De peur de voir le vote ouvrier lui échapper en 2012, Nicolas Sarkozy va parler, demain, de valorisation de la production française. En profitera t-il pour expliquer à ces ouvriers que l'UMP envisage de les faire travailler plus ... pour gagner moins ?
Condamner la désindustrialisation, les délocalisations et le chômage afférent équivalait, il y a encore peu, à se faire traiter de ringard par le gouvernement et l'UMP. Mais l'imminence de la présidentielle et des législatives de 2012, ont subitement rappelé au Président qui aime les usines, qu'il était temps de se préoccuper du monde ouvrier et ... de son vote !
L'enjeu est de taille puisque si les ouvriers avaient placé l’actuel chef de l’État en tête du premier tour, avec 26% en 2007, le sondage IPSOS d'avril 2011 qui donnait 36 % d'intentions à la candidate du Front National, pour 2012, semble se confirmer !
Le Président sera donc le 13 décembre en déplacement à Sallanches (Haute-Savoie) : « (...) sur le thème « Produire en France » annonce l'agenda de l'Elysée. « (...) Il visitera un site du groupe Rossignol (skis), qui a relocalisé en 2010 une partie de sa production en France, et vanter le label « Origine France Garantie » s'enflamme Yves Jego, à l'origine de ce label , sur son blog.
Etonnament, Eric Besson ministre de l'industrie en quête de son avenir footballistique entre deux messages sur Twitter, ne sera pas du voyage !
Son absence serait-elle liée à ses dernières déclarations peu enthousiasmantes : « (...) Quant à acheter français, il faut utiliser l'expression avec tact et modération (...) La France est quatrième exportateur mondial, deuxième exportateur européen, nous ne pouvons pas prétendre vendre des locomotives, des trains, des centrales nucléaires, des avions, des produits de luxe... en donnant l'impression d'être frileux et protectionnistes »
Qu'en est-il de cette relocalisation miracle que le Président va honorer de sa présence ?
Pas de patriotisme économique dans le choix des dirigeants de Rossignol dont le PDG déclarait en 2010 : « On n’est pas là pour sauver des usines. S’il fallait en fermer, nous en fermerions. Même s’il est vrai que cela nous fait toujours plaisir de faire revenir des emplois en France (...) »
Comment justifiait-il la relocalisation de certaines activités en France ?
« Nous nous sommes aperçus que produire à Taïwan nous coûtait à peu près la même chose que de produire en France. Sauf que c’est beaucoup plus contraignant pour nous. On a des délais plus longs, on perd en flexibilité » Et comme les polyéthylènes très spécifiques utilisés par Rossignol ne sont fabriquées qu’en Europe ...
Simple confirmation de ce qu'écrivait El Mouhoub Mouhoud, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine en 2006 sur les raisons qui motivent une relocalisation : « (...) D'abord, du côté de l'offre, les possibilités de remplacer le travail peu qualifié par les machines ou les robots (...) Dans les secteurs à "matières solides", comme la mécanique, l'automobile ou l'électronique, il n'y a pas d'obstacle technique à la robotisation (...) »
Alors, combien d'emplois créés chez Rossignol ?
Libération indiquait en septembre 2010 que si le volume de production rapatrié était conséquent, le nombre de création d'emploi frisait l'indigence : « (...) Vingt équivalents temps plein, pour la plupart des CDD ou des CDI à temps partiel qui ne compensent pas les suppressions d’emplois ces dernières années chez Rossignol (...) »
Notre Président retrouvera sans nul doute les accents de 2007 : « (...) Les usines, c'est beau, c'est utile, il y a du bruit (...) Ça vit, personne ne se sent seul (...) » ou « (...) Je ne veux pas d’une France sans usine. Si les usines partaient, le reste partirait aussi. Les services aux entreprises partiraient. Le marketing, la finance, la recherche appliquée partiraient (...) » , et ceux de 2010 où il proposait ni plus ni moins : d'augmenter de 25% la production industrielle !
S'il évoquera probablement la mise en place d'une TVA sociale dite « anti délocalisation », qui ne fera que diminuer encore un peu plus, le pouvoir d'achat des français. Par contre, il est peu probable qu'il s'étende sur le projet de l'UMP concernant la renégociation du : « (...) temps de travail au niveau des branches, pour augmenter les durées (...) »
Quelle incidence aurait la mise en place de cette mesure ?
Marc Landré sur son blog explique : « (...) Dans le système actuel, celui que l'UMP veut remettre en cause, ces 37 heures se décomposent en 35 heures "normales" et 2 heures supplémentaires. Deux "heures sup" majorées de 25% en termes de salaire, défiscalisées et exonérées de charges sociales. Dans le système que l'UMP veut mettre en œuvre, exit donc la majoration de salaire sur les deux nouvelles heures normales, les exonérations de charges et d'impôt sur le revenu. Bref, une baisse de pouvoir d'achat pour tout ou partie des 4,5 millions de salariés qui effectuent chaque mois des heures supplémentaires (...) »
Voir moins, comme expliquait Jean-François Copé proposant des solutions aux délocalisations, dans une tribune sur Slate : « (...) augmenter la durée du temps de travail sans augmenter autant les salaires (...) »
Réponse demain en Haute Savoie où le Président devrait nous : « dire sa vision et le chemin qu’il propose »
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Metro France