Il devait nous faire croire que l'accord de Bruxelles était bien décisif et historique, et le tout grâce à lui.
Un Sarkozy « historique »...
Lundi, le titre claquait en couverture du Monde: « c'est une autre Europe qui est en train de naître ». Fichtre ! Quel service après-vente ! Une fois de plus, Nicolas Sarkozy semblait avoir pris l'ascenseur tout droit vers des hauteurs présidentielles que lui seul connaît.
Il espère que le bon peuple aura suffisamment peur pour lui faire crédit une seconde fois. Il laisse ses ministres attaquer François Hollande car lui, bien sûr, doit être sur le pont. « C’est l’Elysée qui est à la manœuvre, mais ce sont les ministres qui flinguent » commentait Frédéric Gerschel dans le Parisien. Observez: Sarkozy s'occupe d'Europe au moins... trois fois par mois... Pour le reste, plutôt que de faire la tournée des capitales européennes pour assumer son prétendu co-leadership européen, il sillonne tranquillement la France en jet présidentiel pour déclamer ses différents slogans de campagne.
L'Europe a-t-elle échappé à l'implosion ? « J'aimerais pouvoir dire qu'il est totalement écarté. Je m'en garderai pourtant. Nous avons fait tout ce qu'il était possible de faire ». Comme pour chacune de ses interventions étrangères, il a un objectif prioritaire, se présidentialiser. Cette interview ne fit pas exception. Ironique, le journaliste Arnaud Leparmentier s'amusa sur Twitter: « pendant l'interview de
A chaque crise, on connaît le refrain. Sarkozy est toujours cet homme neuf et innocent, qui doit résoudre des difficultés créées par d'autres. « La vérité est qu'il nous a fallu réparer en pleine crise les insuffisances de l'euro au moment de sa création. Ainsi, rien n'avait été prévu quant à la convergence des politiques économiques des pays membres de l'euro. Ensuite, certains pays ont été accueillis au sein de la zone alors qu'ils n'y étaient pas préparés. » En 2004, Nicolas Sarkozy a pourtant été brièvement ministre des finances. Et depuis 2007, le pompier pyromane a aggravé le déficit structurel de la France avant même le déclenchement de la Grande Crise.
Quand les journalistes du Monde lui rappellent qu'il était allé demander lui-même un report de l'échéance d'équilibre budgétaire de la France en 2007, il rétorque, sans rire: « On ne parle pas de la même époque ou du même monde, même si c'est le même Président ».
Sarkozy plaide encore l'irresponsabilité, jusqu'au bout.
Un accord incomplet.
L'accord de Bruxelles est triplement insuffisant: sur ses délais de mise en oeuvre; sur la gouvernance démocratique; sur les moyens financiers européens.
En premier lieu, le fameux traité n'est pas ... écrit. Et oui... On l'oublierait presque. Nous n'en sommes qu'aux déclarations de principe. Et le délai pour parvenir au Traité est évidemment important: quinze jours pour « mettre au point le contenu juridique » de l'accord. Puis il faudra le ratifier, Etat par Etat, en pleine campagne électorale en France : « l'objectif est d'arriver à un traité pour le mois de mars.» En mars ? La Sarkofrance aura-t-elle encore son Triple A en mars ? Quand au fond monétaire européen, le « Mécanisme européen de solidarité », nous attendrons... juillet 2012.
Après les élections.
En second lieu, la démocratie européenne ne progresse pas. Les gouvernements ont-ils pris la main sur la BCE ? Non, cela aurait supposé davantage de volonté politique et surtout une refonte intégrale des traités. Selon Sarkozy, l'accord créerait « une authentique gouvernance économique » : « le fait que la responsabilité de la gouvernance revienne désormais aux chefs d'Etat et de gouvernement marque un progrès démocratique incontestable par rapport à la situation précédente, où tout s'organisait autour de la Banque centrale européenne [BCE], de la Commission et du pacte de stabilité.» Le Monarque, comme ses collègues européens, oublie simplement la seule instance européenne élue par les peuples, le Parlement européen !
Sarkozy nous l'assure: « on ne déléguera pas à d'autres notre souveraineté économique. Il s'agira d'un exercice partagé de la souveraineté par des gouvernements démocratiquement élus ». C'est n'importe quoi. Depuis quelques semaines, Nicolas Sarkozy propage ce fumeux concept de souveraineté partagée. Il l'avait affirmé avec force, mais sans convaincre, à Toulon, le 1er décembre dernier. Il se répète: « On conforte sa souveraineté et son indépendance en l'exerçant avec ses amis, ses alliés, ses partenaires. » Même d'un point de vue fédéraliste, l'Europe ne se dote pas d'un système de sanctions automatiques contre celles et ceux qui ne respecteraient pas leurs engagements budgétaires.
En troisième lieu, le fond monétaire européen n'est pas richement doté. Le MES disposera de 80 milliards d'euros de fonds propres, « ce qui représente un potentiel de 500 milliards de prêts ». Rappelons que la seule dette italienne est de 1.900 milliards d'euros. « Au mois de mars, nous examinerons si ces moyens sont suffisants » reconnaît Sarkozy. On sait déjà que le plan adopté vendredi dernier est jugé insuffisant par les marchés pour rétablir la confiance.
Un candidat flou...
Sur le fond, cette « autre Europe qui est en train de naître » ressemble fichtrement à l'ancienne. Alain Minc, le conseiller du soir du Monarque élyséen, se félicita, lundi matin sur France Info, que 9 Etats européens non membres de la zone euro aient accepté de se rallier à l'accord de Bruxelles. Un succès ? Dès samedi, le chancelier autrichien Faymann avait confié que l'accord manquait « de la puissance nécessaire pour avoir un effet durable ».
Dans les colonnes du même Monde, daté du 13 décembre, l'éditorialiste Martin Wolf dénonçait l'échec de Merkozy. Il récuse qu'on impute la crise actuelle aux déficits budgétaires (« l'examen des déficits budgétaires moyens de douze pays significatifs de la zone euro de 1999 à 2007 indique que tous, sauf la Grèce, se situaient en dessous de la fameuse limite des 3 % du PIB. » ) ou à l'endettement (« la position de l'Estonie, de l'Irlande et de l'Espagne était infiniment meilleure... que celle de l'Allemagne »). Non, écrit-il, « La crise actuelle est une crise des balances des paiements ». Le problème vient du tarissement du crédit privé.
Nicolas Sarkozy préfère entretenir le flou général. Il s'abrite derrière l'Europe pour masquer ses propres errements. La menace d'une dégradation de note ? Sarkozy ne commente pas la sévérité particulière de Standard and Poor's à l'encontre de la France: « la zone euro connaît un problème de gouvernance ». La faible croissance ? « Le grand risque, c'est celui de contagion de la crise européenne ». Et selon notre Monarque, le psycho-drame européen de vendredi dernier créérait « les conditions du rebond et de la sortie de crise ». Les déficits ? « L'adoption d'une règle d'or est une mesure de bon sens». Pourquoi ne se l'est-il pas appliquée sans attendre la Grande Crise ?
... mais candidat toujours
Lundi matin, le Monarque était au Conseil Economique et Social, pour un discours, un autre, pour les premières Assises des Professions Libérales. Il était de mauvaise humeur. L'agence Moody's venait de pointer « l'absence de mesures pour stabiliser les marchés sur le court terme ». Et d'annoncer qu'elle envisageait toujours de dégrader les notes souveraines des pays de l'Union européenne au cours du premier trimestre 2012. Ce matin, Nicolas Sarkozy lut, pendant 29 minutes, un discours écrit sans conviction sur les professions libérales. « Plus que jamais, la France a besoin de ces professions libérales. (...) Nous avons besoin de tous les métiers qui soutiennent la croissance économique. »
En pleine crise, Sarkozy s'était fait accompagner par Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat en charge (c'était normal), et François Baroin, ministre de l'Economie (c'était plus curieux). Nicolas Sarkozy avait les traits tirés, le teint blafard. Vendredi, il a promis de partir 15 jours en vacances et de s'abstenir de toute intervention. Il partira au Brésil. Comme souvent, quand les vacances approchent, Sarkozy joint l'utile à l'agréable, le prétexte officiel aux vacances privées.
Ce mardi, le candidat Sarkozy file en Haute-Savoie, il parlera du « produire français ». Encore une tournée de province, cette fois-ci chez Rossignol, une entreprise française « relocalisée » qui avait pourtant appelé au soutien, en vain, auprès de l'Elysée. Mais Sarkozy tient à la récupération.
Son exercice prend mal mais il le répète. Les visites provinciales de Sarkozy ressemble à ces tournées de Louis XVI avant les Etats généraux. Des centaines de gendarmes, des villages bouclés, une estrade métallique avec caméras et spots pour chaque discours.
Sarkozy se perd dans son microcosme.