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formes d'une guerre

Publié le 12 décembre 2011 par Lironjeremy

formes d'une guerre
On est souvent pris dans l’ordinaire de nos mouvements de vie et pas rare pour moi de m’étonner de ce que la semaine a passé vite sans que je n’aie pu vraiment m’atteindre. Sans que j’ai pu me décoller de ça. L’agitation nous dévore. Vrai qu’on ne fait que passer. Moins de classes cette année que l’année passée, moins l’impression d’un travail d’usine avec le sentiment le soir de s’être fait dégueuler par la mer, échoué piteusement dans la nuit qui gagne dans les embouteillages. Mais jeudi je savais la grosse journée, le goût que ça laisse, le sentiment de vanité après l’espèce que tribunal pauvre des conseils de classe. J’aurais pu en rester là, rentrer tard, tourner pour la voiture, coucher les petits avant de manger et empoigner le travail pour le lendemain. Parfois s’offrir un verre sur le canapé, la face éclairée par les lumières qui bougent sur la télé. Reposer la carcasse. Pour tellement d’entre nous les semaines se résument à cette usure et à la force qu’on y oppose, résistance à la nuit. formes d'une guerre
formes d'une guerre
Moins de classe cette année. Plus de temps. Et l’espace que ça crée entre les choses les distinguent quand leur accumulation en faisait une glaise collante de laquelle je subissais longtemps la mélancolie. Alors j’avais l’énergie pour sortir. Répondre à l’invitation de Martin Bruneau, de passage sur Lyon, qui me disait aller écouter/regarder formes d’une guerre à l’ENS. Dominique Pifarély, Michele Rabbia, François Bon, Philippe De Jonckheere. J’avais vu la date sur le tiers livre, j’avais vu aussi qu’elle coïncidait avec celle du conseil de classe que je devais animer. J’avais considéré comme encore raté. Et puis merde, 20h, je tente. Retour fond de cale sur la nationale, bouchons légers, le temps de garer la voiture, embrasser les enfants au passage et plonger dans le métro. Forcément que ça allait être juste, et même très juste. 3  changements. Je lis un Bergounioux sur l’école, un peu désenchanté. 20 minutes de retard mais je rentre. Je reconnais la silhouette de dos, aux manettes de l’animation visuelle : Phil de Jonckheere. Alors même que jamais croisé hors son site et quelques rares échanges mail. En contre bas sur la scène, François Bon, IPad en main et le pied qui tape le temps pour retenir la voix. A gauche, les stridences du violon de Pifarély déjà aperçu, flou, sur tiers livre. A droite, les percutions de Rabbia, complexes, riches. Parfois la voix perdue sous les couches de son dont quelques mots émergent, parfois tout l’espace lui est confié, les images même se figent. Elle vous dit la mort, ou ce qu’elle induit qui creuse notre ordinaire. Jusqu’à la mort qui surgit de celui dont on n’a pas effacé le nom sur l’agenda. Et dans le tumulte des impressions croisées, portées par le son et les images, celui avec qui on partage un trajet  en camion pas assez vêtu pour le froid. Ce qu’on dit littérature et par quoi on fait retour du monde en soi, c’est pas forcément toujours dans les livres ni même dans l’écrit qu’elle nous parvient. Pas forcément davantage en forme organisée ou inféodée aux exigences ordinaires du récit. Et ceci est dit aussi à la fin : on aura préféré la langue vive qui tangue et qui claque, d’urgence à celle que l’on plie à une forme préétablie. On se rappelle ce désir de Godard de faire échapper le cinéma à la nécessité de raconter une histoire. On est encore à se demander ce que ça fabrique comme expérience, une pensée qui accompagne son mouvement, à essayer toute sorte de voies. Pas moins crevés qu’après ma journée de cours, les performers, et à remballer, démonter, faire place à la fin. Mais peut-être lavés d’une nécessité : celle de faire exister ces formes là, de se jeter dans ce vertige (souvent qu’on les envie, les musiciens, dans ce rapport électrique qu’ils ont avec le public dans le jouer live quand nous on présente à distance). La dernière fois que j’avais entendu quelque chose du genre (et j’étais là aussi arrivé en retard, installé discrètement dans le noir), c’était Fred Griot précédé d’une lecture d’Armand Dupuy. Pas un hasard sans doute si on se connaît tous un peu. Peut-être que chacun compte pour l’autre dans ce qu’il renvoie d’un désir commun. Alors bien sûr j’avais les yeux un peu sérés le lendemain matin de m’être rentré à 2h, mais j’avais le ventre gonflé de ça. Un peu plus d’énergie pour souffler aux élèves qu’on pouvait fabriquer des choses à vivre, partager des poches d’air, qu’il fallait mieux répondre à la folie qu’à l’usure.Forme d'une guerre. formes d'une guerre Formes d'une guerre, le 8 décembre 2011, Théâtre Kantor, ENS de Lyon. 

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