Que 120 Procureurs de la République français sur 163 signent une pétition, c'est à n'en pas douter un nouveau signal du délittement de notre système judiciaire.
Loin de l'inspiration des théories déclinistes, la fragilité croissante de la Justice, pilier des institutions républicaines va à l'encontre du respect qu'elle devrait inspirer.
Une Justice qui entend demeurer indépendante du politique et ne peut plus s'exercer avec les moyens qui lui assurent la sérénité et l'impartialité de sa mission, est une Justice qui ne peut plus garantir l'égalité des droits entre les citoyens.
Faut-il comprendre cette alarme de la conférence nationale des Procureurs de la République, comme une alerte pour exprimer sur la place publique, dans l'impossibilité de se faire entendre par d'autres canaux, que nous avons atteint un palier tel, que l'engorgement des tribunaux, les procès compromis par manque de moyens, sont des signes d'effritement des fonctions régaliennes de l'Etat ; et par voie de conséquence, des valeurs républicaines en France ?
J'en suis personnellement convaincu.
Plume Solidaire
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Lire l'Express : Le ras-le-bol des procureurs
publié le 08/12/2011
AFP/JOEL SAGET
Les procureurs français sont sortis de leur habituelle réserve pour évoquer leurs difficultés à remplir les missions qui leur sont confiées. 120 d'entre eux ont signé une pétition pour afficher leur désarroi.
Il est rare de les entendre se plaindre. Pourtant, plus de 120 des 163 procureurs de la République ont signé une pétition pour afficher leur désarroi. Un appel lancé par la conférence nationale des procureurs de la République pour alerter la population sur leurs difficultés à exercer pleinement les missions qui leur sont confiées. Et ce, du fait de leur statut, du manque de moyens et de l'incertitude juridique dans laquelle ils se trouvent. Engorgement des tribunaux, procès compromis... Les conséquences du manque de moyens sont patents.
Interrogé par lefigaro.fr Robert Gélie, président de la conférence nationale des procureurs, expliquait que cette pétition n'entrait "pas du tout dans une démarche politique, mais à certains moments, il faut que les choses soient dites. C'est un ras-le bol qui dure depuis de longues années, nos équipes sont en souffrance, nous avons fini par envisager cet appel".
Nouveau mode de nomination
Mais les procureurs sont également sortis de leur habituelle réserve pour réclamer un nouveau mode de nomination. Ils réclament notamment la possibilité pour le ministre de la Justice de passer outre un avis négatif du Conseil national de la magistrature (CSM) quant à la nomination d'un procureur. Ce qui avait été le cas pour le procureur Courroye.
Jean-Claude Marin, nouveau procureur général près la Cour de cassation, s'est d'ailleurs prononcé en faveur d'une telle réforme. L'objectif est clair: il s'agit pour les magistrats de dissiper les doutes sur leur indépendance vis-à-vis du pouvoir.
Une souffrance qui dure depuis plusieurs années
Dernier point de cet appel, leurs craintes sur l'incertitude juridique dans laquelle ils se trouvent, face à une accumulation de textes, parfois contradictoires ou incohérents. Dans un rapport sur les conditions de détention en France publié mercredi, l'Observatoire international des prisons recensait ainsi "18 nouvelles lois pénales mises en oeuvre" en cinq ans. Des mesures qualifiées d'"inefficaces voire contre-productives".
Le texte, envoyé au garde des Sceaux, laisse penser que les procureurs veulent peser, en cette période d'entrée en campagne, sur une question qui est au cœur des programmes pour la présidentielle de 2012.