Réflexion trente neuf (10 février 2008)
La demande des ministres des finances des pays du G7 aux banques de dévoiler leurs pertes liées au subprime
Si c'était aussi facile ! Les banques internationales auront bien de la peine à rassurer pleinement les marchés financiers sur leur exposition aux risques liés aux crédits subprime. En matière de finance, rien n'est simple. Les bilans des grands établissements bancaires sont presqu'uniquement constitués de créances sur d'autres agents : autres banques, ménages, entreprises, états ... En pourcentage de leur bilan, les immobilisations qu'elles détiennent sont infinitésimales, malgré l'importance de leurs sièges sociaux situés dans les plus beaux quartiers de nos capitales. Le problème de toutes ces créances, c'est qu'elles n'ont de valeur que théorique, en fonction de la capacité de remboursement du débiteur. D'une certaine façon, on peut dire que les établissements les plus importants de notre système économique moderne, ces banques qui gèrent l'ensemble de notre richesse, de nos économies, de nos liquidités, sont construites sur du vent.
La situation s'est amplifiée au cours des siècles. Au dix-neuvième siècle, qui pourtant a connu des crises financières terribles, les banques avaient malgré tout majoritairement à leur bilan des actifs ayant une certaine valeur, tels de l'or-métal. Aujourd'hui, à une heure où tout est dématérialisé (même l'or), les banques n'ont plus aucun actif à valeur certaine dans leur bilan. Et le fait qu'elles commencent peu à peu à se méfier les unes les autres, à s'échanger plus difficilement des fonds sur le marché monétaire, comme si elles avaient peur d'apprendre à tout moment la faillite de l'une d'entre elles, tout ceci pourrait conduire à une crise de confiance généralisée dans les fondements de notre société capitaliste.
Pour répondre au souhait du G7, les banques pourraient donc communiquer sur leurs pertes totales liées au subprime, quelqu'en soit la conséquence pour leurs dirigeants. Mais certaines de leurs autres créances pourraient malgré tout demain être touchées par un autre évènement lié de près ou de loin au subprime (défaillance des rehausseurs de crédit, défaillance d'une banque avec laquelle les autres établissements étaient en relation par le marché monétaire), entraînant de nouvelles pertes pour le système financier dans son ensemble. Cette crise n'a ainsi pas de fond, car les marchés financiers sont devenus virtuels, et que ce phénomène s'est propagé dans l'ensemble de notre système économique. Une preuve de cette virtualité : le fait que la Société Générale ait pu gagné 1,4 milliard d'euros à fin décembre 2007 sans que personne dans la banque ne le découvre.
Réflexion trente huit (5 février 2008)
L'affaire de la Société Générale
Il ne semble pas qu'il puisse y avoir d'évènements plus significatifs pour ouvrir cette nouvelle série de réflexions sur la monnaie et la finance que cette affaire de fraude à la Société Générale, du fait apparemment d'un seul homme, Jérôme Kerviel, trader.
Le monde de la Finance est-il devenu fou pour qu'un seul homme puisse jouer, seul, avec une opération portant sur des montants financiers représentant 50 milliards d'euros ... soit en chiffres ... 50 000 000 000 euros ? Mais il est tout aussi aberrant que ce même homme ait pu gagner précédemment 1,4 milliard d'euros sur ces mêmes marchés sans que personne ne l'ait découvert. Pour un néophyte de telles opérations, cela paraît incroyable que ce bénéfice ait pu être ignoré par la Société Générale.
L'histoire donc d'un trader fou qui aurait ainsi pu couler cette vieille maison vénérable qu'est la Société Générale, banquière d'une grosse minorité des français ... sans que l'on puisse être certain du fait que le système de garantie de place des dépôts existant aurait pu faire face. La Société Générale a perdu 4,9 milliards d'euros dans cette histoire, mais le pire est que cela aurait pu être bien pire ... Le pire, c'est peut-être aussi qu'il existe vraisemblablement d'autres traders fous à la Société Générale, ou dans d'autres banques françaises ou étrangères, non encore découverts.
Gageons que les établissements bancaires sont en train de réformer leurs procédures de contrôles internes. Soyons aussi persuadés qu'une prochaine réforme de la comptabilité bancaire est en préparation, afin de modifier le traitement comptable de ces opérations de tarde et de marché, actuellement recensées en opérations de hors-bilan. Vu les risques encourus, les autorités monétaires européennes et internationales ne peuvent continuer plus longtemps à les ignorer.
Lire l'article du Monde suivant :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/02/04/je-voulais-vous-faire-la-surprise_1007046_3234.html
Saucratès
Mes précédents écrits sur la Monnaie :
Partie zéro ...
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/19/une-histoire-de-l-€uro.html
Première partie ...
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/09/segolene-royal-et-la-banque-centrale-europeenne.html
Deuxième partie
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/17/de-la-politique-monetaire-deux.html
Troisième partie
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/01/19/reponse-a-decembre-sur-les-banques.html
Quatrième partie
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/03/21/de-la-politique-monétaire-trois.html
Cinquième partie
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/09/21/de-la-politique-monetaire-quatre.html
Sixième partie
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/11/05/de-la-politique-monetaire-six.html