L’événement était doublement prévisible mais il n’en est pas moins important : Southwest Airlines est devenue le client de lancement du Boeing 737 MAX remotorisé avec une commande de 150 exemplaires. Simultanément, la compagnie low cost texane a acheté 58 737 NG «classiques», l’ensemble pour un montant théorique de 19 milliards de dollars. «Théorique» dans la mesure où Southwest ne paiera évidemment pas le prix catalogue de ces avions, les rumeurs les plus folles circulant déjà à propos de supposées remises plus ou moins insensées.
Les relations de Southwest avec Seattle sont quasiment familiales, cette compagnie, depuis sa création il y a une quarantaine d’années n’ayant utilisé que des 737, dont elle exploite actuellement 559 exemplaires. La commande qui vient d’être annoncée est destinée à remplacer des appareils actuellement en service et non pas à accroître la capacité offerte. La diminution de consommation de carburant annoncée, par rapport au 737-800, serait selon les sources de 12 à 18%.
Southwest reste fidèle à CFMI, c’est-à-dire à General Electric et Snecma et a opté pour le Leap 1B, le motoriste franco-américain s’arrogeant grosso modo le quart du contrat, toujours sur base du tarif catalogue, le seul qui soit public. Le choix, de toute manière, n’en était pas un, CFMI bénéficiant d’un accord d’exclusivité conclu avec Boeing à l’époque aujourd’hui lointaine du lancement du 737-300. Le mariage Southwest-CFMI s’inscrit dans la durée, sachant que des livraisons de 737 supplémentaires, qui font actuellement l’objet d’options, sont programmées jusqu’en 2027.
Le MAX est ainsi formellement lancé, au terme d’une genèse courte mais passablement agitée. En effet, contrairement à ce qu’a estimé très tôt Airbus, le bureau d’études de Boeing a longtemps donné la préférence à un concept d’avion entièrement nouveau (nom de code NSA, New Small Airplane) qui aurait été livrable à partir de la fin de la décennie. Les premiers succès commerciaux spectaculaires de l’A320 NEO remotorisé ont finalement incité Boeing à suivre la même voie que les Européens.
Pris de court, pour contrer le NEO, les Américains ont effectué une brusque volte-face et proposé le MAX (une appellation pour le moins curieuse) alors que son développement était loin d’être terminé. D’où un exploit sans précédent, plus de 900 intentions d’achat réunies (à ce jour 948) alors que la configuration de l’avion n’était pas terminée, pas plus que sa motorisation. Il était indispensable, en effet, de doter le Leap 1B d’une soufflante de diamètre réduit, par rapport au modèle de base, la garde au sol de l’avion étant minimale.
Cette chronologie pour le moins inhabituelle explique que treize compagnies aient annoncé le choix du MAX mais que Southwest en soit le client de lancement. L’optimisme est de mise, Jim Albaugh, directeur général de Boeing Commercial Airplanes, estimant que le carnet de commandes de son dernier-né portera sur 1.400 à 1.500 exemplaires dès le début 2012.
Le NSA est reporté à des jours «meilleurs», ce qui arrange tout le monde. Les futurs utilisateurs de MAX (et de NEO) vont pouvoir profiter sans plus attendre de progrès importants en matière de motorisation et les 10 milliards de dollars nécessaires à la création d’avions nouveaux, l’un à Seattle, l’autre à Toulouse, seront investis plus tard, à un moment où les deux rivaux seront sortis de leurs difficultés actuelles : retards coûteux des 787 et 47-8 pour l’un, de l’A400M et de l’A3560 pour l’autre, sans compter les dommages collatéraux liés au démarrage industriel raté de l’A380. Du coup, tout le monde est content.
Pierre Sparaco - AeroMorning