... il y a des fois où la radio me prend de court. Certains mots m'arrêtent dans ma chorégraphie matinale... entre le petit-déjeuner, les paires de chaussettes mises une à une, les vêtements du petit loup, le hérisson porte pyjama... il y a une attention, une tension.
C'était pour Fabrice CHAMPION, trapéziste, mort à 39 ans.
La rubrique nécrologique n'est pas une de mes favories mais là, elle parlait d'un homme formidable.
Un jeune homme parti à 16 ans dans une troupe de cirque, montant la sienne plus tard, "Les Arts sauts". Alors oui déjà, ce vol en apesanteur, porté, avec attaches, me parle. Oui j'aime cette sensation entre la terre et le ciel... ce défi de la pesanteur. Je le disais là: trapèze, venant du sol comme la capoeira, les yamakasi entre deux murs ou en tissus aériens. Encore plus quand leurs défis ont apporté encore à la discipline... leur volonté était de voltiger au-dessus des rivières (gorges du verdon) au final au dessus des spectateurs en transat. Rien que les photos me font rêver (les vidéos aussi).
*source photo du spectacle Kayassine
Et puis son histoire, cet accident le rendant tétraplégique. Une fin de carrière, une chape de plomb le gardant au sol et piégé dans son corps. Alors oui cela aurait pu s'arrêter là.
Mais encore mieux, l'homme se veut mobile, se souhaite presque même pantin aux mains des autres, au sol ou même en voltige. Il créée la "tétradanse" et préparait un spectacle: une danse au sol, une danse avec le corps amoindri mais, encore là, le mouvement...
*source "Arts Sauts"
" Ce dont je souffre , c'est pas vraiment de mon handicap, mais plutôt de la difficulté à être moi même, à faire quelque chose de ma vie. Comme tout le monde.
[...]
Aujourd'hui est un bon jour pour mourir.
J'ai conscience que chaque respiration est un sursis sur la mort.
J'accomplis chaque geste comme s'il était le dernier.
[...]
Puissé-je être libre de l'orgueil. Pas de blâmes, pas de récompense, toute faute est une chimère. Dans la confiance non née de manifester le cheval de vent, je lâche prise de contrôler mon image et je m'envole tel quel, sans but, tel un danseur préhistorique, pure expression de la joie sans cause, libre de l'espoir et de la peur. Entier par essence, comme un rayon de lumière, je traverse l'espace, rejetant sans effort la honte et la gloire.
[...]
Avec mon cœur, authentique de tristesse où joie et chagrin se fondent en un nectar sublime, je vole, j'envahis l'espace. L'espace m'envahit." (extrait de l'article de Yves JAEGLE, Le Parisien, 30/04/2010, repris de ce blog où l'intégralité de l'article vous attend... les propos de Mr CHAMPION sont saisissants!)
Voilà, c'est cette force de vie qui me plait, qui lui survie assez pour me voir y réfléchir encore et encore. Ne se trouver diminuer que dans la volonté d'être quelqu'un, le titre est tiré de cet article fort intéressant, de Rosita BOISSEAU, Le Monde, 13/12/2011, aussi repris dans ce billet-ci.
*source photo du spectacle Ola Kala
Alors oui, je dois dire que je ne suis pas étonné que cet homme fut bouddhiste... Une sacrée leçon de vie en tous cas. Je vous laisse connaître la fin de sa vie en suivant les liens vers l'article du Monde.
et un interview de l'autre co-fondateur avec cette philosophie de vie d'un acrobate voltigeur
Les Arts sauts : interview par flu-jypegue
La chute est le propre de l’homme, rester en l'air le plus longtemps. Maîtriser la chute... partie intégrante qui scinde la vie d'un homme en deux mais ne lui retire pas la joie de vie.