Au début du XXIIe siècle, l’Humanité se vit obligée de coloniser d’autres planètes suite à la destruction de la Terre dans une guerre mondiale de plus. Sur le monde de Gloire, les colons mènent une vie harmonieuse jusqu’au jour où surviennent les Zors, une race inconnue qui habita jadis cette planète autrefois dévastée par une autre guerre globale : sans sommation, ceux-là réclament leur monde en attaquant la base lunaire Aluce dont les habitants sont lobotomisés pour servir contre leur gré dans l’armée extraterrestre.
Sur Gloire, c’est le branle-bas de combat et pour l’équipe de la 15e escadre blindée de l’Armée de la Croix du Sud c’est la première épreuve du feu… Alors que les envahisseurs semblent invulnérables, un des soldats gloiriens capturés par les envahisseurs lors de l’attaque sur Aluce est soudain “rendu” aux siens : intégré à la 15éme escadre par ses supérieurs, celui-ci deviendra vite un élément-clé dans ce conflit apocalyptique aux allures fratricides…
Rarement ailleurs que dans cet anime se sera exprimée aussi fort la fascination du peuple nippon à l’égard des cultures européennes en général et la française en particulier. En témoignent les noms de nombreux personnages, celui de Jeanne Françaix en tête de liste, comme de nombreux costumes, décors et styles architecturaux, y compris à travers les intérieurs des vaisseaux extraterrestres qui ne vont pas sans rappeler l’Italie de la Renaissance. Mais les altérations sont subtiles et se mêlent avec adresse pour proposer un style qu’on pourrait presque qualifier d’unique, ainsi The Super Dimension Cavalry Southern Cross se place d’emblée assez à part, au moins sur les divers plans visuels.
La narration quant à elle, bien que proposant son lot d’originalité, reste plus commune : on apprécie néanmoins la caractérisation des personnages principaux qui, s’ils ne sont pas exempts de clichés, montrent toutefois une forte présence tout au long de l’histoire. Ainsi, le début du premier épisode s’affirme assez original puisque le personnage féminin principal s’y trouve en prison, ce qui en dit long sur sa personnalité… Quant à son supérieur immédiat, il est aussi enfermé, pour avoir batifolé de trop prés avec la fille d’un plus gradé. Mais que cette présentation succincte ne trompe pas car Southern Cross n’est pas une histoire de personnages à proprement parler : on y reconnait juste cette caractéristique des productions japonaises à vouloir s’éloigner des lieux communs, notamment en proposant une femme comme protagoniste principal – un choix encore assez peu courant à l’époque.
Impossible de parler de cette série sans évoquer les divers designs des armures et des mechas dont le style, au moins pour les premiers, se place dans le registre de l’unique. Les seconds, quant à eux, se veulent plus communs mais proposent toutefois une personnalité assez forte pour qu’on ne l’oublie pas de sitôt, en particulier chez les envahisseurs de l’histoire. À cela on peut rajouter une certaine sophistication des cadrages, une utilisation assez intensive du clair-obscur de l’école hollandaise et une bande sonore qui ne manque pas de subtilité. Ainsi se dégage une ambiance à forte personnalité qui pallie avec adresse aux quelques faiblesses – heureusement peu nombreuses – de l’histoire : celle-ci restant assez téléphonée dans son ensemble, il semble peu nécessaire de s’y attarder…
Beaucoup moins “simpliste” que ce que sa réputation peut le laisser penser, Southern Cross reste plus de 25 ans après un spectacle très efficace sur le plan de la distraction pure, mais qui laissera hélas sur leur faim ceux d’entre vous friands de relations psychologiques élaborées et complexes. On a vu certainement mieux mais on a aussi vu bien pire.
Notes :
Southern Cross fut diffusée en occident pour la première fois aux États-Unis sous la forme du segment Robotech Masters de la série TV Robotech (Robert Barron ; 1985), soit son tiers central. Des trois productions impliquées dans la création de Robotech, Southern Cross reste la plus altérée, sur le plan narratif (outre l’invention de l’extraterrestre Zor à partir de l’humain S. Weiße du récit original, le premier épisode de Robotech Masters fut fabriqué de toutes pièces pour faire le lien avec la Macross Saga qui précède à l’aide de séquences de The Super Dimension Fortress Macross) comme sur le plan artistique (la planète de Gloire possède deux lunes dans la série originale alors que Robotech Masters se déroule sur Terre : une des deux lunes a donc dû être effacée des séquences où elle apparaissait, ce qui à l’époque exigeait des moyens techniques coûteux).
Plusieurs séquences de Southern Cross se virent réutilisées dans au moins deux autres projets d’Harmony Gold, la compagnie qui commanda la création de Robotech : le premier de ces projets est le film Robotech: The Untold Story (Carl Macek ; 1986), bien que la matière première principale de celui-ci soit tirée de l’OVA Megazone 23 (Noboru Ishiguro ; 1985), et le second le film Robotech II: The Sentinels (Carl Macek ; 1992), une création presque entièrement originale à l’exception des quelques séquences tirées de Macross et de Southern Cross.
The Super Dimension Cavalry Southern Cross, Yasuo Hasegawa, 1984
ADV Films, 2003
23 épisodes, pas d’édition française à ce jour
- le site officiel de Tatsunoko Production (jp)
- l’avis de Gemini sur Le Chapelier fou
Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka