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Anonymous. Après la lutte contre la Scientologie et les détracteurs de WikiLeaks, après le Printemps arabe, la masse d'internautes anonymes s'est étendue, amplifiée, renforcée. Le phénomène descend aujourd'hui dans les rues avec les indignés pour "Occupy Wall Street".
Dans un ouvrage sobrement intitulé "Anonymous" à paraître ce lundi 21 novembre, Frédéric Bardeau et Nicolas Danet, deux communicants spécialisés dans les ONG, se placent "en observateurs d'un nouveau mouvement qui modifie les rapports de force au sein de la société". Alors, les anonymes sont-ils "pirates informatiques ou altermondialistes numériques ?" Eclairage de Nicolas Danet.
D'où viennent les Anonymous ?
- Anonymous est un phénomène qui prend racine dans l'ADN contestataire du web, dans cette contre-culture américaine des années 1970 représentée par Stephen Wozniak [co-fondateur d'Apple] ou Richard Stallman [à l'origine du projet GNU]. Une contre-culture libertaire empreinte de cyberculture. Anonymous conjugue cette cyberculture avec une pop-culture (les mangas, les animés japonais, etc.) issue du forum d'images 4Chan [où les membres se nomment "Anonymous", NDLR].
La mobilisation contre l'Eglise de Scientologie en 2008 a été l'évènement fondateur. Anonymous a diffusé différentes vidéos de promotion interne, dont celle mettant en scène Tom Cruise. Mais c'est la défense de WikiLeaks qui a fait exploser la notoriété d'Anonymous. WikiLeaks, ces hackers de la société de l'information, s'est naturellement attiré les grâces des anonymes après avoir vu ses crédits bloqués par les géants MasterCard, Visa et PayPal. Via le hack, Anonymous s'est présenté comme porte-étendard de la contestation dans l'ère d'une information devenue numérique.
Les Anonymous sont-ils des pirates ?
- Par définition, "pirate" est associé à l'idée de vol. Anonymous ne vole pas. Ce ne sont donc certainement pas des pirates. Mais on compte quelques hackers dans leurs rangs : d'un côté ceux capables de s'introduire dans des systèmes informatiques, de l'autre des "hackers de l'info" capables de créer des relais d'informations (vidéo, image, blog...). Anonymous est devenu spécialiste du hack médiatique, en particulier avec le détournement d'images et de vidéos.
Mais ce ne sont pas non plus des terroristes. Il n'est pas question de la bande à Baader. Anonymous est un phénomène beaucoup plus vague, où le seul fil rouge est la défense de la liberté d'expression. Un concept auquel adhèrent de plus en plus de personnes. A un moment, la CIA a essayé de cibler le profil-type des sympathisants d'Anonymous : c'était tellement flou qu'ils ont ciblé la moitié de la population.
Un Anonymous lors du mouvement "Occupy Wall Street" à New York (Sipa)
Comment les "opérations" sont-elles lancées ?
- Depuis ses débuts, Anonymous utilise des canaux IRC pour communiquer, de vieux réseaux utilisés seulement par des geeks. Les sympathisants discutent ainsi tous ensemble et si une opération recueille l'approbation d'un grand nombre de personnes présentes, alors elle est lancée. Il s'agit d'un modèle assez singulier de démocratie directe où il n'y a pas de représentant, pas de chef. Un modèle qui se retrouve aujourd'hui dans "Occupy Wall Street" [largement soutenu et médiatisé par Anonymous, NDLR] : il n'y a pas de plate-forme stricte pour adhérer au mouvement, et n'importe qui peut venir et discuter avec le groupe. Anonymous est un peu comme un grand vol d'oiseaux migrateurs : ils forment une masse qui connaît l'objectif, mais un oiseau peut s'éloigner du groupe à tout moment, pour revenir, ou non, par la suite.
Certains évoquent des "manifestations du futur".
- Anonymous a lancé de nombreux appels à l'attaque de déni de service [qui consiste à surcharger un site en requêtes jusqu'à sa saturation, NDLR] ou DDoS. Nombreux sont ceux qui assimilent ces attaques à une sorte de désobéissance civile, équivalent numérique d'un sitting. Mais, quand lors du blocage d'une rue sans autorisation on voit une évacuation, sur internet quand plusieurs personnes bloquent l'accès à un site, la réaction des Etats est très violente. La pratique est illégale et très sévèrement punie.
"Anonymous : pirates informatiques ou altermondialistes numériques ?", de Frédéric Bardeau et Nicolas Danet, éd. FYP (DR)Les Anonymous peuvent-ils changer le monde ?
- Ils sont déjà en train de la faire. Anonymous a changé le rapport de force entre citoyens et autorités. De la même façon que WikiLeaks a changé la donne, Anonymous a bouleversé les cartes. Peut-être qu'Anonymous disparaîtra d'ici deux ans, mais cet esprit contestataire perdurera. Nous nous sommes rendus compte de cette puissance de communication qu'est Internet. Ça ne s'arrêtera pas là...
Interview de Nicolas Danet, co-auteur du livre "Anonymous", par Boris Manenti.
Source : NouvelObs.com