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INTERVIEW - Groupe mythique et incontournable de la scène alternative Belge, dEUS fait figure de monstre sacré du plat pays. On ne présente plus le groupe de Tom Barman et nul besoin de vous dire qu'à lordsofrock on les adore. Il n'a dès lors pas fallu bien longtemps pour se libérer lorsque l'occasion s'est présentée de les rencontrer lors de leur passage à Neuchâtel le 6 décembre dernier. Rendez-vous fut donc pris à la « Case à Choc » quelques heures avant le concert pour un entretien avec Alan Gevaert le bassiste. Alors que Tom Barman, Stéphane Misseghers et Klaas Janzoons taillent une bavette sur le canapé d’à côté, nous prenons place et démarrons dans une ambiance détendue où le tutoiement est de rigueur.
Lords of Rock: Salut Alan, merci de nous recevoir, comment se passe la tournée ?
Alan: Tout se passe à merveille, le groupe est soudé comme jamais. On joue un peu partout en Europe et que l'on joue dans des salles de 200 ou 1000 personnes le public répond présent.
Il y a toujours autant d’adrénaline avant de monter sur scène ou est-ce que c’est devenu la routine ?
C’est clair qu’avec l’expérience on gère un peu mieux, mais je t’assure qu’il y a toujours autant d'adrénaline avant de monter sur scène. Pour preuve, la semaine dernière je me suis bloqué le dos pendant une interview un jour de concert, je feignais que tout allait bien devant le journaliste mais j’avais bel et bien mal. Mais une demi-heure avant d’entrer sur scène l'adrénaline montait tellement que la douleur a disparu. J'ai pu jouer à fond tout le long mais dès que le concert s’est terminé tout s’est réveillé et j’arrivais de nouveau à peine à bouger.
Pour autant qu’il y en ait une, ça ressemble à quoi une journée type de dEUS en tournée ?
En général en arrivant dans une ville, une fois la balance et le soundcheck terminés, chacun est libre et fait ce qu'il lui plaît. Ça nous arrive de composer ou de se lancer dans des jams mais la plupart du temps chacun gère sa journée à sa guise. Pour ma part j'aime bien aller me balader dans les villes dans lesquelles on joue. Bon sauf aujourd'hui, parce que le temps ce n'était pas vraiment ça !
Parlons un peu de l’album, c’est la première fois que tous les titres sont composés par vous tous. Ça a changé quelques choses par rapport aux enregistrements précédents ?
Ça n’a pas vraiment révolutionné la façon de travailler, mais ça a changé surtout par le fait que la musique devient le bébé de tout le monde et pas seulement de 1 ou 2 personnes. Alors, évidemment c'est différent de la musique que tu produis tout seul mais ça apporte quand même énormément de satisfaction d'arriver à s'entendre tous ensemble pendant la phase de création.
Il y a également un fait marquant qui me concerne, c’est que depuis cette année je chante (ndlr : notamment sur « Constant Now » le refrain, c’est lui) et ça c'est nouveau pour moi. Quand j’étais jeune on m’a longtemps cassé et j'avais perdu confiance dans le chant, du coup je fonçais sur la basse et je ne faisais que ça. C’est donc un événement pour moi cette année, chaque fois que j’ai des paroles je le fais à fond et grâce à ça je reprends confiance en mon chant.
Quelle est la principale difficulté dans le travailler en jams ?
Chacun amène ses propres idées et la difficulté est d'arriver à regrouper les moments de magie de chacun pour que l’ensemble sonne juste. Il faut aussi dire que j'ai presque dix ans de plus que les autres et que je viens d’une scène où la base est très différente, mais c'est très chouette de mélanger tout ça.
Tu parles d’expérience, justement à ce propos, c’est plutôt un avantage ou cela tue la folie ?
C'est une question à double tranchant parce qu'à 20 ans c'est clair tu ne réfléchis pas, tu fais tout ce qui te passe par la tête et en prenant de l’expérience tu réfléchis plus et tu laisses tomber des trucs que tu aurais gardé si tu avait plus d’insouciance. Je ne sais pas si c’est mieux ou pas, mais il y a une chose qui est sur c'est que je n'ai jamais aussi bien joué que maintenant. Pas parce que je joue plus vite ou que je suis meilleur techniquement qu'avant, mais simplement parce que maintenant je maitrise mon instrument. Je le maitrise physiquement mais surtout mentalement. Et ça c’est avec l’expérience que je l’ai acquis.
Je trouve que KEEP YOU CLOSE est l’album de dEUS où l’homogénéité entre les titres est la moins perceptible. Chaque titre installe sa propre ambiance et il est difficile d’y voir une trame du début à la fin. Qu’est-ce qui peut être à l’origine de ce sentiment ?
Au départ on voulait une certaine trame et il faut savoir que cet album a été conçu sur plus d’une année et demie. Pendant cette période les idées et les inspirations de chacun ont évolué et la vérité du début n’est pas forcément la même que celle de la fin. Sur cette période on a enregistré beaucoup de morceaux du coup quand tu en regroupes 9 qui ont été créés à des moments différents c'est ce qui peux donner cette impression. Mais on est parti pour avoir une homogénéité et les titres qui n'ont pas été retenu étaient ceux qui se fondaient le moins dans la trame que l'on souhaitait donner à l’album.
"La façon de distribuer la musique est une question que j'ai encore en moi et je me demande comment on peu solutionner ça"
Le titre "Keep You Close" est sans doute celui qui est le plus orchestré et le plus théâtral que vous ayez composé, était-ce un choix délibéré d’avoir un morceau de ce genre ?
Non, ce n'était pas prémédité mais une fois que le rythme de base a été trouvé, cela donnait direct le ton et l'orientation que le morceau allait prendre. C'est vraiment le rythme qui a dicté le résultat. Je comprends que cela ait pu surprendre les gens de trouver un morceau comme ça sur un album de dEUS, mais en même temps il n'y a qu'un morceau qui est comme ça ; d'autres sont aussi orchestrés mais pas aussi puissant que celui-ci.
Internet à modifié la façon de diffuser la musique et beaucoup fait baissé les ventes de disque. Avez-vous pensé sortir l’album de manière différente ?
Ben ce n’est pas qu’on n’ait pas voulu le faire, c’est surtout que ce n’est pas quelque chose que l'on peut se permettre. On n'est de loin pas en train de survivre de la musique, on en vit mais pour ça on a besoin que les disques se vendent. C'est un risque que l'on ne peut pas prendre. Mais c’est vrai que la façon de distribuer la musique est une question que j'ai encore en moi et je me demande comment on peu solutionner ça. Mais je n'ai pas encore la réponse.
Parlons un peu de toi, tu as rejoint le groupe en 2004, comment s’est passé ta rencontre avec le groupe ?
C'est un très bon ami à moi qui connaissait aussi Tom qui m'a envoyé un simple sms un jour. Le message disait simplement « Si tu reçoit un coup de fil, dis juste que tu sais chanter » ! Un jour j'ai reçu le coup de fil et je me suis pointé avec ma basse, j'avais un peu étudié ce que le groupe faisait mais sans plus. On a commencé à jouer et d’entrée ça a été un ouragan. Mon jeu était criblé de fausse note mais ça a donné quelques choses et avec l'énergie que ça a dégagé, on a tout de suite vu qu'on allait s'entendre.
Tu étais aux Etats-Unis lors des premières années de dEUS, connaissais-tu le groupe avant de le rejoindre ?
Pas vraiment, il faut dire que j'ai beaucoup voyagé et j'ai longtemps été dans une scène très différente à New York, j'ai également habité au Danemark et pendant cette période, j'ai complètement perdu contact avec la scène belge que je connaissais quand je suis parti.
Tu as maintenant trois albums à ton actif depuis que tu as rejoint le groupe, mais as-tu réussi à t’approprier les trois précédents de la même manière qu’il est possible de se les approprier lorsque on fait partie de la phase de création ?
C'est marrant que tu me poses cette question, parce qu'on en parlait encore hier ensemble. Je donne une touche personnelle et je joue à ma façon mais je ne change pas grand chose car, pour moi, c'est très important de respecter ce qui a été fait par ceux qui étaient dans le groupe avant que j’arrive. Mais grâce à cette petite touche personnelle, oui, je pense arriver à me les approprier.
Avant de terminer, juste une question complètement hors sujet, la situation politique en Belgique a trouvé une issue ces derniers jours, et un gouvernement va enfin pouvoir être mis sur pied après plus de 500 jours de crise, tu suis un peu la politique ?
La politique je la suis parce qu’on en parle partout dans tous les médias, mais je ne m’y intéresse pas plus que ça. Ça pourrait m'intéresser plus, si c'était des gens intéressants qui en faisaient. L'autre jour je regardais un politicien belge sur le web, s’en était à pleurer tellement c'est affligent. On dirait des enfants qui jouent aux Lego, y'en a un qui prend un bloc et l'autre en face qui se met à pleurer parce qu’il voulait le même que son vis-à-vis. Et en se moment en Belgique c'est ça. En plus c'est tellement transparent que ça en perd son intérêt. Alors bien sur que j'ai une vision politique mais elle n’est pas en accord la situation actuelle. Quand tu vois que sans gouvernement tu arrives quand même à produire des lois pour te serrer encore plus à la gorge, ça me fait gentiment marrer.