Les orcs, les elfes et les autres…
Pour ceux ne connaissant pas l’univers de la série, celui-ci est trop complexe et spécifique pour pouvoir être évoqué dans la profondeur en quelques lignes. Sachez donc que l’on est dans du pure heroïc fantasy. Une lignée royale de type chevaleresque, des orcs, des nécromanciens, des pouvoirs magiques, des guerres de succession, des créatures improbables, des sorcières, des bestioles qui parlent, etc., le tout dans un univers moyenâgeux. La totale en gros. Tout y passe. Et ce sixième épisode reprend bien le flambeau. Car l’histoire, même pour ceux qui posent pour la première fois le pied au cœur de cet univers, parvient à être captivante, profonde et bourrée de référence en tous genre. La campagne solo est donc partagée en 6 parties différentes, chaque partie vous mettant aux commandes d’un des clans (griffons, nécromanciens, orcs, etc.). Cela permet une bonne vision globale de l’univers et une narration souvent intelligente et bien ficelée. On ne peut pas toujours en dire autant des voix françaises, ou des traductions qui, même si elles sont le plus souvent correctes, ne cassent pas trois pattes à un lapin. Quant aux cut scenes, elles sont souvent et malheureusement d’une effroyable mocheté.
Il en va heureusement bien différemment de la réalisation globale du titre. Les maps sont souvent très réussies, avec de la végétation virevoltant au gré du vent, des effets magico-fantastiques souvent bien rendus et j’en passe. Le niveau de zoom sur les cartes est également impressionnant et on ne note pratiquement aucun ralentissement ni aucun temps de chargement dépassant la décence communément admise. Bref, Black Hole Entertainement a fait du bon travail au niveau technique. L’aspect artistique, inévitablement central dans un jeu à licence tel que celui-ci, est également bien fichu, avec des créatures très variées et souvent à très forte personnalité, rendant bien les différences entre les races et leur donnant un cachet visuel suffisant afin de satisfaire les rétines de celui qui pose son regard sur les millions de pixels. Mention également bien à très bien pour les musiques qui sont dans l’ensemble très réussies et dont l’intensité varie au bon moment juste ce qu’il faut afin de renforcer l’immersion. Bref, au niveau audio-visuel et artistique, pas grand-chose à redire, comme d’ailleurs au niveau de l’univers. Mis à part une traduction et des cut scenes décevantes, le résultat est excellent.
Se perdre dans le jeu
Lorsque l’on rencontre un ennemi sur la carte, ou alors que l’on décide gaillardement de convertir une cité s’obstinant à réfuter la vision des choses dont le héros est le porte étendard, commencent donc les combats. Ceux-ci sont relativement classiques, dans la plus pure tradition de la stratégie au tour par tour. Il y a différents types de combattants à disposition, qui ont tous leurs propres caractéristiques (combat au corps à corps, combat de loin, médecins, attaques ciblées, dégâts de zones, etc.). Le tout est relativement classique pour un jeu de stratégie au tour par tour, et ce n’est peut-être pas là que l’on trouvera de l’originalité, même si le héros peut également influencer les échauffourées en jetant des sorts, des attaques, etc. On attaque une unité après l’autre, puis c’est au tour de l’adversaire, etc. Plus on a d’unités dans nos groupes de combattants, plus celui-ci va en mettre plein la face aux unités adverses. Simple comme bonjour. Simple et efficace.
Le challenge du jeu consiste donc à trouver un bon équilibre entre toutes les possibilités qu’il vous met à disposition. Sachant que plus on passe de temps sur la map et plus les adversaires deviennent coriaces, il faut donc trouver un bon équilibre entre les objectifs, les renforts de troupes, les combats annexes, les quêtes secondaires et les déplacements du ou des héros, puisque vous avez le droit de faire appel à plusieurs héros, histoire qu’ils se partagent le travail. Cette liberté que le jeu donne par rapport aux éléments et aux objectifs donnés est ce qui fait sa grande force, mais c’est paradoxalement ce qui rend les qualités du jeux sujettes à débat. Car bon sang, tout ceci prend des plombes !
« Donne-moi ton temps dont tu ne sais que faire »
Mais le pire dans tout cela, c’est que le jeu est suffisamment bien fichu pour que, le lendemain, une petite voix se réveille au fond de notre cerveau nous disant d’y retourner et de finir le travail. Une question s’impose : est-ce bien raisonnable ? Le jeu a un potentiel addictif très clair, mais il est tellement chronophage qu’il pose finalement une question intéressante : jusqu’à quel point un jeu a-t-il le droit de vous prendre votre temps libre ? Combien de temps est-ce qu’un jeu est en droit de vous réclamer, sachant pertinemment qu’il joue bien plus sur son potentiel addictif que sur ses qualités intrinsèques ?La question est difficile, mais il reste à espérer que n’importe quel joueur un peu… joueur comprenne de quoi il s’agit. Ce qui est peut-être le plus intéressant dans tout cela, c’est qu’un rapide tour sur les forums consacrés au jeu met en avant des joueurs trouvant que ce sixième épisode est devenu trop prévisible et qu’ils préféraient les anciens épisodes, dans lesquels le côté aléatoire des événements se passant sur la carte était bien plus sadique encore. Comme quoi tout est possible, mais si vous sentez que l’appel du jeu est plus fort que votre raison, il ne vous reste qu’à le désinstaller…
En résumé :
Avec ce Might and Magic Heroes VI, Ubisoft, en essayant tant bien que mal de contenter tout le monde, finit par pondre un jeu, non dénué d’innombrables qualités, mais qui est bien trop demandeur en temps et en ressources pour les novices et les gamers normaux, et qui s’applique trop à faire des compromis finalement inutiles pour satisfaire pleinement la niche de joueurs qui l’attendaient tel le messie. Qu’à cela ne tienne, ce n’est surement pas ce qui l’empêchera de trouver malgré tout son public. Combien de temps un jeu est-il en droit de vous réclamer ? Joue-t-il plus sur ses qualités ludiques et artistiques ou sur son potentiel purement addictif ? Ce sont des questions que l’on finit forcément par se poser lorsque l’on se plonge dans son univers. Chronophage à l’extrême, Might and Magic Heroes VI est presque la caricature d’un jeu de niche pour hardcore gamers, celui qui vous réclame votre temps libre dans sa quasi intégralité, sans jamais vraiment vous rendre la monnaie de votre pièce. On reste fébrile lorsque l’on voit à quel point il semble s’en moquer éperdument en sachant pertinemment que vous y reviendrez à un moment ou à un autre afin de passer cette satanée carte qui vous résiste. Génial ou dangereux ? C’est à vous de voir.
Mathieu Lanz
+ Excellente réalisation, un univers crédible, une histoire bien ficelée, des combats interessants
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chronophage à l’extrême, élitiste, en demande trop au joueur
Type: Jeu de Rôle – Stratégie
Editeur: Ubisoft
Age/PEGI: 16+
Sortie: 13 octobre 2011
Multijoueurs: oui
Plates-formes: PC
Testé sur: PC
Graphismes:★★★★½ Bande Son:★★★★½ Jouabilité:★★★★☆ Multi:★★★★☆ Durée de vie:★★★☆☆ |