Comment relancer nos économies et sortir du système infernal dans lequel nous sommes piégés? Un peu partout dans le monde et en France, certains répondent à cette angoisse en inventant des systèmes de monnaies alternatives. Est-ce la bonne solution?
Les expériences se multiplient en Ariège, à Toulouse, à Grenoble... Le principal intérêt de ces monnaies est de faire des échanges et du commerce uniquement entre gens partageant les mêmes valeurs de solidarité, d'écologie locale. On peut penser aussi que cela favorise la relocalisation économique, entre soi, hors des circuits financiers mondialisés. En effet, au coeur de ce système, il y a la nécessité d'être reconnue comme étant membre du réseau qui utilise la monnaie d'échange alternative.
Aussi séduisante que soit la monnaie alternative, ces limites découlent de son principe même : il faut être convaincu de son utilité pour s'y investir comme consommateur ou comme prestataire. Aussi, si il faut espérer leur développement, il nous faudra bien trouver des systèmes qui permettent d'étendre les mêmes démarches auprès de la majorité de la population qui ne partagent pas les mêmes convictions. Dans ce contexte, la fiscalité a un rôle essentielle à jouer pour espérer relocaliser nos industries et relancer notre économie à bout de souffle.
Récit d'une expérience possible et réaliste où la fiscalité faciliterait cette relance économique. Pour cela, un mécanisme simple : une TVA, devenue TVE, différenciée en deux taux : 19,7 % et 19,5% (à la place de 19,6). Ce différentiel est destinée à voir les écarts augmenter d'année en année selon une progression connue. Ces deux taux permettent de distinguer deux types de produits ou de services. A 19,7%, la (presque) totalité des prix pratiqués. A 19,5%, uniquement les produits labellisés selon un cahier des charges rigoureux : production et consommation locale, entreprises petite ou moyenne, matériaux sains, recyclables ...
Pour éviter les travers du lobbying, le label sera donné selon un cahier des charges national mais définit par des commissions locales indépendantes, sans participation d'experts et de cabinets d'évaluation normatifs. On retrouve ici la logique de la monnaie alternative qui définit son cadre d'action mais avec la différence fondamentale que cela s'applique à tous les acteurs économiques et non seulement à ceux qui l'ont choisi.
Mais la démarche présentée ici ne s'arrête pas uniquement à une différenciation entre produits, elle consiste aussi à permettre de relancer l'économie locale en fournissant les moyens financiers de la relance. En effet, l'augmentation d'un dixième du taux de TVA de la majorité des produits ne reviendra pas dans la poche de l'Etat. Il abondera un fond local -géré par les collectivités territoriales- dont l'unique fonction sera de fournir les investissements nécessaires à la relance de l'activité économique.
L'erreur serait alors d'utiliser cet argent pour subventionner les entreprises qui s'installeraient. Comme l'explique Elias Mouhoud Mouhoud, dans Terra éco, pour éviter les déboires passés, "il faut financer les territoires, pas les entreprises". Cet argent servira plutôt à installer des zones d'activités complètement équipées, fonctionnant sur le modèle des pépinières d'entreprises, comprenant des locaux passifs, conçus pour être autonome en électricité. Les collectivités vont louer, à un prix très modique, les locaux aux entreprises qui respecteront le cahier des charges pour bénéficier du label et du taux de TVE réduit.
Payées par l'augmentation du taux de TVA, ces zones seront des investissements sur le long terme, qui ne seront pas limitées par la capacité d'endettement de la collectivité territoriale. Ne leur ayant rien coûté, celles-ci pourront pratiquer des loyers très faibles qui vont rendre très attractifs la relocalisation pour les entreprises qui n'auront qu'à payer leur équipement et leurs salaires, s'affranchissant de la lourdeur d'une immobilisation immobilière et des charges habituelles de leurs locaux.
Le système peut paraître dérisoire. Il ne l'est pas si l'évolution différentielle des taux de TVE est programmée par la loi. L'écart se creusant, au fil des années, les entreprises vont devoir faire le choix d'investir dans cette démarche si elles veulent à la fois profiter des investissements locaux et profiter de prix progressivement de plus en plus avantageux. De plus, l'écart se creusant, le taux de TVA appliqué aux produits non labellisés, va dégager des recettes de plus en plus importantes: les capacités d'investissements vont donc augmenter.
Cette démarche, tout en respectant la liberté des acteurs économiques et les principes de la concurrence, permet de mettre au coeur de l'action publique, un mode de volontarisme politique qui favorise la responsabilité environnementale et sociale sans l'imposer pour autant. Elle autorise l'extension des convaincus, l'élargissement d'un mode de pensée alternatif qui a dû mal à s'imposer devant la puissance du modèle économique dominant.