Témoignage d’un joueur compulsif
Gambling et jeu compulsif
Ali est d’origine algérienne. Travailleur infatigable, courtois et la bonne humeur contagieuse, le mi-trentenaire traîne un boulet dont il est peu fier. Un fort penchant pour les machines à sous. Le jeu lui a tout pris. Son argent, sa dignité et ses espoirs.
Dominic Desmarais Dossier Gambling
«J’ai abandonné toutes mes ambitions, tous mes rêves, pour jouer. J’avais 25 000$. J’ai tout flambé. J’ai tellement eu de misère à me pardonner.»
Ali ne pensait jamais vivre un tel cauchemar. Lui qui, depuis l’adolescence, travaillait avec acharnement pour bien vivre et mettre de l’argent de côté a vu les efforts de toute une vie disparaître. Pour des machines qu’il a côtoyées sans les voir pendant 7 ans, dans les bars où il travaillait au début de la vingtaine. «Je passais devant, je les nettoyais. Mais je n’avais aucune idée de ce que c’était, jouer, comment cela pouvait affecter la vie des gens que je voyais devant les machines. L’envie de jouer ne m’avait jamais pris.»
Un petit 10$
Les déboires commencent en 2003. Ali a 27 ans. Il vit tantôt chez sa petite amie quand elle n’est pas de garde comme infirmière la nuit, tantôt en appartement avec son frère. Par une nuit d’angoisse, il décide de se rendre dans un bar où il va régulièrement jouer au billard. Un des employés le convainc de jouer, sans penser mal faire. «Il m’a dit que ç’avait été une journée payante, que tout le monde gagnait aujourd’hui. Je n’avais jamais joué, ça ne me disait rien. Il m’a proposé d’essayer 10$. J’ai mis 10$. Et j’ai gagné 150$. C’est là que mon cauchemar a commencé. Trois semaines plus tard, j’avais perdu 5000$. Et trois mois plus tard, c’était toutes mes économies : 25 000$. Je jouais et je ne réalisais pas ce que je faisais. La piqûre m’a pris d’un coup.»
Ali n’a jamais été un gambler. Il joue sans se rendre compte qu’il a un problème. «Je suis devenu accro. Tout mon argent y passait. Moi qui ai toujours eu peur de gager de l’argent! Je travaillais et j’allais jouer. Parfois 7 à 8 heures d’affilé. J’avais trouvé un nouveau passe-temps. Devant la machine, tu oublies tout. Les priorités, le temps. Tu es énervé, stressé. Dès que je commençais à jouer, mon humeur changeait. Je me sentais bien aussitôt.»
Quand la compulsion s’installe
Ali commence avec des petits montants puis joue de plus en plus gros. «Tu joues un 20$, tu le perds. Tu veux le récupérer. Tu le perds. Tu veux ensuite aller chercher ton 40$. Et tu le perds. Et tu veux le récupérer… Jusqu’à ce que tu flambes tout jusqu’à la dernière cenne.»
Sa relation avec sa copine se dégrade. Elle lui suggère de suivre une thérapie. «Même si j’avais perdu 25 000$ en 3 mois, je ne considérais pas que j’avais un problème.» Ali cesse de manger. Il perd son appétit. Plus il dilapide son argent, plus il devient de mauvaise humeur. «Je paniquais toujours pour rien. Je m’énervais. Je travaillais de jour comme cuisinier et de soir dans les clubs et les festivals comme Juste pour Rire. Je travaillais 7 jours sur 7. Et tout allait dans le jeu.»
Quand Ali finit de travailler le soir, à 22h, il lui reste quelques heures pour rentrer se changer et aller jouer au bar jusqu’à la fermeture. Jusqu’à ce qu’il entende parler d’un endroit où le joueur est roi à toute heure du jour. «Quelqu’un m’a demandé pourquoi, tant qu’à perdre 1200$ au bar, je n’irais pas au casino… Ç’a été ma mort.
Déboires au Casino
Au Casino, les dépenses sont devenues plus imposantes. Ça ne ferme pas, le casino. J’ai joué, une fois, à partir de 7h30 le matin jusqu’à 2h30 dans la nuit. J’ai manqué ma journée de travail. J’ai perdu 5000$, cette journée-là. J’étais tellement furieux contre moi… J’ai voulu récupérer mon argent. J’ai commencé à espacer mes visites au casino pour y jouer avec des sommes plus grosses. J’ai économisé pendant un mois 10 000$. Je suis allé le jouer au complet. J’allais toujours jouer seul. Jamais je n’ai appelé quelqu’un pour m’accompagner.»
Ali devient obsédé par le jeu. La nuit, il voit des cloches et des 7 dans son sommeil. Il a toujours une pensée pour sa prochaine sortie en solitaire au casino. «Dans ma tête, je savais que j’irais jouer gros prochainement. Dès que je me prévoyais une journée de congé, j’y allais. J’y pensais longtemps à cette journée. Je me voyais déjà gagner un gros montant.»
La famille et le gambling
Ali avoue ses pertes d’argent à sa famille qui minimise le problème. «J’avais mis la faute sur eux. J’ai essayé de m’enlever la responsabilité. Eux se sentaient mal. Toute la famille savait. Mais personne ne savait que la maladie du jeu, ça existait. Et chez nous, le jeu, c’est péché. Pour un musulman, ce n’est pas bien.» Les problèmes d’Ali sont enterrés, au grand bonheur de tous. L’honneur de la famille est sauf. Ali n’a pas à se sentir mal devant les autres et confronter ses démons.
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