Milan mais lors des prochains mois, Mister Allegri devra résoudre un problème important : trouver un équilibre entre les caractéristiques de l’équipe et les désirs d’un propriétaire qui a toujours eu une vision du foot très romantique, souvent révolutionnaire mais parfois contrastante avec les réelles nécessités techniques d’un effectif. Avoir un président comme Silvio Berlusconi est une grande chance pour un club de foot et tout le staff, du plus haut dirigeant jusqu’au magasinier ou jardinier de Milanello mais TOUS doivent se montrer à la hauteur en plus d’avoir la même vision que Berlusconi. Le président est exigeant, il cherche la perfection, il vise les objectifs les plus difficiles à atteindre mais veut surtout une vision commune de la part de tous ses collaborateurs. L’entraineur et son staff seront jugés au delà du résultat du terrain, ils devront adhérer à la vision du patron.
Ces dernières semaines, le retour de Berlusconi s’est quelque peu ressenti, avec des rumeurs de critiques et de mécontentement envers Allegri. Et cela s’est traduit sur le terrain avec une équipe déséquilibrée, plus d’hommes portés vers l’attaque. La nécessité de remonter au classement et l’obligation d’Allegri de répondre à ses supérieurs ont provoqué ce déséquilibre évident et peu productif (mis à part à Lecce). L’absence d’un point de repère en pointe de l’attaque force de nombreux joueurs à se porter vers l’avant pour proposer une solution mais expose fortement l’équipe en cas de perte de balle, surtout face à un adversaire qui fait des contre-attaques sa propre force. Fort heureusement, l’AC Milan profite de sa supériorité très nette, de sa confiance et de la peur que l’équipe provoque aux adversaires de Serie A pour s’en sortir.
Si on veut caricaturer, il y a grosso modo deux catégories d’entraineurs : les spectaculaires (Sacchi, Guardiola…) et les pratiques (Capello, Mourinho…). Allegri entre dans la catégorie des pratiques et même d’une manière assez extrême mais n’a pas non plus le « matériel » humain et technique pour pouvoir apporter de nouvelles idées ni un football plus flamboyant. Si la société continue à préférer acheter des attaquants très chers tout en conservant un milieu de terrain « gériatrique », il sera difficile de proposer un football plus spectaculaire, un jeu plus mélodieux et plus fluides (tout comme on ne peut pas demander à Guardiola un catenaccio avec l’effectif qu’il a à sa disposition). L’objectif de l’entraineur est d’aligner la meilleure équipe et trouver une solution qui permet de profiter du potentiel maximal de ses joueurs. Néanmoins, l’extrême linéarité et rationalité des choix d’Allegri peuvent souvent paraitre comme exaspérantes, surtout pour un amateur de spectacle comme Berlusconi. Parfois, il faut savoir être moins cartésien et prendre des risques, être un peu moins raisonnable et plus passionné, plus « foufou » : ce n’est qu’avec de la fantaisie et du courage qu’on peut trouver une idée géniale. Si Allegri tient à sa place, il devra modifier quelque peu son style même si d’un autre côté, il a besoin de renforts, de choix, pour pouvoir trouver de nouvelles solutions. Que la société décide ou non de renforcer l’équipe, Allegri devra relever le défi : trouver l’équilibre entre son esprit pratique et la « folie footballistique », les idées plus créatives mais aussi plus abstraites de son président car en plus des résultats, c’est sur cela qu’il sera jugé.
Au terme de la saison, Berlusconi prendra sa décision : continuer avec Allegri ou changer d’entraineur. L’entraineur milanais ne deviendra jamais un partisan du spectacle mais Capello non plus ne l’était pas et a très bien réussi à Milan. L’époque n’était pas la même, les idées du président n’étaient peut-être pas exactement les mêmes mais la société devra bien évaluer son choix. Allegri a réussi à gagner le Scudetto et la Supercoupe d’Italie dès sa première saison en interrompant la domination de l’Inter, il s’est à chaque fois qualifié en huitièmes de finale de Champions League malgré des groupes dans lesquels Milan a trouvé les deux grandes Espagnoles (les mauvais résultats contre les petites équipes lui sont reprochés, est-ce réellement fondamental si au final la qualification est acquise?) et est actuellement à 2 points seulement de la tête du classement de Serie A. Mister Max a transformé l’équipe, a mis fin à la Pirlo-dépendance, il a trouvé un équilibre après la courte période Leo, il a rendu la défense imperméable qui a permis de remporter le Scudetto, il a trouvé la dimension de Boateng, il a mis en place une phase offensive sans aucun point de repères et gère plutôt bien la transition entre les sénateurs et les nouveaux joueurs. Pour ce qu’il a accompli en si peu de temps, il mérite la confiance et de la reconnaissance (limitée, évidemment). Allegri s’est déjà démontré être à la hauteur et le choix de s’en séparer en fin de saison serait une décision très superficielle, presque exclusivement basée sur des éléments subjectifs, en plus de mettre prématurément un terme à un cycle qui vient à peine de commencer. Il est clair qu’Allegri n’est pas un entraineur qui fait rêver mais la plus grande difficulté serait de trouver un remplaçant, meilleur qu’Allegri, capable de reprendre le flambeau et d’apporter la continuité au projet. La relation avec les joueurs repartirait à zéro, il devrait apprendre à connaitre chaque joueur (et homme) présent dans l’effectif… Inutile de souligner la complexité et les risques d’une telle opération mais comme déjà expliqué, Berlusconi est un romantique, un idéaliste et heureusement que Galliani est là pour lui apporter une part de rationalité. Berlusconi a toujours eu des rapports difficiles avec ses entraineurs, comment Allegri s’en sortira-t-il?