Seule la rupture avec l’État Providence est de nature à effacer d’un seul coup la crise, et à sortir l’Europe et la France du quai des brumes.
Par Jacques Garello
Je mets tellement d’insistance dans mes analyses, et je m’en tiens tellement aux mêmes idées, que je finis par me demander si je ne vous incommode pas, chers amis lecteurs. J’ai l’impression de ressasser, et de raser.Voici un exemple de mon obstination, de mes répétitions. Le 5 novembre dernier, j’avais salué ainsi la belle nuit, la sainte nuit (« Heilige nacht ») : « Au fond, un esprit simpliste pourrait en conclure qu’au cours de cette nuit Merkel a mis l’Europe et l’euro à l’heure de Berlin, tandis que Sarkozy voulait la mettre à l’heure de Paris. Mais ce sont des choses à ne pas dire. Le politiquement correct veut qu’on continue à parler du « couple franco-allemand » et j’ajoutais : « Il faut en réalité revenir du rêve à la réalité. Elle est moins souriante : la Grèce est en faillite, l’euro est en sursis, et l’Europe de Bruxelles est en échec ».
Serais-je donc par un triste destin condamné à vous passer chaque semaine un plat réchauffé ? Ma seule excuse est que les choses n’avancent pas d’un pouce, et que l’on va de sommet en sommet sans sortir du marécage : on plane dans le marais. Dimanche à l’Elysée, ce week end à Bruxelles, il ne s’est rien passé et il ne se passera rien que nous ne sachions déjà. La révision du traité de Lisbonne ? Elle est programmée depuis juillet dernier, et se fera sans doute après les élections françaises ; les Anglais et les Irlandais ruent déjà dans les brancards, comme on pouvait s’y attendre. Le refinancement des banques européennes en péril ? On s’en remet à la promesse de la Réserve Fédérale de mettre des dollars à disposition de la Banque Centrale Européenne, au risque de déclancher l’inflation. Le remboursement des dettes souveraines ? On parle d’un étalement, du moins pour la partie de la dette supérieure à 60 %. Mais qui financera, puisque le Fonds Européen de stabilisation financière (FESF) n’en a pas les moyens ? Il serait maintenant question d’un « mécanisme de stabilisation » : progrès décisif, dont on ne sait rien. La règle d’or ? Elle existe déjà en Allemagne, mais la France qui la recommande aujourd’hui ne peut pas la faire adopter : honte aux socialistes, c’est ce qu’il fallait deviner.
Bref, nous sommes en présence d’une représentation d’illusionnistes. Peut-être tous ces chefs d’État, avec leur batterie de ministres et de conseillers ont-ils quelque lapin miracle dans leur chapeau, mais pour l’instant on n’a vu que le chapeau, et on se dit, à la veille de chaque grande rencontre (il y en a trois ou quatre par mois) : cette fois-ci on verra un lapin. Le lapin, c’est bien connu, n’est pas au rendez-vous.
C’est pourquoi je voudrais vous aider à quitter le quai des brumes pour aller vers la lumière, qui n’est pas la mienne, mais qui éclaire le monde : celle de la liberté. J’insiste, encore au risque de déplaire : la crise actuelle est celle de l’État Providence. La dette souveraine, c’est l’État qui vit au dessus de ses moyens pour financer la démagogie électorale. Les banques en difficulté, c’est l’État qui oblige les banques centrales à ouvrir les vannes monétaires au prétexte de relance, c’est l’État qui pousse les banques à financer des crédits que personne ne remboursera, c’est la réglementation qui concentre artificiellement le secteur bancaire. L’euro en berne, c’est l’échec d’une monnaie artificielle, conçue à des fins purement politiques (instaurer l’économie dirigée au niveau européen), qui reposait sur un pacte de stabilisation qu’aucun État n’a respecté. L’Europe paralysée, ce sont des États qui ne s’entendent sur rien, partagés entre les souverainismes ; c’est le non choix entre une puissance centralisée, syndicalisée et socialisée et un espace ouvert, libéral et concurrentiel.
Donc tout est clair : seule la rupture avec l’État Providence est de nature à effacer d’un seul coup la crise, et à remettre l’Europe, y compris la France, sur la bonne voie. Les pays qui avaient su aller vers la lumière de la liberté dans les années précédant la crise n’ont pas connu la crise : Canada, Australie, Nouvelle Zélande, Suisse, Suède par exemple. Et, au sein de l’Europe, ce sont ceux qui ont eu l’État le plus discret qui ont passé l’épreuve plus facilement : Pologne, République Tchèque, Pays Bas, Autriche, voire même Allemagne.
En fait, la brume demeure épaisse dans beaucoup de pays, à commencer par le nôtre. Il y a maintenant moins de cinq mois pour installer une signalisation lumineuse qui jalonne la route de la France 2012. Il est temps de ne plus en rester aux feux follets et de dire enfin la vérité aux Français. Si la campagne ne nous offre pas une ouverture, si les candidats préfèrent explorer des chemins inconnus qui sont autant d’impasses, s’ils continuent à se présenter comme des illusionnistes, le peuple sera désorienté, et la crise s’accentuera. « Faisons la liberté, la liberté fera le reste » : la formule avait séduit jadis, elle nous indique encore aujourd’hui la route à suivre. Puisse la brume se dissiper. Pour l’instant on est sur le quai. On attend.
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