LES ALMANACHS DE MODE. Au XVIIIe siècle, on voit fleurir une grande variété d’almanachs dont certains sont de formats particulièrement petits et dont beaucoup concernent la mode. Les coiffures fournissent les sujets les plus récurrents des gravures des ouvrages dédiés à la Mode.
SOUVENIR A LA HOLLANDAISE, enrichi de nouvelles coiffures les plus galantes, où se trouve celle de l’Insurgente, faisant suite à Almanach de Toilette, et au Bijou dédié aux Dames de bon goût, qui se vend séparément avec tablettes économiques, perte et gain, Paris, Desnos, 1783 (in-18 : 7 x 11 cm). Chaque coiffure est présentée par son nom et est suivie d’une chanson, puis sur une autre page d’un commentaire sur son appellation et d’une gravure très fine et coloriée la présentant sur une femme de buste, dans un médaillon au dessous duquel est indiqué le nom : Bonnet à la candeur, Bonnet dans le Costume Asiatique dit au mystère, Baigneuse d’un nouveau goût, Le Parterre galant, Toque lisse avec trois boucles détachées, Coiffure en crochets avec une échelle de boucles, Bonnet au Levant, Pouf d’un nouveau goût, Coiffure en rouleaux avec une boucle, Toque à l’Espagnolette, Chapeau tigré… Suivent des pages « pour écrire à chaque jour de la Semaine, ses Pensées, rendez-vous, Souvenirs, Etc. » et d’autres « pour écrire dans les intervalles de chaque jour du mois la Recette & Dépense de la Maison, la Perte & Gain, & à la fin se trouve une Table de Récapitulation pour chaque mois, & autres feuillets blancs pour écrire ses affaires particulières, & ce que l’on désirera, avec le Stylet adapté au Livret, qui en fait la fermeture. » Avec à la fin, le calendrier de l’année 1783. La reliure est dans son maroquin rouge d’origine, avec triple filet, dos orné, pièce de titre de maroquin vert et tranches dorées. Elle possède un emplacement en trois parties pour un stylet permettant de fermer le livre.
ALMANACH DE GOTHA. Délicieux petit almanach avec reliure en carton et parchemin et tranches dorées. Il contient des gravures et articles de mode. Almanac de Gotha contenant diverses connaissances curieuses et utiles pour l’année 1789, Gotha chez C. G. Ettinger. Page de titre suivie de quatre gravures de mode intitulées « Coiffures de Paris » (Coeffures de Paris) avec deux planches de modèles en bustes et deux planches de chapeaux : à la Theodore ; de velours noir ; à la Provençale ; avec aigrette esprit de plumes ; bonnette ; Pouf à la Tarare ; Coiffure simple ; Chapeau/bonnet à crénaux ; Bouffant et frisure en crochets ; Bonnet à grande gueule de Loup ... Cet almanach contient de nombreux articles dont plusieurs sur la mode : les pantoufles, les talons hauts, les perruques, la poudre à cheveux, le savon, l’art de tricoter, les gants ... Un autre propose de véritables publicités : « Monsieur Pain marchand – parfumeur à Paris a inventé pour la peau, une pâte liquide, ou une espèce de baume, qui la rend douce, & et n’est pas nuisible. » ; « Madame Tasse marchande de fard de la cour, demeurant à Paris rue Coquillère vend un fard rouge sans odeur, préparé avec [l’essence de Saquis ??] ; plante, dont les sultanes du sérail de Constantinople, usent de préférence. Un pot de ce fard coûte 12, 18, & même 30 livres ». L’Almanach de Gotha naît dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il contient des gravures et articles sur la mode jusqu’à la fin de ce siècle. Bien que publié en Allemagne, il est rédigé en Français avec des thèmes très parisiens jusqu’à la fin de sa publication en 1944. Le but de cet almanach est de lister les maisons régnantes, les branches cadettes … d’Europe.
LA TOILETTE. Le mot de « toilette » vient d’une petite toile, très fine, qui au Moyen-âge est employée pour envelopper les vêtements et les protéger des insectes et de la poussière. On y range aussi des objets divers, en particulier ceux dont une dame a besoin pour embellir son visage et ajuster sa coiffure. Les toilettes sont placées chaque soir dans des cassettes de nuit, puis déployées le matin. Au XVIIe, le sens du mot s’élargit pour définir l’ensemble des objets de la garniture. Cependant, on désigne toujours le même tissu par le nom de « toilette ». Ce serait au XVIIIe siècle que le terme désigne en plus le meuble sur lequel on place ce qui est nécessaire à se parer. On l’appelle aujourd’hui ‘table de toilette’ ou ‘coiffeuse’. Au XVIIIe siècle, les dames de qualité font deux toilettes : de propreté et d’apparat. L’une est intime. L’autre est mondaine car on y reçoit. La seconde toilette est un instant où on échange des billets doux, où on reçoit ses amants … ; on y accueille des marchands de rubans ou autres fournisseurs ... ; on se fait coiffer ...
DAME A SA TOILETTE. Gravure d'une femme à sa toilette. Livre du XVIIIe siècle. Sur la table divers éléments sont reconnaissables. Il y a la boîte à poudre avec la houppe, des boîtes (à mouches, à fard…), des petits pots couverts. Ces objets peuvent être en différentes matières précieuses comme l’or, l’argent, la porcelaine, la faïence, le verre, le cristal… Le miroir est toujours présent, parfois partiellement couvert d’un tissu. Derrière elle : le pot de chambre.
« L’HEUREUX MOMENT ». Cette estampe représente une dame à sa toilette accueillant son ami. Sa composition est particulièrement intéressante. La perspective n’est pas respectée ce qui donne un aspect très décoratif accentué par les volutes rococos du premier plan et le drapé. La table de toilette est mise en avant sur les personnages. Estampe du XVIIIe siècle d’A. Aveline (peut-être Pierre Alexandre Aveline - 1702-1760) d’après Nondon le Fils, éditée par Chereau au Coq (pour Paris chez Chereau rue St Jacques au Coq), avec Privilège du Roi (C. P. R.). J.-F. Chéreau (1732-1794) est un graveur et marchand d'estampes de Paris.
POTS A FARD. Sur le tissu de toilette posé sur la table de nombreux objets sont disposés. Il y a le miroir évidemment, et puis d’autres ustensiles dont plusieurs pots. Ils sont généralement de formes cylindriques, plus ou moins grands, avec un couvercle muni d’une prise. Les pots à pommade contiennent des pommades de senteur (odoriférantes) pour les cheveux, le teint, le visage ou les lèvres... On fait usage de cires pour la barbe. Les pots à fard et les pots à onguent conservent leurs matières respectives. Ces deux pots couverts de toilette sont du XVIIIe siècle. Ils sont en porcelaine tendre de Saint-Cloud ou de Paris avec des décors de baldaquins typiques. La porcelaine du XVIIIe est particulièrement belle, délicate et raffinée.
EVENTAIL du XVIIIe siècle, papier et ivoire, avec une peinture représentant une dame assise devant sa table de toilette. On remarque à gauche une boîte à perruque ouverte posée sur une table. L’éventail est un objet d’élégance et d’expression. Sa manipulation est un langage. La façon de le tenir suit un phrasé dont les codes ne sont pas figés mais s’adaptent aux situations. Ce vocabulaire est subtil et surtout plaisant. Chaque parure, chaque mouvement, chaque trait de la parole, deviennent des messages : quelques regards équivoques, des gestes lascifs, un mouchoir qui tombe ... D’une manière générale le style est un verbe.
LE JARDIN DE TIVOLI est un des endroits où les gens à la mode comme les Merveilleuses et les Incroyables aiment à se retrouver. Il est l’œuvre d’un des fils du riche financier Boutin qui fait construire en 1766 ce parc sur 8 hectares vers l’actuel emplacement de la gare Saint-Lazare. Le nom lui est donné en référence aux jardins de Tivoli près de Rome ; mais on l’appelle aussi ‘ La Folie Boutin’. Il n’en reste rien aujourd’hui. Mais jusqu’au début du XIXe, on y trouve une multitude d’attractions. On y joue au jeu de bague, au tape-cul, on y boit, on y danse, on y croise des automates, on y applaudit des comédiens et des danseuses, on y assiste à des illuminations, on y fait des rencontres … Les deux gravures proposées ici proviennent de "Mode du Jour" et sont d'époque 1er Empire.
"LE JEU DU TAPE-CUL AU JARDIN DE TIVOLI".
"LES AMUSEMENTS DE LA BAGUE CHINOISE AU JARDIN DE TIVOLI".
UNE CANNE D'INCROYABLE. Partie centrale (fût) en racine torsadée piquée par des insectes.
LA REPONSE INCROYABLE. Les témoignages d’époque qui nous restent des Incroyables sont surtout des caricatures. Ici, c’est la façon dont ils utilisent des circonvolutions qui est raillée et les mœurs anciennes que symbolise ici l’Anglais habillé à la manière du XVIII e siècle avant que l’Antiquité devienne à la mode. L’absurde maniéré est une façon qu’utilisent ces Incroyables pour se démarquer et marquer leur univers en parfait décalage avec le commun. « LA REPONSE INCROYABLE 1. [l'Anglais (à droite)] Bon jour Mylord ! Je suis charmé de vous voir à Paris, comment vous portez-vous ? 2. [l'Incroyable] Je vous suis obligé de votre gracieuse demande, mais ne pouvant répondre de moi-même, je vais dépêcher un courrier à Londres ; et à son retour, je saurai la réponse que je dois vous faire. » Gravure sans doute de la fin du XVIIIe siècle. Depeuille officiait à cette époque.
L’EMBARRAS DES QUEUES. Ici Merveilleuses et Incroyables sont réunies dans cette estampe de Le Bon Genre du début du XIXe siècle intitulée « L’embarras des Queues. ». Elle représente deux Merveilleuses suivies de deux Incroyables s’étant pris, semble-t-il, leurs bâtons dans les traînes des élégantes. On remarque outre la panoplie caractéristique, les binocles-ciseaux à la taille de l’un des protagonistes qui sont des genres de faces-à-main (lunettes que l’on tient entre ses doigts) utilisées par les Merveilleuses et Incroyables. Le Bon Genre a été édité de 1800 à 1822, tout d’abord en 115 dessins humoristiques au format in-8° (d'à peu près 22 x 25 cm) commencés en avril 1800. En 1817 les 104 premières planches ont été rééditées.
LES MERVEILLEUSES ET L’ANTICOMANIE. Les Merveilleuses sont appelées de cette manière dès le milieu du dix-huitième siècle. Elles adoptent des modes excentriques, et après le 9-Thermidor (27 juillet 1794) et sous le Directoire (1795-1799) s'habillent de transparentes robes à l'antique, à la ceinture haute, avec de grands chapeaux à brides. Les vêtements ne sont plus amples pour les femmes ce qui leur donne des allures élancées. L'accoutrement est moins riche, beaucoup plus simple qu'auparavant. Le modèle de cette gravure du Journal des Dames et des Modes présenté ici a la tenue caractéristique antiquisante. Elle date de l’An 9 (1800) et le texte indique « Coiffure Antique ornée de Perles. Robe à taille longue ». La tunique est cintrée haut, comme c’est la mode à l’époque. Elle a des motifs en feuilles de chêne, alors que le châle lui a des fleurs et des feuilles d’acanthe.
CHAPEAUX DE MERVEILLEUSES. Gravure tirée d’une revue de modes de la fin du XVIIIe siècle ou du tout début du XIXe représentant des chapeaux de Merveilleuses rehaussés à l’aquarelle. Il s’agit là des couvre-chefs typiques des Merveilleuses de la fin du siècle qui ont de longues visières que certaines caricatures montrent disproportionnées.
LE DEBUT DES CHEVEUX COURTS
COIFFURE A LA VICTIME. Cette autre estampe du Journal des Dames et des Modes date de 1798 et est « dessinée d’après nature sur le Boulevard des Capucines. » La jeune fille a une « chevelure en porc-épic. Schall à Mouches. Rubans en Cothurnes. » Ce genre de coiffure aurait été institué en solidarité avec des condamnés à l’échafaud, cette coupe imitant celle de ces derniers ou dernières avant de passer à la guillotine. On lui donne alors le nom de « coiffure à la victime ». Les ‘bals des victimes’, ouverts à la fin de la Révolution à ceux ayant perdu au moins un de leurs proches à la guillotine, généralisent la mode des robes gréco-romaines et des cheveux ‘à la victime’ c'est-à-dire coupés au ras de la nuque à la manière de ceux exposés au couperet.
COIFFURE A LA TITUS. Les découvertes archéologiques du XVIIIe siècle mettent au goût du jour des coupes de cheveux courts appelées « coiffures à la Titus » du nom du fils de Brutus que l’acteur François-Joseph Talma (1763 - 1826) joue avec cette coupe qu’il garde en ville. Gravure du tout début du XIXe siècle intitulée : « Costume Français Habit à Grand Colet remontant. Cheveux à la Titus. »
Nous n’avons fait ici qu’effleurer le sujet et présenter seulement une partie de notre collection qui est proposée à la vente. Les modes françaises du XVIIIe siècle et des siècles précédents nous offrent des trésors de finesse, de bon goût, de plaisir et d’inventivités à redécouvrir. En vous promenant maintenant sous les arcades du Palais-Royal vous retrouverez un écrin de finesse, d’exclusivité et d’ouverture unique. C’est là qu’au XVIIe siècle la première Précieuse : la marquise de Rambouillet, tient salon ; que les modes qui se répandent dans tout l’Occident se font et que le « bon ton » est donné ; que parmi un imbroglio de gens de toutes sortes (des prostitués aux agioteurs [spéculateurs]) on trouve les plus belles dames de Paris et tout ce que l’élégance fait alors de mieux. Si au XVIIIe siècle Paris est le centre du monde, le centre de Paris est le Palais Royal ! « CAFE DES INCROYABLES. Ma parole d’honneur ils le plaisante. 1797. » Gravure présentant un café où se réunissent des Incroyables en 1797. Le titre reprend une de leurs expressions récurrentes : « Ma parole d’honneur » ; et la suite est volontairement humoristique puisque le « ils le plaisante » est dans une orthographe sens dessus dessous faisant justement référence à leur façon de prononcer. Tous les Incroyables sont ici affublés d’une perruque blonde (ou d’une coupe ?) 'en oreilles de chien'. Certains portent des chapeaux qui sont de deux styles différents. Ils ont deux boucles d’oreilles rondes et assez grandes, une cravate qui couvre le menton, une culotte, des bas avec des motifs, des souliers pointus… Ils tiennent des cannes ; ont des lunettes, des faces-à-mains ou une lorgnette. Un garçon sert du café. Le décor est de style néo-classique et le dessinateur/graveur (qui a signé RLL) s’est représenté lui-même sur la droite dans l’ombre, avec son stylet. Les Incroyables s'amusent à se reluquer les uns les autres ou lorgner d’autres personnes extérieures à leur cercle. Leurs manières semblent élégantes et amusées. Leur façon de regarder d’une manière ostentatoire les autres est accentuée, presque caricaturée, par les postures et tous les objets qui leur servent à observer et avec lesquels ils jouent. Les Incroyables, sous le Directoire, sont des hommes qui affichent une recherche extraordinaire dans leur mise et leur langage. Ils prennent l’habitude de ne pas prononcer le "r". C'est ce qu'on appelle un 'garatisme' qui consiste en un grasseyement mis à la mode par le chanteur Garat. On prononce par la gorge certaines consonnes et en particulier les "r". Cette gravure est un document d’exception et rare sur les Incroyables, même si les Merveilleuses manquent au tableau.