On l’entend se dessiner à travers les nébuleuses, les brindilles, les foulées. L’Afrique. Elle est là, en compagnie de ses poètes, de ses pirates, ses habitants et prisonniers. Elle a recueilli, ou plutôt dérobé Kurt Krausmann, ce médecin allemand parti pour faire face au drame de sa vie. Elle a également pris Hans dans ses filets, ce riche industriel embarquant son ami à bord de son voilier pour venir en aide aux plus démunis. Mais il n’en sera rien. L’assaut des pirates à bord de l’embarcation les conduira vers une toute autre destinée.
A travers le récit de ces personnages, rencontrés au détour d’une blessure, d’un choc, d’une morsure, c’est une grande leçon humaine que Yasmina Khadra nous enseigne.
Comment ne pas haïr ce pays et ce peuple, étant pris au piège des mains de pauvres hères? Bourreaux infâmes guidés par un instinct de survie plus fort que tout. Faut-il essayer de comprendre? Peut-on s’imaginer que leur humanité leur fut en fait dérobée il y a bien longtemps?
Vous allez rencontrer Joma, le poète réfugié dans la violence. Blackmoon, le bavard dévoué, vous allez rencontrer l’Afrique, ses secrets, ses forces et ses faiblesses. Le continent se dessine sous les mots de Khadra. Il épouse les traits de douleurs profondes pour finalement esquisser le plus beau des visages, celui de l’Afrique, en quête de quiétude et d’harmonie.
Ses mots révèlent la nature des hommes, et davantage celle des Africains. C’est un système de survie qu’il décrit. Une leçon d’optimisme dans une vie rythmée par le drame. Le drame bien réel des prises d’otages qui chaque année sévissent au large des côtes somaliennes.
La splendeur de l’Afrique se donne à voir aussi bien dans les yeux de Bruno, ce français « frère d’Afrique » que son cruel paradoxe se révèle dans ceux de Kurt.
« J’aime ses hauts et ses bas (…) ses misères splendides comme ses tragédies grecques (…) Je vois un pays là où d’autres voient un continent, et dans ce pays, je suis MOI ». Tels sont les mots de Bruno, en toutes circonstances.
Vous assisterez à la magie de ce peuple. Ces Africains qui « meurent la nuit, et au matin ressuscitent ». Inexplicable, oui. Et pourtant, en tournant les pages, on comprend.
« L’Afrique ne se voit pas, elle se sent ». Et l’équation africaine réussie cet éveil des sens.
C’est ça l’Afrique, vue par Khadra. Le temps d’une trêve poétique.
L’équation africaine,
de Yasmina Khadra,
19 euros, éditions Julliard
Florence G.