Marc-Antoine Jamet : halte aux gares baladeuses et aux lignes furtives

Publié le 14 décembre 2011 par Gezale
 

Marc-Antoine Jamet lors de ses vœux 2011 (photo JCH)

« Il n’est pas certain que laréunion publique organisée sur le projet de ligne dite « nouvelle »Paris-Normandie, jeudi 8 décembre, à Val-de-Reuil, aura apporté un minimum declarté sur un dossier dès l’origine touffu, confus, complexe. Certes, lethéâtre des Chalands, qui l’accueillait, a fait salle comble, mais rares sontles questions posées qui ont trouvé réponse au cours du dialogue de sourds quia opposé trois heures durant technocrates et usagers. Certes, 300 personnessont venues dire leur intérêt, évoquer leur souci, rappeler leur attente,réels, d’une desserte ferroviaire « classique » qui, pour se rendre àleur travail, mette de nouveau la gare rolivaloise à une heure de Paris-SaintLazare, mais, en guise de consolation, on leur vanta l’ivresse à venir et lesvertiges de l’utopique TGV que le chef de l’Etat promit au précédent maire duHavre. Certes, il ne manquait pas un bouton de guêtre à la commission chargéede piloter la discussion, pas un rétroprojecteur, ni un ordinateur à RFF et,étonnamment, pas un videur à gros bras pour canaliser une foule pourtant bienpacifique. Mais, quoi qu’il en soit, la méthode retenue –surtout- avait de quoisurprendre.  Alors que les réunionsprécédentes avec les habitants de notre territoire, les travaux préparatoiresavec les techniciens, les rencontres avec les élus, s’étaient déroulés autourde deux scénarios bien identifiés par leur trajet et leurs haltes, alors que,derrière la Région et le Département, laVille avait déjà fait le choix du trajet B, la commission a soudainement sorti de son chapeau une quatrièmeproposition joliment baptisée AB dont nul n’avait entendu jusqu’alors parler.En direct, les schémas se sont couverts de variantes. Sous nos yeux, les garessont devenues baladeuses. Au fil des discussions, les lignes se sont révéléesfurtives. Une chatte, même après une dizaine d’années d’études et un diplômed’ingénieur « transports » n’y aurait pas retrouvé pas ses petits.Ajoutons-y un calendrier qu’on ne qualifiera même pas de flou tant ses horizonsà dix, vingt, trente ans ou plus, ont recouvert d’un épais brouillard ce projetinitialement élyséen. Enfin, on apprécia à son juste titre un financement si fumeux que chacun convînt qu’il valait mieux enrenvoyer l’annonce du montant, pharaonique, et du tour de table, irréalisable,à des calendes opportunément appelées grecques plutôt que de s’aventurer sur unterrain budgétaire glissant moment où les économies vacillent et les banqueschancellent.
Dès lors, revinrent au fil de lasoirée les vraies difficultés : la saturation et l’archaïsme desinfrastructures autrefois inaugurées par le Second Empire, l’absence derégularité et de fiabilité des lignes comme des convois, les temps de parcoursdevenus insupportables non par leur durée initiale, mais par leurs retardsaccumulés dans une géographie et un espace-temps que les performances du railont puissamment modifiés dans les autres régions. C’est pourquoi j’ai voulufixer au cours de cette réunion vespérale, à l’instar de mon ami Alain Le Vern,des préalables au lancement du projet de ligne nouvelle. On ne construit pasune extension de la maison quand ses fondations ne sont plus sûres. Il faut retrouver des priorités utiles pourles usagers et judicieuses pour un argent public devenu rare: le désengorgement du Mantois par le doublement des 35km de voies venues de Paris, l’harmonisation des tarifs entre les usagershaut-normands et les franciliens, les premiers s’acquittant actuellement detarifs souvent deux ou trois fois plus élevés que ce que payent les seconds,fossé que la « grande vitesse », dont on connaît les prix, aggravera,une traversée améliorée de Rouen par la renaissance de la gare Saint-Sever etpar le creusement d’un tunnel sous la Seine, un cadencement horaire adapté, lerenforcement de l’activité fret sur Gisors/Serqueux pour dégager des fuseauxpour des trains supplémentaires, l’indispensable modernisation des gares de laligne Paris/Rouen/Le Havre, singulièrement celle de Val-de-Reuil dont lareconstruction est maintenant financée et acquise, parce qu’elles continueront,même avec le nouveau tracé, si d’aventure il voit le jour avant le prochainsiècle, à accueillir 80% des trains circulant vers l’estuaire de la Seine, brefune parfaite complémentarité entre les deux lignes quel que soit le scénariofinalement retenu pour la dernière venue…Val-de-Reuil et les communes de l’agglomération Seine-Eure sontdirectement concernées par ces choix. L’hypothèse d’une nouvelle gare surnotre territoire est en effet envisagée. Peut-on rappeler quelques éléments debon sens qui devraient présider à sa localisation. Il est essentiel qu’elle neconstitue pas une blessure pour l’environnement après le projet dévastateur decontournement autoroutier de Rouen par le raccordement de l’A154 à l’A28. Ilfaut préserver la forêt de Bord et la triple vallée de la Seine, de l’Eure etde l’Andelle. Là est l’essentiel, mais là n’est pas tout. Il vaut mieux que les deux gares, l’ancienne et lanouvelle, ne soient pas trop éloignées, si on veut que les voyageursaillent facilement de l’une à l’autre, que les transports en commun lesdesservant ne soient pas trop espacés dans le temps et étirés en distance. Ilvaut mieux que la station qui sera affectée à la ligne nouvelle ne soit pasconstruite en rase campagne comme naguère on le faisait pour les TGV, exigeantle CO2 de nombreuses voitures pour la rejoindre, mais qu’elle puisse desservir les bassins de vie, nourrir les bassinsd’emploi, développer les zones tertiaires, irriguer les bases de loisirs denotre agglomération, mais qu’elle soit en zone urbaine et pourquoi pas, commecelle que souhaite Evreux, en centre ville. Une gare nouvelle située à Val-de-Reuil le permettrait sans aucun doute.Les dirigeants d’Unibail, spécialistes mondial de l’immobilier commercial et del’acquisition de bureaux, me l’ont confirmé hier en expliquant que la villenouvelle, située dans la partie économique la plus dynamique du département,deviendrait à leurs yeux un secteur d’investissement idéal. La gare nouvelle pourrait être alors une force pour le développementéconomique et l’emploi partagé. 
Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil